Votre regard sur le barreau de Rennes ?
Paul Delacourt. C’est un barreau compétent, sérieux et rigoureux, composé d’avocats très engagés. Le barreau est une véritable mosaïque. Nos confrères interviennent dans tous les domaines. Il n’y a pas matière à aller chercher un avocat à Paris.
Le barreau connaît une croissance importante, comment accompagner le millier d’avocats ?
P. Del. Le risque d’une telle mosaïque, aux personnalités, matières et modes d’exercice différents, c’est la désunion. Isabelle est avocate-conseil et je suis avocat judiciaire, nous portons une candidature collective et unitaire. Il faut comprendre que lorsqu’un avocat est en difficulté, c’est tout le barreau qui l’est.
Quel rôle le bâtonnier peut-il jouer dans l’accompagnement de l’avocat vers 2030-2050 ?
Isabelle Garin-Vigier. L’avocat est et restera le premier conseil et le premier défenseur des droits dans une société en plein bouleversement. Nous voulons intensifier les efforts de l’Ordre en matière de Responsabilité sociétale et environnementale, par une formation sur l’application locale de la charte de l’avocat citoyen et responsable du Conseil national des barreaux, un partenariat avec la Fresque du climat, et une formation sur les enjeux climatiques et la transition écologique. Nous scrutons également les travaux du CNB en matière d’intelligence artificielle. C’est un sujet majeur. L’avocat de demain doit s’emparer de l’intelligence artificielle.
P. Del. L’avocat se devra d’être également pleinement engagé dans les modes alternatifs de règlements des conflits, dont la diffusion dans les différentes instances va s’intensifier. Nous agirons également sur le bien-être au travail, avec des formations au management pour les collaborants. Comment retrouver de l’attractivité quand 22% des confrères quittent la profession après dix ans d’exercice ?
Les prérogatives de l’avocat sont-elles menacées et le bâtonnier doit-il les défendre ?
P. Del. Le rôle du bâtonnier est de défendre le périmètre du droit et la place de l’avocat. Dans les professions du droit, chacun a suffisamment à faire dans son couloir de nage. Lorsqu’on sort de son domaine de compétences, les difficultés commencent. Nous voulons renforcer les partenariats avec notamment les professions du droit, les notaires, par exemple, ou les commissaires de justice, avec qui nos liens sont encore inexistants. Par ailleurs, les avocats donnent énormément, et je souhaite que nos partenaires puissent mettre en lumière tout le travail accompli. Je pense, à titre d’exemple, à l’aide juridique d’urgence, aux permanences et interventions multiples des différents groupes de défense (mineurs, victimes, étrangers, hospitalisation sous contrainte), des commissions (pénal, travail…).
Que proposez-vous pour la conciliation vie professionnelle – personnelle ? Et la parentalité ?
I.G-Vi. Nous créerons une commission mieux-être au travail et mettrons en place une formation sur la base du « guide pratique de la parentalité de l’avocat » du CNB, afin d’avoir une parfaite connaissance de ses droits, des démarches et des clés pour gérer l’arrêt d’activité consécutif à la parentalité et de ses effets tant à l’égard du parent que du cabinet.
P. Del. Concernant la crèche (un projet de crèche pour accueillir les enfants d’avocats est régulièrement évoqué, ndlr), un « serpent de mer » je ne veux pas lancer des sujets dont on sait qu’ils n’aboutiront pas pour des raisons financières évidentes.
La démocratie du barreau, qu’en pensez-vous ?
P. Del. Pour les grandes décisions, le bâtonnier convoque une assemblée générale. Il est normal que les confrères soient associés à la réflexion. Les débats sont parfois vifs, c’est ce qui caractérise notre profession. C’est un bel exercice démocratique.
Quid de la Maison des avocats ?
P. Del. Nous allons vers l’option du déménagement.
La relation avec les magistrats ?
P. Del. Un des piliers du programme ! La relation est déséquilibrée. Les audiences sont parfois tendues et mal vécues, particulièrement par de jeunes confrères. Juridiction par juridiction, nous ferons une évaluation de la situation avec les confrères, suivie d’un plan d’actions concerté avec les magistrats. Nous travaillerons à un vrai partenariat avec l’institution judiciaire. Nous avons tout à y gagner. Nous assurerons un suivi en assistant aux audiences de manière inopinée.
Le corporatisme a-t-il du bon ?
P. Del. L’Ordre n’est pas un organe corporatiste. Il est le garant de nos règles professionnelles et de notre déontologie. Il participe au service public de la justice. Il y a peu de professions soumises à ce niveau d’engagement et d’exigence.
Quelles sont vos motivations à être bâtonnier et vice-bâtonnière ? Pourquoi maintenant ?
P. Del. Nous sommes à un moment charnière, je veux faire bouger les lignes. Nous souhaitons être des accélérateurs des initiatives et des orientations que doit prendre l’Ordre pour être en phase avec un monde du droit en plein bouleversement. Je n’ai rien à gagner, rien à perdre. Je suis proche de la retraite. Je ne crains rien.
I.G-Vi. Lorsque Paul me l’a proposé, cela m’est apparu comme une évidence, naturel. C’est l’envie de poursuivre mes engagements au sein du barreau. Je veux apporter mon sens de l’écoute à l’Ordre.
Le mot de la fin ?
P. Del. Plutôt une pensée, pour trois confrères marquants qui représentent toute la diversité et la richesse de notre profession. Me Fernand Labori, défenseur du capitaine Dreyfus dans le cadre du procès en révision qui s’est tenu à Rennes en 1899, victime d’un attentat. Me Gisèle Halimi, qui s’est battue pour l’avortement et pour que le viol soit criminalisé. Me Robert Badinter, au départ avocat d’affaires, puis qui a embrassé la cause de l’abolition de la peine de mort. C’est cette robe qui nous unit, quelle que soit notre activité, elle nous dépasse, elle nous oblige !
I.G-Vi. À l’unisson ! Délibérément ensemble !
Le programme à retrouver ici.