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DOSSIER. Entretien croisé : le risque pénal du dirigeant en matière de harcèlement moral et sexuel

Confrontés à l'obligation de prévenir le harcèlement moral et sexuel au sein de leur entreprise et de gérer les conséquences lorsqu'un cas survient, les dirigeants se retrouvent en première ligne, leur responsabilité pénale pouvant être engagée. Entre exigences légales, sanctions et bonnes pratiques en ressources humaines, Stéphanie Villejoubert, présidente de l’ANDRH Bretagne Est, et Klit Delilaj, avocat au barreau de Rennes, mettent en lumière les risques auxquels font face les dirigeants et les outils indispensables pour assurer un environnement de travail sécurisé.

Stéphanie Villejoubert, présidente de l’ANDRH Bretagne Est, et Klit Delilaj, avocat au barreau de Rennes

Stéphanie Villejoubert, présidente de l’ANDRH Bretagne Est, et Klit Delilaj, avocat au barreau de Rennes ©7Jours/Bruneau

Quelles sont les définitions du harcèlement moral et sexuel ?

Klit Delilaj. Le harcèlement moral se caractérise par des agissements répétés qui dégradent les conditions de travail d’un salarié, portant atteinte à ses droits, sa dignité, sa santé ou son avenir professionnel. Un acte isolé ne suffit pas, sauf s’il est d’une gravité exceptionnelle. Contrairement à une action devant les Prud’hommes, la reconnaissance du harcèlement moral comme délit exige la caractérisation d’un élément moral : la conscience de commettre des actes interdits, conformément au principe selon lequel « il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». Le harcèlement sexuel, quant à lui, concerne des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste, répétés ou, dans certains cas, un acte unique mais grave visant à obtenir une faveur sexuelle.

Stéphanie Villejoubert. La définition juridique est essentielle pour éviter toute banalisation ou usage galvaudé de ces termes.

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Pouvez-vous donner des exemples ?

S.Vill. Des pressions insistantes par mail, comme des messages du type « Es-tu libre ce soir ? », des plaisanteries déplacées, des regards appuyés et intrusifs, ou encore des cadeaux inappropriés, peuvent constituer des éléments de harcèlement sexuel. Concernant le harcèlement moral, j’ai été confrontée à un cas impliquant un manager très intelligent et subtil qui dénigrait systématiquement le travail de son équipe pour se valoriser. J’avais recueilli une quinzaine de témoignages à son sujet. Ce type de situation est particulièrement complexe. Les victimes, craignant des représailles, hésitent à dénoncer les comportements de leur responsable hiérarchique ou collègue. Mais en créant les conditions de la confiance, les personnes osent se livrer. À l’issue du traitement de la situation, toute l’organisation s’est « allégée » et a pu travailler avec plus d’efficacité. Les collaborateurs nous ont remerciés pour la prise de décision et la gestion humaine du problème.

« Un dirigeant peut être tenu pénalement responsa…