Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

Mickaël Morvan : L’U2P demande de la visibilité et de la stabilité

Mickaël Morvan, président de l’U2P* Bretagne et coiffeur à Cesson-Sévigné revient sur cet Acte#2 de la crise Covid-19 de l’automne, quelques jours après la réouverture des commerces.

Mickaël Morvan, président de l’U2P Bretagne

Mickaël Morvan, président de l’U2P Bretagne ©LM

Mickaël Morvan, président de l’U2P* Bretagne et coiffeur à Cesson-Sévigné revient sur cet Acte#2 de la crise Covid-19 de l’automne, quelques jours après la réouverture des commerces.

Comment a été vécu ce confinement Acte#2 ?

Mickaël Morvan : À l’annonce des fermetures fin octobre je me suis assuré rapidement du dossier de la fermeture de mon salon de coiffure, auprès de mon expert-comptable et de mon banquier. J’ai ainsi pu répondre aux nombreuses sollicitations des ressortissants de l’U2P, avec beaucoup d’appels de commerçants, d’artisans. Car cela a été un choc, il y a eu beaucoup d’incompréhension… Il faut bien comprendre qu’au printemps, l’Acte#1, c’était la stupeur, les gens étaient sonnés en quelque sorte, et ont réussi à passer ces deux mois de confinement tant bien que mal. Avec cet Acte #2 ce n’est pas pareil : il y a eu beaucoup d’incompréhension sur l’arrêt des commerces et activités jugés non essentiels. Des professionnels se sont battus pour relancer leur activité au printemps, avec des investissements et la mise en place de protocoles. Certains ont commencé à rembourser les charges dès septembre pour ne pas repousser trop dans le temps ce couperet financier, et… cette annonce d’un arrêt total et arbitraire. Il y a beaucoup de colère, d’agressivité, de peur, on est sur le fil. Un « Acte#3 » avec nouvel arrêt d’activité serait intenable, les dirigeants doivent entendre cela. C’est alarmant.

Un « Acte#3 » avec nouvel arrêt d’activité serait intenable

La reprise avec la période de Noël en toile de fond est rassurante ?

Mickaël Morvan : Il y a un tel état de stress. Certains sont aujourd’hui à sec de trésorerie, cela met une tension particulière. Le redémarrage samedi dernier a été assez moyen. Il ne faut surtout pas comparer avec la reprise post-11 mai qui avait été fulgurante. Là, on espère faire un mois normal en décembre. Les ouvertures le dimanche peuvent aussi aider. Un sondage montre que 76 % des Français souhaitent consommer chez les commerçants de proximité. À présent il faut mettre ce discours en pratique ! Bouder la vente en hypermarché et les ventes en ligne, et passer la porte des commerçants et artisans. Ne pas non plus généraliser sur l’année entière les ouvertures de grandes surfaces le dimanche, ce serait désastreux.

Tour d’horizon de conjoncture de différents corps de métier

Les vendeurs de textile sont inquiets, car il y a beaucoup de stock. Et si en plus, comme samedi dernier il y a des débordements de manifestations qui perturbent la journée shopping, alors ce n’est plus tenable.

Les bouchers s’en sortent pas trop mal, disons qu’ils font plus de quantité en viande, mais ce n’est pas là-dessus qu’il y a le plus de marge. Tout ce qui est produit transformé de type traiteur se vend moins bien.

Concernant la boulangerie il y a un impact : en ville il y a un impact plus fort, -20 % de chiffre d’affaires en moyenne, car il y a moins de sandwichs et de snacking. En campagne on vend plus de pain, mais moins de pâtisserie.

Du côté des coiffeurs, le protocole vient d’être allégé, nous allons pouvoir accueillir des clients pendant que d’autres sont en temps de pose des mèches ou couleur.

Le bâtiment : le secteur est moins touché économiquement, car les artisans ont pu aller sur les chantiers et chez les particuliers. Mais il y a du mal-être, qui vient par exemple des problèmes à faire une vraie pause déjeuner. On demande qu’il y ait plus de restaurants ouvriers à ouvrir pour les accueillir.

Fonds de solidarité, prêts, les aides sont-elles suffisantes ?

Mickaël Morvan : Il y a eu des bugs : sur la prise en charge du chômage partiel. Les codes numériques permettant de faire les mises en paiement sont envoyés sous 15 jours normalement, et ont parfois été retardés d’un mois. C’est autant d’avances de trésoreries pour les commerçants et artisans. Pour le fonds de solidarité, les 2-3 jours d’octobre ont été versés rapidement, à présent l’échéance est le 4 décembre pour le fonds de solidarité de novembre, avec une mise en paiement vers le 10 décembre.

Comme certains ont pu redémarrer le 27 novembre ce n’est pas 1 mois entier. Cela demande donc de la vigilance sur ce qui est pris en compte : Les 333 €/ jour au prorata, ou le forfait mensuel ? Bien sûr les montants allant jusqu’à 10 000 euros sont beaucoup mieux que l’aide du printemps. Mais c’est complexe, on manque de visibilité. Il faut que les experts-comptables nous aident pour nous permettre d’avoir de la visibilité, c’est ce qui est le plus anxiogène.

Il faut que les experts-comptables nous aident pour nous permettre d’avoir de la visibilité, c’est ce qui est le plus anxiogène

Pas d’augmentation des liquidations judiciaires à ce jour ?

Mickaël Morvan : Les pansements du gouvernement sont encore à ce jour assez fort pour que l’on ne voit pas les effets de cette crise. Pas d’incidence visible au tribunal de commerce. Au niveau de la Chambre de métiers on voit des radiations, mais cela peut être aussi des départs en retraite, des cessions d’affaire, ce n’est pas forcément des liquidations. Le mois de janvier, mois des charges salariales va mettre en lumière les difficultés… l’impact se fera en cascade.

Il y a une chose importante : il faut arrêter cette ambiance anxiogène, arrêter de regarder BFM, et apprendre à vivre avec maintenant.

 

* L’U2P – Union des entreprises de proximité– est l’une des trois grandes organisations patronales françaises. Elle représente 2,3 millions d’entreprises en France et 120 000 en Bretagne, dans les secteurs de l’artisanat, du commerce de proximité et des professions libérales. Elle réunit 5 organisations : la CAPEB (bâtiment), la CGAD (alimentation et hôtellerie-restauration), la CNAMS (fabrication et services), l’UNAPL (professions libérales) et la CNATP (travaux publics et paysage) en tant que membre associé.