Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

Entretien avec Laurent Giboire, président du conseil stratégique et Chivoine Rem, nouveau directeur de l’aéroport Rennes Bretagne : nouvelles destinations, nouveau directeur

Fragilisés par deux années de crise sanitaire, tous les aéroports ont vu leur fréquentation s’effondrer. Aujourd’hui la reprise est là, mais le retour à la normale ne devrait pas intervenir avant 2024. Pour retrouver son niveau d’avant- crise (851 976 passagers en 2019), l’aéroport Rennes Bretagne mise aujourd’hui sur l’ouverture de nouvelles lignes et se tourne vers les compagnies low-cost. Un redécollage clairement assumé par Laurent Giboire, président du conseil stratégique des aéroports de Rennes et de Dinard (SEARD) et Chivoine Rem, le nouveau directeur de la plateforme qui a pris ses fonctions le 1er juin. *

Chivoine Rem, nouveau directeur et Laurent Giboire, président du conseil stratégique des aéroports de Rennes et de Dinard (SEARD) Laurent Giboire, président du conseil stratégique des aéroports de Rennes et de Dinard (SEARD)

Chivoine Rem, nouveau directeur et Laurent Giboire, président du conseil stratégique des aéroports de Rennes et de Dinard (SEARD) Laurent Giboire, président du conseil stratégique des aéroports de Rennes et de Dinard (SEARD) ©Studio Carlito

*La Région est propriétaire de l’aéroport de Rennes. La gestion, l’exploitation et le développement du site sont assurés par la SEARD (Société d’Exploitation des Aéroports de Rennes et Dinard) dont les actionnaires sont la CCI 35 (51 %) et Vinci Airports (49%). Le contrat de concession court jusqu’en 2024.

En provenance de l’aéroport de Toulon Hyères où il occupait des fonctions similaires, ce polytechnicien, ingénieur des mines de 34 ans, s’est fixé un double objectif : « faire de l’aéroport rennais un outil de développement économique et touristique du territoire et développer l’offre commerciale pour répondre aux enjeux de mobilité et d’accessibilité de la Région Bretagne ».

En 2022, 17 destinations (11 en France, 6 à l’international) sont proposées en vol direct au départ de Rennes.

  • 11 Vols réguliers vers Paris Orly et Paris CDG, Lyon, Toulouse, Marseille, Nice, Montpellier, Genève, Porto, Francfort et Amsterdam.
  • 7 Vols saisonniers vers Ajaccio, Calvi, Figari, Biarritz, Londres, Jersey et Belle-Île.

Vous misez apparemment beaucoup sur les compagnies low-cost (easyJet, Volotea, Vueling) pour assurer, avec Hop, le redécollage de l’aéroport ?

Laurent Giboire : Notre volonté est d’offrir un réseau de proximité avec des lignes aériennes utiles voire essentielles au territoire (Toulouse, Lyon, Marseille, Montpellier et des correspondances via Paris CDG) vers des destinations domestiques, européennes et plus largement vers le monde grâce aux connexions hub.

À une heure seulement de Saint-Brieuc, Laval, Saint-Malo ou Vannes, l’aéroport de Rennes propose une réelle valeur ajoutée en termes d’accessibilité.

Ouvrir une ligne, c’est un travail de séduction de la part du territoire. Ce sont aussi trois années de travail qui commencent à porter leurs fruits.

Entre janvier et mars 2022, l’aéroport a déjà récupéré les deux tiers de son trafic du premier trimestre 2019 et nous fondons beaucoup d’espoir sur les deux lignes récemment ouvertes vers Francfort avec Lufthansa et Londres Gatwick avec easyJet en attendant d’autres opportunités.

Laurent Giboire, président du conseil stratégique des aéroports de Rennes et de Dinard (SEARD)

Laurent Giboire, président du conseil stratégique des aéroports de Rennes et de Dinard (SEARD) ©Studio Carlito

C’est un choix délibéré ?

Laurent Giboire : Voilà une quinzaine d’années, l’aéroport de Rennes était considéré comme un aéroport d’affaires sous la responsabilité de la CCI, fréquenté par les nombreux chefs d’entreprises et cadres de la région et répondant à la demande. Son trafic, alors proche de celui de Nantes, était en progression constante. Nous avons même été trois années de suite dans le Top 3 des aéroports français connaissant la plus forte croissance avant la crise du Covid. Cela convenait à tout le monde.

Et puis il y a eu le projet d’aéroport Grand Ouest à NDDL et son arrêt brutal. Une décision qui m’a coûté une bouteille de champagne car, comme beaucoup, je ne m’y attendais vraiment pas.

Avec les directeurs du site rennais, Gilles Tellier, Nathalie Ricard et depuis quelques jours Chivoine Rem, nous avons, dès lors, décidé de voir les choses autrement en nous tournant vers les compagnies low-cost, qui ont, à nos yeux, toute leur place à Rennes aujourd’hui.

Entre nécessité économique et contraintes environnementales, votre marge de manœuvre n’est-elle pas un peu restreinte ?

Chivoine Rem : Depuis plusieurs années déjà, les aéroports de Rennes et Dinard sont engagés dans une démarche environnementale volontariste sous l’impulsion de Vinci Airports : Réduction des émissions de CO2 (déjà -28 % depuis 2014), protection des zones naturelles et de la biodiversité, diminution des déchets, amélioration des déchets et préservation des ressources en eau (-20% de consommation), intégration de véhicules électriques dans la flotte des engins de piste).

Pour inciter les compagnies aériennes à se doter d’appareils moins émissifs, Vinci Airports a mis en place une modulation carbone des redevances aéroportuaires qui se révèle efficace. Plus que jamais, les aéroports ont leur rôle à jouer dans la transition énergétique.

Chivoine Rem, nouveau directeur de l'aéroport Rennes-Bretagne

Chivoine Rem, nouveau directeur de l’aéroport Rennes-Bretagne ©Studio Carlito

Quel avenir pour l’aéroport de Dinard-Pleurtuit ?

Laurent Giboire : Brutalement plombé par l’arrêt des vols commerciaux de Ryanair vers Standsted, cet aéroport a connu un sérieux trou d’air. Mais il faut arrêter de dire qu’il est fermé. Les pistes sont pleinement utilisées par l’aviation d’affaires très active sur le secteur, et les essais de la société Sabena Technics qui vient de voir son contrat de maintenance des avions Casa de l’Armée française officiellement renouvelé.

Je précise que le site est resté opérationnel afin de pouvoir redémarrer dès qu’une compagnie en fera la demande. Les élus locaux y sont, tout comme nous, très attachés et devront participer à l’organisation de ce redémarrage.

Pour faire atterrir leurs avions et pour utiliser nos services au sol, les compagnies paient une redevance qui représente 75 % des recettes de l’aéroport.

La décision de la Commission européenne de modifier les règles d’attribution des aides publiques aux aéroports dès 2024 ne constitue-t-elle pas un handicap supplémentaire pour des territoires excentrés comme Rennes ?

Chivoine Rem : Nous avons un appui très fort de la Région Bretagne qui appuie l’aéroport pour tous ses investissements en sa qualité de propriétaire, mais cela s’arrête là pour le moment. Il faut savoir que l’aéroport de Rennes ne reçoit pas de subventions de fonctionnement.

Comment est-il financé ?

Laurent Giboire : Pour faire atterrir leurs avions et pour utiliser nos services au sol, les compagnies paient une redevance qui représente 75 % des recettes de l’aéroport. Le reste provenant essentiellement des parkings qui ont été sensiblement agrandis avec 420 places supplémentaires pour répondre à une demande pressante des passagers.

Comment se porte le fret ?

Chivoine Rem : C’est une activité essentielle et en croissance à Rennes. Entre 2019 et 2021, le nombre de tonnes transportées a augmenté de près de 45 % et de 65 % par rapport à 2020.

Une partie de cette croissance est à mettre au crédit de Chronopost qui a repris une activité régulière en novembre 2020. Cette filiale du groupe La Poste est, avec UPS, l’un des principaux acteurs faisant vivre la ZAC Airland. L’une de nos priorités vise d’ailleurs à consolider cette activité, en lien avec le tissu logistique local, pour attirer de nouveaux clients en faisant valoir la robustesse opérationnelle de notre assistance.

Dans le contexte actuel, comment voyez-vous l’avenir ?

Laurent Giboire : Après le terrible épisode du Covid, les gens recommencent à voyager pour des raisons touristiques aussi bien que professionnelles. Je suis convaincu que le télétravail ne remplacera jamais le contact direct avec les clients pour les dirigeants d’entreprises et les commerciaux. Les premiers résultats de l’année en cours sont, à cet effet, particulièrement encourageants.

Personnellement, j’espère pouvoir ressortir très vite le panneau préparé en 2019 pour annoncer notre millionième passager. Lequel a été trop vite remisé pour cause de Covid.