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Cas pratique. Litige contre Locam : « Des cessions de contrats déguisées »

Une société du secteur de l'alimentation en Bretagne, défendue par l'avocate lorientaise Me Eisenecker, s'est opposée à la société de financement Locam et a obtenu une décision favorable.

Me Eisenecker, avocate au cabinet Lexouest à Lorient

Me Eisenecker, avocate au cabinet Lexouest à Lorient ©DR

Dans le paysage complexe des contrats commerciaux, les jeunes entreprises peuvent se trouver confrontées à des situations délicates, voire trompeuses. ​​​« C’est malheureusement un cas d’école », introduit Marine Eisenecker, avocate à Lorient. L’entreprise cliente de Me Eisenecker a fait appel à un prestataire pour la création d’un site internet. Le package prévu par le contrat inclut la création du site, la charte graphique, l’hébergement et le référencement. Jusqu’ici, tout semble normal. « Or, lorsque vous signez avec ce prestataire, vous signez aussi sans vous en rendre compte un contrat de location avec une société de financement. Vous faites confiance et vous n’avez surtout pas le temps de relire les petites lignes. »
Quelque temps après, l’entreprise prestataire fait signer un bon de réception avant que la prestation ne soit réalisée, voire aboutie.

« Et lorsque le bien commandé est défectueux, n’est pas utilisé car non conforme, ou que le prestataire initial ne répond plus, le chef d’entreprise décide de suspendre les paiements mensuels. Ainsi, il s’imagine, à tort, faire réagir le prestataire initial. Ce réflexe humain n’aura aucune incidence sur le prestataire initial qui a déjà été réglé de sa, mauvaise ou incomplète, prestation par le financeur bailleur, en l’occurrence Locam. L’acheteur découvrira alors l’existence de la société Locam lorsque cette dernière l’aura assigné pour le recouvrement de tous les loyers. »

Dans ce dossier, la société se voyait facturer des loyers pour une prestation non aboutie, à raison de 500 euros par mois, pour un total de 13 000 euros. « Souvent, la prestation n’est pas à la hauteur des attentes et du tarif payé. Pour ma cliente, il y avait une erreur dans le nom de domaine pour ne citer que cela. »

« Ne jamais signer un contrat « sur un coin de table », sans relecture préalable. »

Les demandes de Locam déclarées irrecevables

Pour défendre les intérêts de sa cliente, l’argument principal de Me Eisenecker repose sur l’absence de notification de la cession « déguisée » à la société victime (ou débiteur cédé). Selon le Code civil, pour qu’une cession de contrat ou de créance soit valide, la société (le débiteur cédé) doit être avertie par la voie de la notification. Le contrat initial signé trop rapidement ou une unique facture de la société de financement adressée à la société n’est pas suffisamment explicite pour valoir notification. Dans ce cas précis, la notification n’avait pas été clairement établie, ce qui rend la cession inopposable à la société victime. « Il y a d’autres points de défense qui étaient soulevés, comme l’application du droit de la consommation pour les non-professionnels, mais ce premier argument a fonctionné. »

Le tribunal de Lorient a finalement donné raison à la société bretonne. Un jugement a déclaré irrecevables toutes les demandes de Locam et a condamné cette dernière à payer 2 000 euros pour les frais de justice. « La liberté contractuelle, bien que fondamentale, ne doit pas se faire au détriment des droits du justiciable. Si je n’avais qu’un conseil à donner, il ne serait même pas juridique : ne jamais signer un contrat « sur un coin de table », sans relecture préalable. Et se faire accompagner dans l’analyse des documents contractuels par un avocat, car le justiciable croit, à tort, comprendre ce qu’il signe. »