Couverture du journal du 30/06/2025 Le nouveau magazine

GRAND FORMAT. Avec Polaria, Groix & Nature met l’IA en boîte

À Groix, au large de Lorient (56), la PME Groix & Nature explore depuis plusieurs mois les possibilités d’un usage raisonné, humain et stratégique de l’IA. Une démarche singulière menée en binôme avec Cyril de Sousa Cardoso, expert en intelligence artificielle et président du groupe Polaria, basé à Brest (29). Rencontre croisée entre deux ambassadeurs d’une intelligence artificielle ancrée dans la réalité, le territoire… et le bon sens.

Marianne Guyader et Cyril de Sousa Cardoso ©7Jours/Echelard

Quel est le contexte de votre collaboration ?

Marianne Guyader. L’intelligence artificielle est un sujet dont on parle de plus en plus, mais que je ne comprenais pas vraiment, par manque de connaissances, et aussi parce que je n’avais pas forcément envie d’aller chercher l’information. Il y avait une forme d’appréhension : en tant que dirigeant d’une PME, je me demandais si l’IA pouvait réellement apporter quelque chose à mon entreprise, à mes équipes, et transformer notre quotidien.

J’ai rencontré Cyril de Sousa Cardoso lors de l’assemblée générale de Produit en Bretagne il y a deux ans, et cette rencontre a été une vraie révélation. Grâce à des mots simples et des exemples concrets, transposables au monde de l’entreprise, il a su rendre ce sujet accessible et pertinent. Je l’ai invité à venir à Groix & Nature. L’objectif était de lui faire découvrir notre conserverie, nos valeurs fortes, tout en explorant comment l’IA pouvait s’intégrer intelligemment dans notre activité.

L’ambition de la conserverie est désormais d’intégrer stratégiquement l’IA à l’horizon 2030, tout en restant fidèle à son statut d’Entreprise du Patrimoine Vivant.

« L’ambition de la conserverie est désormais d’intégrer stratégiquement l’IA à l’horizon 2030 » ©7Jours/Echelard

(RE)LIRE AUSSI : DOSSIER. Entretien avec Cyril de Sousa Cardoso, fondateur de Polaria : « La Bretagne à la pointe » en matière d’IA

Cyril de Sousa Cardoso. J’attendais ce type d’initiative avec impatience, car j’ai envie de contribuer à la transformation du tissu des PME. Alors, quand Marianne Guyader m’a contacté, j’ai tout de suite accepté. Je pressentais déjà un fort potentiel, des opportunités à explorer.

Nous sommes à un moment charnière : l’IA progresse vite, son potentiel est immense, mais les cas d’usage concrets manquent encore. Ce qui rend ce projet précieux, c’est qu’il permet d’acculturer, de dépasser les peurs et idées reçues. Marianne a cette capacité rare à dire “je ne sais pas” et à aller au-delà, ce qui est essentiel aujourd’hui. Beaucoup de dirigeants de PME hésitent encore, soit par crainte, soit par excès de certitudes. Il y a un vrai décalage entre la compréhension de l’IA et ce qu’elle peut réellement apporter. Mais on ne peut pas lutter contre la plus grande révolution technologique de notre époque — il faut l’accompagner. L’IA peut générer d’immenses gains de productivité, à condition de l’intégrer avec justesse et discernement.

Ce qui nous a réunis, Marianne et moi, malgré des univers très différents – l’agroalimentaire et la tech -, c’est cette conviction commune : l’humain reste au cœur de tout.

Marianne, avez-vous rencontré des freins au début ?

MG. Une certaine réserve subsistait de ma part, par crainte qu’on touche à ce qui fait notre identité. Mais je suis convaincue que, comme pour toute grande évolution technologique, il ne faut pas résister, mais plutôt comprendre, accompagner et adapter pour mieux avancer. L’IA est entrée discrètement dans l’entreprise, notamment via des stagiaires qui l’avaient déjà testée. Ce « shadow IA » (« shadow » signifie « ombre » en anglais, ndlr) a révélé qu’il était temps de réfléchir à son intégration. L’accompagnement de Cyril a été clé : il a su comprendre le fonctionnement de l’entreprise et identifier où l’IA pouvait réellement apporter de la valeur.

L’IA ne remplace pas, elle libère de l’espace, encore faut-il savoir à quels sujets cet espace doit être consacré. Chez Groix & Nature, très attachée à son territoire, à son intégrité et à son savoir-faire, il était essentiel de préserver ces valeurs. En avançant dans les échanges, les bons sujets ont émergé naturellement.

CSC. Marianne parle de « shadow IA » à juste titre : 30 % des professionnels utilisent déjà l’IA au travail, et 65 % le font sans en informer leur employeur.

Concrètement, comme cela s’est-il passé ?

MG. L’IA peut devenir un levier puissant si elle permet aux équipes de se recentrer sur des sujets de fond. Pour amorcer cette réflexion, nous avons organisé une première journée avec une dizaine de volontaires…