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Stéphane Le Teuff, président de la Fédération Française du Bâtiment de Bretagne : Menace sur des milliers d’emplois

Comme tous les deux ans, les Assises régionales du bâtiment réunissent l’ensemble des acteurs de la construction et les institutions bretonnes. Cette année, elles se tiennent ce 11 mai au Palais des arts de Vannes. L’occasion de faire le point sur un poids lourd de l’activité économique, qui traverse des crises successives. Comment s’en sortent les professionnels ? Éléments de réponse avec Stéphane Le Teuff, président de la Fédération Française du Bâtiment de Bretagne.

Stéphane Le Teuff, président de la Fédération Française du Bâtiment de Bretagne ©7Jours-DB

Stéphane Le Teuff, président de la Fédération Française du Bâtiment de Bretagne ©7Jours-DB

7 Jours : Au niveau national, le nombre d’autorisations de nouveaux logements a chuté de 11,5%. La Bretagne connaît-elle la même situation ?

Stéphane Le Teuff : D’après le Service des données et études statistiques (SDES- estimations janvier 2023), le nombre d’autorisations de nouveaux logements a chuté de plus de 10% en Bretagne. Notre région suit donc la tendance nationale et la situation reste préoccupante. Tous les voyants étaient pourtant au vert mais le secteur a été confronté brutalement à plusieurs crises et différents freins comme la difficulté de l’accès aux crédits, notamment pour les primo-accédants, ou encore la hausse du prix du foncier et celle des matériaux. Résultat : beaucoup de projets ont été suspendus, et on espère, seulement reportés. Il est encore un peu tôt pour tirer des conclusions définitives sur le marché tant le phénomène d’inertie compte beaucoup dans notre secteur. Mais je crains que nous entrions très vite dans le dur et que nous perdions environ 100 000 emplois au niveau national…

Le rêve de la maison individuelle devient-il de plus en plus inaccessible en Bretagne ? 

S.L.T :C’est un pan de notre activité qui nous préoccupe, d’autant que les Bretons sont attachés à leur bout de terrain. C’est un placement patrimonial important auquel ils sont très attentifs. Mais les prix ont tellement augmenté que l’ensemble du marché s’en trouve complètement bouleversé. Ajoutez à cela la très forte attractivité de la Bretagne et vous obtenez une situation des plus complexes. Plus de 280 000 nouveaux Bretons sont attendus d’ici 2070 ! La pression est de plus en plus forte sur tous les types de logement et commence à s’étendre de l’Ille-et-Vilaine au Morbihan, comme en Bretagne nord.

crise du logement : le bâtiment est au centre de notre dynamique régionale

Comment font les entreprises pour s’en sortir ?

S.L.T : Nous avons 4 milliards d’euros de travaux devant nous ! Cette perspective devrait nous réjouir pourtant nous avons traversé tellement de crises successives que beaucoup de chefs d’entreprises jettent l’éponge. Ils ont supporté la plupart des hausses de coûts pour ne pas alourdir la facture finale mais aujourd’hui, certains en paient le prix fort. En 2023, 50% de nos entreprises en difficulté sont en liquidation contre 20% en 2019. C’est très violent. Et nous refusons d’être une variable d’ajustement. À cela s’ajoute la difficulté à recruter. Un phénomène directement lié à la crise du logement. Le bâtiment est au centre de notre dynamique régionale et il faut en prendre conscience.

Dans ce contexte de nouvelles tendances se développent-elles ?

S.L.T  : Avec la hausse du prix de l’immobilier beaucoup de foyers diffèrent leur projet de déménagement. Ils préfèrent investir dans une extension que de s’endetter pour acquérir un bien plus grand ou proche de la mer. Du côté des professionnels, on s’adapte comme on peut à cette nouvelle demande. On insiste également sur le réemploi. Pour moi, c’est ça la vraie révolution. Les chantiers de déconstruction se généralisent et de véritables filières de réemploi se mettent en place. Aujourd’hui, on compte facilement jusqu’à 7 bennes de tri sur les chantiers ! Les principaux freins au réemploi étant désormais levés, notamment sur leur assurabilité, on trouve chez nos fournisseurs du neuf et du seconde main. Cette alternative donne d’ailleurs lieu à d’intéressantes bonifications dans les appels d’offres.

Des dossiers que vous comptez soutenir lors de votre prochain mandat ?

S.L.T : Je me représente en effet, mais je ne suis pas encore réélu ! Je souhaite continuer à soutenir la filière dans cette période post-crises. Nous pouvons être fiers du travail que nous avons accompli collectivement et je veux travailler sur les dossiers que nous avons déjà engagés comme le projet d’un cinquième CFA en centre-Bretagne, la réponse au défi climatique, l’emploi de nouveaux matériaux ou la valorisation de nos métiers.

Les chiffres du bâtiment en Bretagne

3 500 entreprises

40 000 emplois

8 milliards € de travaux à l’année

2,3 milliards € de commandes publiques dans le bâtiment

9 000 ha à construire d’ici 2040

3 500 jeunes en formation dans les 4 CFA bâtiment de Bretagne