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Avocat : de la culture du contentieux à la culture de l’amiable

Le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, parle de « révolution culturelle pour le monde judiciaire. » C’est dire l’importance du sujet. Droit de la famille, droit des affaires, droit administratif… Dans plusieurs disciplines, les modes amiables de règlement des différends (MARD) gagnent du terrain. Si d’aucuns réfutent le terme de « mutation », il convient a minima de parler de transformation, en particulier en droit civil qui représente 60% du contentieux au niveau national.

©SB-7Jours

Certes la culture de l’amiable n’est pas toute récente, surtout dans les branches du droit civil. Pourtant, les avocats qui la pratiquent apparaissent comme des pionniers dans la profession. « En France, peu d’affaires sont transigées en amont. Tandis qu’en Angleterre et au Québec par exemple, 90 à 95 % des affaires dont le juge est saisi font l’objet de règlement amiable », rappelle le ministère de la Justice.

Trois grands types de modes amiables de règlement des différends (MARD)
La négociation
La conciliation
La médiation

Avocats, « instruments de la paix »

« Les avocats sont perçus comme des instruments du conflit, mais ils peuvent aussi être des instruments de la paix », résume Me Marie Blandin. Cette spécialiste du droit de la famille a fait de l’amiable un de ses chevaux de bataille. Seule représentante rennaise de l’association Les Avocats de la paix, elle s’attelle à « apaiser les dossiers » dans une discipline où les enjeux sont sensibles. « Les rendez-vous à quatre se pratiquent de plus en plus, permettant de donner la parole à tous. L’intérêt de la famille, et des enfants quand il y en a, prime. Le contentieux laisse des traces dans la co-parentalité, alors qu’au fond personne n’a envie du conflit. C’est une façon pour les clients de se réapproprier leur dossier et de participer à l’issue. »
Selon l’avocate, les professions du droit ne sont qu’aux prémices du passage de la culture du contentieux à la culture de l’amiable. « Pour développer une culture commune, il faut que des groupes inter-professionnels se créent : magistrats, huissiers, notaires, avocats… »

Droit public : la médiation à l’initiative du juge acceptée une fois sur deux

D’autres branches du droit sont concernées par la percée des MARD, le droit des affaires par exemple. « L’évolution des textes tend à développer et généraliser ces phases amiables encadrées par l’intervention d’un tiers (conciliateur, médiateur) », constate Me Thibaut Cressard, avocat rennais et médiateur. Le droit public également. Si les grands textes sur l’amiable apparaissent dans les années 1990, l’application en droit public est plus récente. Permis depuis 2016, le recours à la médiation administrative rencontre encore des blocages. « L’administration opte plus facilement pour la médiation si celle-ci est amenée par le juge, observe Me Florence Barrault. À Rennes, quand les juges administratifs en proposent une, elle est acceptée dans 50% des cas. Le tribunal administratif enregistre 6500 requêtes qui entrent et autant qui sortent. Le Conseil d’État a fixé un objectif de 1% de médiations. »

La question du modèle économique

Un intérêt évident au recours à l’amiable est la réduction des délais de traitement des dossiers. « Le délai pour une décision du juge administratif est de un à deux ans. Dans le cadre d’une médiation, trois à six mois », explique Me Barrault. Émerge alors un point, la rémunération de l’avocat. Sujet qui n’a pas échappé à la Chancellerie : « Pour les avocats, il s’agira de leur démontrer (…) que le modèle économique de l’amiable est un modèle d’avenir », assure Dupond-Moretti lors de la présentation de son plan d’action inspiré des États généraux de la justice en janvier. Il a d’ailleurs annoncé revaloriser l’aide juridictionnelle dès cette année pour qu’un avocat, qui obtient un accord par le biais d’un MARD, soit mieux rémunéré.
« Nous facturons davantage sur des dossiers aux délais plus longs, mais il y a la satisfaction de régler une affaire par la médiation, humainement c’est différent», reconnaît Me Barrault.

Un outil de désengorgement ?

Une question se pose : cet engouement pour les modes amiables a-t-il pour cause l’encombrement des juridictions ? Me Blandin donne son avis : « Bien sûr qu’il y a une logique de gestion des flux et de désengorgement. Mais pas seulement. Les décisions sont mieux exécutées dans les dossiers qui se terminent à l’amiable. »

Des changements dans le Code de procédure civile

Le développement de la politique amiable au civil a été présenté par le ministre de la Justice qui a notamment annoncé vouloir opérer des changements dans le Code de procédure civile :
réunir dans un seul chapitre toutes les dispositions qui concernent les MARD;
– intégrer le principe de coopération des acteurs du procès civil et celui de proportionnalité procédurale;
– introduire l’audience de règlement amiable et la césure du procès (un juge tranche partiellement le litige afin d’en – favoriser la résolution amiable). Point sur lequel le Conseil National des Barreaux a émis des réserves.

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