La société évolue et, avec elle, les logements. Si la fameuse crise du logement est sur toutes les lèvres, inquiétant les uns, minant les autres, le groupe Espacil reste positif. En tant que filiale d’Action Logement*, « notre vocation est de loger des gens sur leur lieu de travail ou à proximité. En 2023, nous avons déposé 1 200 agréments pour de nouveaux logements, ce qui représente à peu près 20 % de l’ensemble des agréments en Bretagne. À cela s’ajoutent 257 réservations de biens en accession sociale à la propriété », évoque Julia Lagadec, directrice générale d’Espacil Habitat et Accession.
Avec un chiffre d’affaires de 187 millions d’euros, (139,6 millions d’euros pour Espacil Habitat et 47 millions d’euros pour Espacil Accession en 2023), « aujourd’hui, ce qui nous différencie c’est notre capacité à produire. Nous allons livrer un peu plus de 1 200 logements par an sur les trois prochaines années au moins, en locatif ou en accession ». Face à de grands noms de l’habitat social, ce qui fait la force du groupe Espacil en matière d’accession neuve, c’est aussi l’avantage tarifaire. « Nous vendons en moyenne à -30 % du prix du marché en Bretagne. Sur l’aire métropolitaine rennaise, nous sommes aux alentours de -25 %, et ce, sans gager sur la qualité. »
Un point primordial pour les trois professionnels du logement. Que ce soit sur l’accession ou le locatif : objectif qualité. « Quand nous faisons des logements, je me pose toujours la question : est-ce que j’aimerais que ma fille y habite ? », résume Philippe Tatard, président d’Espacil Accession.
Une « crise », à quel point ?
« La crise n’est pas terminée, au contraire, elle est encore devant nous. Mais ce n’est pas qu’une crise de la construction, c’est aussi une transformation sociétale très forte ». Inflation, renchérissement de la construction, hausse des salaires… De nombreuses contraintes ont entraîné des évolutions de prix qui ont pu atteindre + 20 % chaque année. « Quand en 2020 on construisait l’équivalent d’un T3 à 120 000 euros, aujourd’hui on le construit à plus de 180 000 euros. » Par contre la capacité des accédants n’a pas suivi cette évolution des coûts. « Ce que l’on constate aujourd’hui n’est un secret pour personne : un tassement très net de la rotation du parc, c’est-à-dire la capacité de certains ménages à quitter leur logement social pour un autre logement (7 % seulement de rotation au niveau national, 6,3 % pour Espacil en 2023, ndlr) », ajoute Jean-Pierre Vauzanges, président d’Espacil Habitat.
Du côté du groupe, concrètement, « nous avons eu un premier effet « coup de bambou » : l’augmentation très conséquente du taux du livret A a totalement bouleversé nos équilibres financiers, puisque 90 % de ce que l’on emprunte provient de la caisse des dépôts, avec taux variable ». Cela pousse Espacil à être vigilant. « Nous faisons attention à avoir une capacité d’autofinancement qui tient dans le temps. Alors que notre résultat les années précédentes était toujours au-dessus de 10-12 millions, cette année, il est de 5 millions d’euros net en 2023. » Avec un peu plus de 800 millions d’euros de dettes contractées sur plusieurs années, « dès que le taux du livret A a augmenté, (passé de 0,5 % en 2020 à 3% en 2023, ndlr), cela nous a privé d’à peu près 10 millions d’euros par an, qui auraient pu servir à produire du logement. » Il y a ainsi la conjonction de deux choses pour ces professionnels : la crise économique et la transition climatique qui impose de nouvelles normes, dont la loi ZAN, zéro artificialisation nette.
Dans cet environnement assez anxiogène, « nous avons la pêche. Ce qui nous arrête, ce sont seulement les problèmes de fonds propres. Si l’on avait une machine pour en fabriquer, on ferait deux ou trois fois plus que ce que nous faisons aujourd’hui. »
« Nous sommes d’abord un acteur breton. Tout l’argent que nous investissons retourne sur le territoire. »
Rénover, c’est l’avenir
Et « avoir la pêche » pousse à trouver des solutions. « Nous misons sur le renouvellement de la ville sur elle-même pour développer de nouveaux logements. Cela coûte toujours plus cher qu’une opération classique dans le neuf, il faut arriver à équilibrer. » Avec 100 000 demandeurs en Bretagne, pour un parc disponible de 189 000 logements environ pour le moment, il y a forcément de l’attente. Le délai moyen annoncé d’attente en Bretagne est passé de 12 mois à 20 mois en l’espace de deux ans. Mais « répondre en durée est difficile. C’est un nouveau phénomène en Bretagne, il y a eu un vrai effet post-2020. La réalité est tout autre : certaines familles attendent parfois jusqu’à sept ans, selon des critères de priorité. » Une difficulté quand on sait que la région est attractive : 400 000 personnes supplémentaires sont attendues à l’horizon 2050 pour le territoire breton, « il faut les loger. C’est là où nous avons des vrais enjeux en Bretagne. L’offre locative, qu’elle soit privée ou sociale, s’est raréfiée. »
Car 70 % des Bretons sont éligibles aux logements sociaux, cela traduit la demande exponentielle. Parmi les attributions de logements sociaux chaque année, 53 % le sont à destination des actifs du secteur privé.
La rénovation urbaine et la réhabilitation sont ainsi des opportunités pour densifier : plus d’offres, plus de personnes logées. « Nous sommes là pour répondre à toutes les évolutions et parcours de vie. Nous nous rendons bien compte que la vie n’est pas linéaire : alors qu’avant le modèle familial assez classique avec deux parents et des enfants était le plus répandu, aujourd’hui les familles monoparentales représentent le gros des attributions principales dans le social (près de 30%). C’est d’ailleurs pour cela que nous construisons de plus en plus souvent des T2 et T3 et moins de T4 et T5. » Les T5, eux, disparaissent petit à petit : « Dans des cas bien particuliers, quand nous réhabilitons des bâtiments anciens dans lesquelles il y avait beaucoup de T4 et T5, c’est intéressant, car nous pouvons augmenter l’offre en modifiant la taille des logements, en faisant des appartements plus petits et plus confortables. »
Terminé les HLM « cages à poules »
Le confort, mais aussi l’élégance. Il n’y a plus de différence entre le privé et le social aujourd’hui. « Quand un locataire rentre dans un appartement de ce type, il ne doit même pas se rendre compte que c’est du social. C’est important pour nous. Nous répondons la majorité du temps à des appels à projets. Il faut, à longueur de temps, être innovants et performants. » Cela concerne aussi les normes environnementales, « qui rentrent totalement dans le cahier des charges », Espacil étant certifié NF Habitat HQE depuis plusieurs années.
Avec les nombreuses évolutions du secteur, « nous avons besoin de repenser nos modèles. Renouvellement urbain, démolition, réhabilitation, développement, c’est d’ailleurs pour cela que nous réorganisons nos équipes maîtrise d’ouvrage. Dans notre parc, il n’y a quasiment plus de logements en étiquettes F et G et les derniers seront rénovés d’ici à la fin de l’année. Nous rénovons en moyenne, chaque année, un peu plus de 550 logements. Cette année, nous allons faire un peu plus de 1 195 rénovations : réhabilitation et modernisation. »
« À chaque opération, nous faisons un saut dans le vide. »
Chacun son habitation
Au-delà de la rénovation, le groupe mise sur l’innovation. « Nous nous adaptons aux besoins des territoires. Nous avons une pluralité de produits et de projets : notre vocation est de loger les salariés, mais aussi accompagner tous les parcours de vie. »
Tour d’horizon non exhaustif :
- À destination des seniors : les maisons Helena en Ille-et-Vilaine (petits collectifs d’une vingtaine d’appartements), treize résidences aujourd’hui et 22 en potentiel. En partenariat avec les collectivités, « ce ne sont pas que des logements mais des offres d’accompagnement, d’animations, de services ».
- Deux pensions de famille en Morbihan (Lanester et Auray, bientôt une à Riantec) : résidence sociale permettant d’accompagner des locataires aux parcours de vie décousus, chahutés, « ce, grâce au logement ».
- Le projet Hippocampe pour les familles scindées suite à un divorce : « L’idée, c’est avoir une petite pièce supplémentaire selon la surface pour accueillir un ou plusieurs enfants. »
- Le BRS (Bail réel solidaire), un moyen de plus en plus utilisé par les collectivités pour permettre de faciliter l’accession. « Cela commence à prendre beaucoup d’importance, les collectivités sont de plus en plus en demande. Notre particularité est que nous développons le BRS dans le neuf, mais aussi l’ancien. »
- Le PSLA : l’accession par la location.
- Les constructions modulaires : des petits appartements modulables et pré-équipés. « Cela permet de raccourcir considérablement les temps de réalisation. Par exemple, 18 mois entre le permis de construire et la livraison pour des appartements modulaires à Redon (35). Quand, pour une construction classique, il peut se passer 4-5 ans entre le moment où l’on commence à discuter du programme et sa livraison. Cela permet aux étudiants, jeunes actifs, saisonniers, de trouver des logements … Il y a des enjeux ».
Deux exemples d’opérations
Projet Double Jeux : dans le cadre des Jeux Olympiques, Espacil a réalisé une opération de construction bois réversible avec le groupement Pichet et Legendre. Une résidence de 142 logements mise à disposition des sportifs sur l’île Saint-Denis. Ce programme va faire l’objet d’une réversibilité pour devenir une résidence étudiante, livrée en 2025.
Une autre opération emblématique dans le quartier rennais de Villejean pour répondre au vieillissement du parc : un projet de rénovation en lieu et place des tours des 2 et 8 rue Bourbonnais, concerne 165 logements. En évidant complètement les deux tours, pour ne garder que les porteurs et de travailler totalement les façades et les logements, « nous allons passer de 165 logements à 210 logements environ, tout en conservant des grands logements. Un projet pour lequel nous proposons des relogements à l’ensemble des habitants. » Le programme est en finalisation avec Rennes Métropole.
Groupe Espacil
Le groupe Espacil est une filiale du groupe Action Logement, premier bailleur de France (46 entreprises sociales pour l’habitat, réparties sur le territoire national et sur les DROM COM). « Nous sommes les héritiers du 1 % logement. Le Medef copilote le groupe avec toutes les organisations syndicales. »
Le groupe est composé de deux branches :
Espacil Habitat, (400 collaborateurs) qui gère plus de 27 000 logements en Bretagne, Loire-Atlantique et en Île-de-France, en développement depuis plusieurs années, avec une année 2023 particulièrement significative : 1 204 logements développés, « exclusivement en Bretagne, principalement en Ille-et-Vilaine, Morbihan et Finistère (les départements d’actions d’Espacil, les Côtes-d’Armor étant gérés par La Rance, ndlr) ». 1/3 du parc est à destination des étudiants et des jeunes actifs. « C’est une particularité dans le secteur HLM dans son ensemble. »
La Coopérative HLM Espacil Accession : à l’origine Socobret, née à Lanester (56) en 1975, elle est devenue Espacil Accession en 2000. Espacil Accession (70 collaborateurs) fait de l’accession à la propriété sous plafond HLM principalement. « Espacil Accession figure parmi les dix plus grosses coopératives du monde des coopératives HLM en termes de production. Avec 256 réservations dans la Coop et 320 livraisons en accession en 2023, nous avons dépassé les 1 500 « coopérateurs ». »
BONUS
Votre lieu favori ?
PT : La mer. En bon Lorientais, je vais dire Larmor-Plage.
JPV : Pareil, la mer. Et puisque j’habite Saint-Malo, je vais dire Saint-Malo.
JL : Mon salon, tour à tour havre de paix et lieu de vie pour toute la famille.
Plutôt maison ou appartement ?
PT : Maison.
JL : Maison aujourd’hui, parce qu’enfants, donc jardin autant que possible. Mais appartement hier et sans doute demain !
JPV : J’ai vécu 38 ans dans un appartement parce qu’avant je n’avais pas les moyens d’acheter. Quand j’ai pu acheter, j’ai acheté une maison plutôt qu’un appartement. J’ai eu un vrai parcours résidentiel.
Une œuvre culturelle ?
JL : Une œuvre littéraire, Capitaine Hornblower, qui raconte les aventures d’un capitaine de marine anglaise.
JPV : Le Requiem de Mozart, parce que c’est beau, tout simplement. Et que je l’ai chanté.
PT : L’église de Larmor-Plage. J’y étais encore hier matin.
Un mantra ?
PT : Ne pas céder.
JPV : Ne rien lâcher. Il y a de la précarité, de la pauvreté, des situations compliquées pour beaucoup : ces personnes ont les mêmes droits que n’importe qui d’être logées.
JL : Une expression de Marc Twain : « Dans vingt ans, tu seras plus déçu par les choses que tu n’auras pas faites que par celles que tu auras faites. »