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OKwind
 : l’énergie en circuit court

Contrairement à ce que son nom suggère, ce n’est pas le vent, mais bien le soleil que OKwind utilise pour fournir aux professionnels et aux particuliers une énergie verte. Fondée en 2009 par Louis Maurice, la société, implantée à Torcé, connait ces dernières années une croissance exceptionnelle marquée par une introduction en bourse en 2022. Un succès basé sur une technologie innovante de panneaux photovoltaïques couplée à un management intelligent de l’énergie. Produire et consommer sa production, bienvenue dans l’ère de l’autonomie énergétique à l’échelle des entreprises et des individus.

Louis Maurice dirige la société OKwind, spécialisée dans les trackers solaires, basée à Torcé

« Nous avons pris le parti de développer des technologies qui permettent de générer de l’énergie de manière délocalisée pour une autoconsommation sur site », détaille d’emblée Louis Maurice. « À l’instar de ce qui se fait dans le secteur agricole où l’on évite toute la partie distribution, nous sommes passés au circuit court énergétique». Et c’est bien là, le coup de génie de cet ancien du Groupe ABB qui répond à la fois à la crise énergétique que nous connaissons et aux enjeux de transitions écologiques.

« Qui a envie de limiter sa consommation énergétique ? »

« Il est essentiel d’encourager chaque citoyen à prendre en charge une part de sa propre production d’énergie », insiste le fondateur d’OKwind. « Si vous êtes propriétaire de votre générateur, vous adapterez votre consommation. Nous donnons à chacun l’opportunité de prospérer en maîtrisant sa source d’énergie, sans dépendre des infrastructures existantes ou en y ayant recours de manière marginale. Je pense que faire l’inverse est une bêtise car qui a envie de limiter sa consommation énergétique ? » Un argument qui fait mouche, surtout en Bretagne où l’on importe 83% de l’énergie que l’on consomme.

Du tournesol au tracker solaire

Pour se faire, encore faut-il disposer d’une solution de production d’énergie verte qui tient la route. OKwind mise sur la puissance de ses trackers solaires et la gestion précise de la consommation d’énergie produite. « Nous avons développé un tracker bi-axe et bi-face. Ce type de tracker génère 70% à 80% d’énergie supplémentaire par rapport à une installation fixe, car il suit constamment le soleil, optimisant ainsi le rendement des cellules ». L’image d’un tournesol pivotant inlassablement sur son axe pour suivre la trajectoire du soleil vient alors immédiatement à l’esprit. Les trackers d’OKwind fonctionnent selon ce même principe. « Grâce à sa conception bi-face, notre tracker capte également le rayonnement indirect. De plus, en maintenant un rendement maximal, il produit un courant constant en termes de tension et de puissance, facilitant ainsi son intégration dans le processus. Si le courant varie, il devient difficile de l’intégrer au système. Cet élément structurel majeur a largement contribué au succès de notre solution. Avec ce dispositif, nous pouvons couvrir 30 à 40% des besoins énergétiques. »

L’IA au service de l’optimisation des consommations

Les trackers solaires d’OKwind peuvent couvrir jusqu’à 40% des besoins énergétiques, mais c’est l’optimisation de la consommation qui rend leur solution particulièrement attrayante pour les utilisateurs. En rationalisant la distribution de l’énergie produite, l’autonomie sur site atteint alors jusqu’à 70%. « Pour équilibrer la production et la consommation, il est crucial de connaitre la situation en temps réel. Tous nos trackers sont équipés de processeurs et sont connectés aux autres objets du processus client. Ils peuvent fonctionner manuellement, selon les souhaits de l’utilisateur, ou de manière intelligente grâce à l’IA, en se basant sur les données d’apprentissage  pour optimiser l’utilisation de l’énergie consommée. » En résumé, la société analyse les processus et, grâce à des scénarios précis, programme l’alimentation des équipements en fonction de l’énergie produite. Le surplus peut être utilisé pour produire de l’eau chaude, de l’air comprimé ou être stocké dans des batteries. La société s’appuie sur l’expertise de la startup bretonne Purecontrol, spécialiste de l’intelligence artificielle, dont elle est devenue actionnaire en 2021.

« Nos solutions sont réversibles et adaptables, et n’entraînent pas d’artificialisation des sols »

L’agriculture aux avant-gardes

Le secteur agricole représente aujourd’hui 80% du CA d’OKwind. Pas moins de 3500 trackers ont déjà été installés dans l’hexagone et « cette année nous allons équiper 1000 exploitations », se réjouit Louis Maurice. « Le foncier se fait de plus en plus rare. Nos trackers répondent à ce problème en évitant de fixer des panneaux au sol. C’est notre manière de concilier production d’énergie et souveraineté alimentaire. Nous garantissons que le rendement agricole ne sera pas affecté et, de surcroît, nous préservons la biodiversité. Nos solutions sont réversibles et adaptables, et n’entraînent pas d’artificialisation des sols. De plus, les premiers bénéfices financiers reviennent aux agriculteurs eux-mêmes, plutôt qu’à des fonds de pension ayant investi dans le photovoltaïque ».

Réduire la facture énergétique des communes

Les trackers photovoltaïques d’OKwind offrent également un potentiel important pour réduire le coût de l’énergie dans le traitement de l’eau . « Un exemple probant est la station d’épuration de Laillé, près de Rennes, où l’installation de deux trackers et l’utilisation de l’intelligence artificielle ont conduit à une autoconsommation de 68% et une autonomie énergétique de 30%. La combinaison de ces deux technologies a réduit la consommation annuelle de l’équipement de 43%, soit une baisse de 82 000 kWh ».

Une centaine d’installations par mois chez les particuliers

Bien que les entreprises constituent la majorité de l’activité d’Okwind, le marché des particuliers n’est pas négligé. La société a même créé une filiale dédiée, Lumioo, proposant des trackers plus petits à installer dans les jardins. « Notre offre s’adresse aux particuliers ayant des besoins énergétiques importants pour alimenter de vastes espaces, des pompes à chaleur ou des piscines. Nous réalisons une centaine d’installations par mois, principalement grâce au bouche-à-oreille. »

Les trackers Okwind, quant à eux, n’émettent que 24 grammes de gaz à effet de serre par kWh produit

Panneaux photovoltaïques, vraiment écologiques ?

L’énergie verte, c’est bien, mais quel est réellement le coût écologique des panneaux photovoltaïques ? Si le fondateur ne répond pas précisément sur ce point, il nous éclaire grâce à des comparaisons « 1 kWh produit dans une centrale à charbon génère 850 grammes de gaz à effet de serre. La moyenne française du kWh produit, incluant le nucléaire, toutes les sources d’énergie et les importations, est d’environ 70 à 80 grammes de gaz à effet de serre. Pour le photovoltaïque, cette moyenne est de 43 grammes. Les trackers Okwind, quant à eux, n’émettent que 24 grammes de gaz à effet de serre par kWh produit, soit deux fois moins, grâce à leur cellule bifaciale qui travaille deux fois plus. On divise ainsi par deux nos importations de panneaux en provenance d’Asie. »

« Le téléphone n’arrête pas de sonner »

Le succès fulgurant d’OKwind est remarquable, surtout si l’on considère que l’entreprise existe depuis 14 ans. « On a « vivoté » de 2009 à 2015, année où l’on a enregistré 800 000 euros de CA. En 2022 nous avons fait 42 millions d’euros et pour 2023, on prévoit 80 millions d’euros. En 2015, nous étions 8 personnes, aujourd’hui nous sommes près de 200. » Et de poursuivre « Le facteur déclencheur de cette croissance est le modèle qui permet de générer de l’énergie pour l’autoconsommation, sans dépendre des subventions de l’État. C’est crucial, car le photovoltaïque en France est hypersubventionné. OKwind a trouvé un business model qui permet d’amortir les installations de manière convenable en 5 à 6 ans, selon les configurations. L’entreprise s’engage sur le degré d’autonomie du site et, si cet objectif n’est pas atteint, OKwind est sanctionnée. Le succès est tel que le téléphone n’arrête pas de sonner, les clients étant convaincus par cette solution. »

On réfléchit avec d’autres entreprises à la création d’un centre de formation axé sur les technologies électriques

Création d’une école

En 2023, 92 recrutements sont prévus, une difficulté au regard du nombre de profils formés sur le territoire. « On réfléchit avec d’autres entreprises à la création d’un centre de formation axé sur les technologies électriques, couvrant la cohérence des raccordements électriques, l’instruction et la mise en œuvre. Nous avons du mal à recruter. Nous sommes en pourparlers avec des acteurs privés et publics, et nous aimerions mettre ce projet en place entre 2023 et 2024. Il y a un besoin énorme, et nous voulons avancer rapidement. »

Et demain ?

OKwind souhaite continuer à développer le management de l’énergie par spécialité et étendre ses activités au niveau européen. « Le marché est en train de bomber, et si nous ne prenons pas des positions déterminantes maintenant, nous le regretterons amèrement. Nous avons un boulevard devant nous pendant 3 à 4 ans, mais ensuite la concurrence va se durcir. Notre entrée en bourse nous permet d’envisager de la croissance externe, un déploiement en Europe et dans les pays du Maghreb. En Roumanie, les projets engagés ont été interrompus à cause du COVID, mais nous sommes en train de fourbir nos armes pour recommencer, et de manière significative, à partir de début 2024. »

 

Pourquoi OKwind et pas OKsun ?

« Au départ, Okwind se concentrait sur les petites éoliennes au sol, mais elles présentent des défis en termes de rendement économique, car il faut des vents moyens d’au moins 4 mètres par seconde, ce qui ne couvre même pas un tiers du territoire français. » explique Louis Maurice. «  Les vents en rafale compliquent également la gestion des tensions pour RTE. Nous avons donc choisi de pivoter sur le photovoltaïque, plus stable.»

 

=> Le nombre d’installations en autoconsommation individuelle en France métropolitaine a quasiment doublé en 18 mois. À fin septembre 2022, la France compte près de 208 000 clients autoconsommateurs individuels raccordés au réseau public de distribution d’électricité contre 108 664 à fin mars 2021 et 3000 en 2015 (source : Open Data d’Enedis)