Dans l’histoire des Jeux, l’olympienne la plus âgée est la cavalière britannique Lorna Johnstone, qui a participé aux Jeux de Munich en 1972, à 70 ans et cinq jours. Cette année, l’Australienne Mary Hanna (69 ans) était l’athlète la plus âgée des Jeux de Paris 2024. Parmi les athlètes français, Karim Laghouag, cavalier d’Eure-et-Loir spécialiste du concours complet, médaillé d’argent, était le doyen de la délégation française, du haut de ses 48 ans. Anne-Sophie Serre (47 ans) était la doyenne et vient également de l’équitation, mais d’une autre discipline, le dressage.
Il nous a paru intéressant, dans ce contexte olympique, de faire le parallèle entre ces sportifs de haut niveau, qui doivent gérer leur reconversion professionnelle après l’achèvement de leur carrière sportive souvent précoce – en raison des contraintes physiques et psychologiques -, et les salariés d’une entreprise plus classique, qui y sont également confrontés.
En effet, les causes des reconversions et des fins de carrières sont communes pour ces deux publics :
- Les blessures physiques,
- La santé mentale,
- L’âge.
Dans le monde professionnel « traditionnel », s’est ajoutée à ces causes, la crise de la Covid-19 qui a interrogé la valeur « travail » et, par effet de ricochet, a accéléré les envies de reconversions des actifs. Ce phénomène a été surnommé outre-Atlantique le « big quit », ou « grande démission ». Les chiffres de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) sur les mouvements de main-d’œuvre en témoignent : au troisième trimestre 2021, on comptait environ 500 000 démissions et 121 000 ruptures conventionnelles, un niveau supérieur à celui de la même période en 2019, avant la crise.
Selon une étude réalisée en mars 2023 par l’Ifop, le désir de mobilité professionnelle est fort chez les actifs français puisqu’environ deux tiers d’entre eux (65 %) souhaitent connaître au moins une mobilité dans les deux prochaines années.
Il existe donc de véritables enjeux pour les employeurs à anticiper et accompagner la reconversion de leurs collaborateurs, en interne ou à l’extérieur de l’entreprise, afin de ne pas les subir. Il s’agit d’éviter un impact négatif sur la performance de l’entreprise, mais également de faire évoluer les conditions d’embauche pour recruter sur un marché du travail en tension et de réfléchir à sa marque employeur pour fidéliser les collaborateurs.
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La reconversion professionnelle, un double enjeu dans l’entreprise
- La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC)
La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) est une méthode pour adapter – à court et moyen termes – les emplois, les effectifs et les compétences aux exigences issues de la stratégie de l’entreprise et des modifications de leurs environnements économique, technologique, social et juridique. Il s’agit d’une démarche de gestion prospective des ressources humaines qui permet d’accompagner le changement. Elle doit permettre d’appréhender, collectivement, les questions d’emploi et de compétences et de construire des solutions transversales répondant simultanément aux enjeux de tous les acteurs concernés : les entreprises, les territoires et les actifs. La GPEC, au regard des stratégies des entreprises, permet de renforcer leur dynamisme et cela permet aux salariés de disposer des informations et des outils dont ils ont besoin pour être les acteurs de leur parcours professionnel au sein de l’entreprise, ou dans le cadre d’une mobilité externe à l’entreprise. Cela permet, en outre, de contribuer à l’évolution de carrière des salariés, notamment à travers les dispositifs de formation.
L’article L.2242-20 du Code du travail impose aux entreprises et groupes d’entreprises d’au moins 300 salariés, ainsi qu’aux entreprises et groupes d’entreprises de dimension communautaire comportant au moins un établissement ou une entreprise d’au moins 150 salariés en France, de négocier sur la gestion des emplois et des parcours professionnels tous les trois ans. Toutefois, les partenaires sociaux peuvent, par un accord global aménageant la mise en œuvre de cette négociation, décider d’une périodicité pouvant aller jusqu’à quatre ans. Dans les entreprises non soumises à cette obligation, le sujet demeure néanmoins assez incontournable pour l’employeur afin d’anticiper les besoins de main-d’œuvre et les éventuels départs, afin de ne pas subir ces situations. Le dialogue social, tant avec les partenaires sociaux (CSE, DS) qu’avec les collaborateurs en direct (par le biais des entretiens annuels, entretiens professionnels, remontées des managers), est à favoriser.
Depuis l’entrée en vigueur des ordonnances dites « travail » le 23 septembre 2017, le congé de mobilité permet d’alterner des périodes de formation, d’accompagnement et en entreprise en vue d’une réorientation professionnelle. La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel est venue compléter ce dispositif en facilitant l’accès et le recours au Compte personnel de formation (CPF) pour les salariés. Avec cette évolution, le salarié acquiert de l’autonomie pour faire évoluer ses compétences. S’agissant du CPF, le décret n° 2024-394 du 29 avril 2024 fixe un reste à payer de 100 euros, avec une mise en application à compter du 2 mai 2024, pour chaque bénéficiaire souhaitant mobiliser ses droits CPF. Ainsi, le gouvernement vise à rendre le système de formation plus équitable et efficace, à combattre les fraudes et à associer la formation à un projet professionnel. Dans cette optique, une participation financière obligatoire est instaurée pour responsabiliser les bénéficiaires du CPF dans leurs parcours de formation.
- La prévention de la santé et la sécurité
Du côté de la santé, on rappellera que l’employeur est tenu, vis-à-vis des salariés, d’une obligation de sécurité et de protection de la santé, dont il doit assurer l’effectivité. Pour cela, il doit prendre toutes les mesures visant à assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. En effet, qu’il s’agisse d’une problématique de santé physique ou mentale, l’entreprise a un rôle à jouer pour accompagner les évolutions sur ces sujets, qui peuvent parfois aboutir à une reconversion professionnelle, que ce soit en interne ou en externe.
En outre, l’employeur a l’obligation d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme, notamment des actions d’évaluation et de formation permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences. Les actions de formation mises en œuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de développement des compétences. Elles peuvent permettre d’obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l’acquisition d’un bloc de compétences (article 6321-1 du CT). L’absence de formation professionnelle du salarié pendant toute la durée de son emploi en entreprise est susceptible d’être constitutif d’un manquement de l’employeur à son obligation de veiller au maintien de sa capacité à occuper un emploi, entraînant, pour l’intéressé, un préjudice qu’il appartient au juge d’évaluer.
En matière de prévention des risques professionnels, le C2P (Compte professionnel de prévention) peut être mobilisé pour financer un projet de reconversion professionnelle, qui pourra intervenir à tout moment de la carrière du salarié, notamment sous la forme d’un congé avec maintien de la rémunération.
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Les fins de carrières : passer le relais, non pas de la flamme olympique, mais de l’activité vers la retraite !
Avec la réforme des retraites intervenue en avril 2023 et sous réserve de ses éventuelles modifications à venir, plusieurs mesures permettent d’accompagner ces transitions professionnelles :
Le cumul emploi retraite
Ce dispositif permet de reprendre ou de poursuivre une activité professionnelle et de cumuler les revenus de cette activité avec les pensions de retraite. Ce cumul peut être total ou partiel. Avec la réforme des retraites et afin d’encourager les seniors à reprendre une activité professionnelle, le cumul emploi-retraite intégral permet désormais la création de nouveaux droits, c’est-à-dire qu’elle ouvre droit à une seconde pension de base, de droit direct ou dérivé, en contrepartie des cotisations versées.
La retraite progressive
Le dispositif de retraite progressive permet aux salariés d’aménager une transition entre activité professionnelle et départ à la retraite, en leur permettant de poursuivre une activité à temps partiel (ou en forfait jours réduit pour les salariés concernés), tout en bénéficiant d’une fraction de leur pension de vieillesse, provisoire, laquelle dépend de leur durée d’activité.
Avec le bénéfice de la retraite progressive, l’assuré peut obtenir :
- La liquidation de sa pension ;
- Le service d’une fraction de celle-ci ;
- Le cumul de l’exercice d’une activité à temps partiel avec cette fraction de retraite.
Côté entreprise, cela permet d’anticiper les départs en retraite de manière progressive et la transmission des compétences avant le départ en retraite du salarié, couplé à une réduction du coût du salaire, qui peut permettre le recrutement de son futur remplaçant. D’autre part, ce dispositif peut également être mis en perspective avec l’obligation de prévention des risques professionnels, en adaptant la charge de travail à l’âge du salarié, étant toutefois précisé que ce dispositif est à la seule initiative du salarié.
Depuis le 1er septembre 2023, la loi réformant les retraites encadre le refus de l’employeur. L’employeur ne pourra s’opposer à la demande de passage à temps partiel ou à temps réduit que s’il justifie que la durée du travail souhaitée par le salarié est incompatible avec l’activité économique de l’entreprise (article L3121-60-1 et L3123-4-1 du Code du travail en vigueur le 1er septembre 2023). En outre, l’absence de réponse écrite et motivée de l’employeur, dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande du salarié à passer à temps partiel ou à temps réduit, vaudra accord de l’employeur.
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Favoriser l’information sur la retraite
Une meilleure information des assurés pour faciliter la transition vers la retraite est mise en place avec la réforme des retraites. L’entreprise peut également inviter les salariés à activer leur compte sur le site info-retraite.fr, qui regroupe toutes les informations relatives aux différents régimes de retraite. Il propose un ensemble de services pour obtenir des informations personnalisées sur les droits à la retraite et effectuer les démarches tout au long de votre carrière et une fois à la retraite.
La Carsat Bretagne propose également gratuitement d’organiser des « réunions d’informations retraite », dans les locaux des entreprises, pour informer les assurés et futurs retraités des réformes législatives.
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Afin d’accompagner au mieux les reconversions et fins de carrières dans l’entreprise, deux conseils pratiques à retenir, afin d’être acteur du sujet :
- La campagne des entretiens annuels est la bonne occasion pour créer un espace de discussion avec chaque collaborateur, afin d’aller questionner ces sujets et anticiper ;
- En faire un thème du dialogue social avec les partenaires sociaux de l’entreprise si elle en est dotée (CSE, DS…).
La devise olympique peut également être une belle source d’inspiration pour les entreprises : « Plus vite, plus haut, plus fort – ensemble » !
Une expertise proposée par Estelle Gournay, avocate à Rennes