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Renaud Van Ruymbeke : des professionnels du droit bretons lui rendent hommage

Le juge, connu pour avoir instruit de nombreuses affaires politico-financières (Elf, Urba, Clearstream, les frégates de Taïwan, Kerviel, Cahuzac…), est décédé à 71 ans, des suites d'un cancer. Depuis sa retraite, Renaud Van Ruymbeke résidait à Mordelles (35), où il s'était installé en 1991, alors qu'il exerçait à la cour d'appel de Rennes, de 1988 à 2000. Ses obsèques avaient lieu ce jeudi 16 mai, en l’église Notre-Dame-en-Saint-Melaine à Rennes. Des personnalités du monde juridique breton livrent leur souvenir de ce magistrat emblématique.

Portrait issu de la couverture de son livre "Mémoires d'un juge trop indépendant", publié aux éditions Taillandier en 2021 ©DR

Jean-Baptiste Parlos, premier président de la cour d’appel de Rennes

Jean-Baptiste Parlos a mis au coeur de son discours d'installation les difficultés que traverse l'institution judiciaire ©Studio Carlito

Jean-Baptiste Parlos, premier président à la cour d’appel de Rennes ©Studio Carlito

« J’ai bien connu Renaud Van Ruymbeke, à plusieurs titres. D’abord en tant que collègue juge d’instruction, puis lorsque j’étais président de la chambre financière du tribunal de Paris, ensuite quand je dirigeais le service pénal du tribunal où nous avons œuvré ensemble : il était premier vice-président chargé de l’instruction et nous avons travaillé à l’organisation de la section financière de l’instruction, lorsque le parquet national financier a été créé. Notre relation était celle d’une camaraderie professionnelle. Je garde le souvenir d’un magistrat remarquable, très rigoureux, animé d’un profond souci de l’intensité de la preuve. Il était très scrupuleux dans l’examen de la réalité et savait mettre en doute ses propres convictions. Pour lui, la preuve devait être imparable. Au-delà de ses qualités professionnelles, c’était un homme extrêmement amène, agréable et bienveillant. »

Frédéric Benet-Chambellan, procureur général de la cour d’appel de Rennes

Frédéric Benet-Chambellan, procureur général près la Cour d’appel de Rennes, justice

Frédéric Benet-Chambellan, procureur général près la cour d’appel de Rennes ©Studio Carlito

« Je garde en mémoire avec la plus grande émotion le maître de conférences que fut M.Renaud Van Ruymbeke de la direction d’études que je suivais à l’École Nationale de la Magistrature chaque semaine pendant plusieurs mois avec une quinzaine d’autres auditeurs de justice. Dans le contexte d’alors, où beaucoup d’entre nous, à la fois très intéressés par les fonctions de juge d’instruction et plein d’interrogations faisant suite entre autres à une affaire criminelle ayant connu un retentissement médiatique considérable (l’affaire Grégory, ndlr), nous avons bénéficié de son expérience solide, et plus encore d’une déontologie professionnelle profonde et claire. C’est peu dire qu’il s’inscrit alors, séance d’enseignement, de réflexions et de partages les unes après les autres, sous une houlette bienveillante mais exigeante, comme un exemple, et qu’il l’est demeuré pour moi. Ce que j’ai retenu au cours des bientôt 40 ans ayant suivi, c’est l’exacte mise en œuvre par lui de tous les principes qu’il s’efforçait alors de nous faire partager : son indépendance, envers lui-même et ses propres préjugés pour commencer, son refus de s’inscrire dans un quelconque corporatisme, une rigueur professionnelle de chaque instant, l’exigence de rendre l’action judiciaire compréhensible et exemplaire aux yeux des citoyens et justiciables. Au-delà de l’image qui a pu être donnée de lui, il demeure pour moi celui qui a tracé le chemin de l’engagement pour la justice, de ses obstacles comme de ses immenses exigences. »

Catherine Glon, bâtonnière du barreau de Rennes

Me Catherine Glon, dans son bureau à la Maison des avocats de Rennes. ©SB_7J

Me Catherine Glon, bâtonnière du barreau de Rennes ©SB_7J

« C’est un homme que j’aimais beaucoup. J’ai travaillé avec lui dans le dossier Urba. Ce qui le caractérisait, c’est son courage, sa droiture, sa fiabilité, son indépendance. »

 

 

 

Hélène Laudic-Baron, vice-présidente du Conseil national des barreaux et avocate fougeraise

Hélène Laudic Baron, vice-présidente du CNB ©Studio Carlito

« En Bretagne, nous nous souviendrons d’un magistrat acharné, recherchant à tout prix la manifestation de la vérité dans l’affaire Caroline Dickinson. Il avait des positions fermes sur le fonctionnement de la magistrature et les questions de l’instruction qui lui ont valu des critiques. Nous perdons un magistrat de convictions, ouvert et agréable. »