Couverture du journal du 04/11/2024 Le nouveau magazine

Pollen Studio, essaime le design comme le pollen des fleurs

C’est un studio de création graphique qui en 12 ans s’est fait un nom sur la place de Rennes et s’immisce depuis quelques années dans les projets nationaux d’envergure. Pollen Studio vient en effet de sortir la nouvelle identité du CESE (Conseil économique, social et environnemental), accompagne pour 4 ans la communication visuelle de l’ONF (l’Office national des forêts), ou encore celle des 12 conservatoires botaniques nationaux. Côté entreprises, même succès, avec des créations pour les groupes Pigeon, Valeor, Best Western…
Rencontre avec Laurence Schultz, la fondatrice de Pollen Studio.

De g. à d : Réjane Boucault, Charlotte Bouvet, Laurence Schultz, les trois directrices associées de Pollen Studio ©StudioCarlito

Une rue excentrée dans Rennes. Connaître le code et passer le porche, trouver une porte sur la droite au fond de la courette. Tomber sur l’atelier au bout d’un escalier … Les graphistes auraient-ils le don de se dissimuler, eux dont le métier est de mettre en pleine lumière l’identité visuelle d’une entreprise, le marketing territorial d’une collectivité, la programmation d’un festival ?
Nous accueillent Laurence Schultz et son équipe, ou plutôt les associées, car ici on travaille et on décide ensemble “Lorsqu’en 2011 j’ai remporté un contrat important j’ai dû embaucher. Mais je n’ai jamais eu envie d’être la boss… Pourquoi faire ? On travaille ensemble. Le collectif est bien plus intéressant, et impliquant.” C’est ainsi que Réjane Boucault puis Charlotte Bouvet, au fil du temps, sont devenues directrices associées.

Laurence Schultz, fondatrice de Pollen Studio ©StudioCarlito

Motion design

Pollen Studio c’est aujourd’hui cinq personnes et près de 300 devis envoyés chaque année. “Nous avons des marchés nationaux depuis 2 ans je dirai…cela propulse dans une autre dimension, c’est sûr. Difficile d’être une entreprise et de ne pas se développer, de par l’envie de diversifier les travaux, de se challenger, et faire évoluer les salaires aussi ! ” Et d’agréger de nouvelles compétences, “en effet depuis 3 ans nous développons la 3D, du motion design. Cela va de l’animation de logo à de véritables séquences de films pour présenter un produit, une actualité.» Le cœur du métier reste le logo, et l’identité visuelle déclinable sur tous les supports, print et internet, ou des stands sur des salons, tout ce qui porte les valeurs de la marque. « En fait nous fournissons une boite à outils que nos clients peuvent décliner ensuite à l’infini.»

60% institutionnels, 35 % privés… et 5% culturel

C’est le ratio des projets chez Pollen, aujourd’hui. « Après le lancement de mon activité de graphiste freelance à Rennes, j’ai commencé à répondre aux appels d’offres publics. En 2011 je suis retenue parmi 17 dossiers pour travailler avec BDI, Bretagne Développement Innovation… C’est un énorme travail, avec la nécessité d’embaucher, de se structurer sous l’entité Pollen Studio.”
BDI, l’agence du Conseil régional pour le développement économique et l’innovation en entreprise, vient en effet d’être créée en 2011, c’est le début de la marque Bretagne, et tout est à faire… Un contrat qui aura eu un effet levier pour le studio graphique. “Aujourd’hui, les contrats à destination des institutionnels représentent 60% de nos projets.” Parmi lesquels on retrouve de beaux marchés nationaux décrochés, pour le CESE, Conseil économique, social et environnemental, la 3e assemblée de la République avec le Sénat et l’Assemblée Nationale, ou encore l’ONF l’office national des forêts, et le réseau des 12 CBN, conservatoires botaniques nationaux.
35% des projets Pollen Studio sont dédiés aux privés,” notamment les entreprises (TPE, PME comme grands Groupes), pour lesquelles il faut être très réactifs, la demande est précise et les délais courts. Quant aux  5% restant, c’est la part culturelle : et là on ne le fait pas pour l’argent, indique-t-elle en riant… mais créativement, c’est là que l’on se challenge, c’est un terrain de jeu pour les graphistes !”

Le boom de l’illustration

Pollen Studio, c’est aujourd’hui une signature reconnaissable, sur le tract d’un musée, un logo d’entreprise, un programme de conférences… ces illustrations tout en rondeur, le travail de la couleur, le jeu de lettrages et de typos, ponctuent notre univers visuel quotidien, des panneaux d’affichage aux logos sur le dos d’un camion-toupie.

©PollenStudio pour l’agence 15 Marches

“C’est vrai que nous travaillons beaucoup à customiser les typographies, et que nous sommes fans d’illustrations. On travaille encore souvent à la main, au crayon avant la palette graphique. Il y a aussi le montage de photos, les monochromes, le travail des textures… la palette de création est infinie. Et même s’il est vrai que l’on vient parfois nous voir pour cette “signature”, il est important d’insuffler de la nouveauté, de se renouveler, ne jamais se répéter, c’est la clef. Et tout l’attrait de ce métier. »

→ Quelques références ? “Il y a eu une tendance que l’on appelle flat design, avec des traits de personnages très lissés, et l’utilisation de deux à trois couleurs dominantes. Je pense sinon au magazine Uzbek et Rica, qui a ouvert la voie à des illustrateurs très variés. Et dans son sillage on voit depuis 6-8 ans en effet un retour de l’illustration. Je pense aussi à Mailchimp dans un autre registre, qui a été précurseur, en travaillant un style au pinceau façon encre de Chine et des personnages très disproportionnés, et cela fait partie du code de la marque. Ce regain d’intérêt  pour l’illustration a ouvert la voie à d’autres styles illustratifs, plus personnels. Et la photo a toute sa part, souvent en association, retouchée, floutée, retravaillée.”

La tendance éco-responsable

Des créations ©PollenStudio

“Le sujet d’actualité dans ce métier est, sans nul doute, l’éco-conception. Ou comment être frugal dans nos usages, rendre nos créations moins consommatrices de ressources. Je pense  aux encres,  utiliser moins de couleurs, moins de brillant et de vernis, l’utilisation de papiers non blanchis, ou encore rationaliser les impressions papiers. Ce sont des orientations qui sont visibles et palpables sur le rendu final, mais si aujourd’hui c’est à la marge dans les demandes clients, ce sera demain au centre du projet, c’est sûr !”
C’est un des thèmes abordés lors des “Mardis Graphiques”, un rendez-vous institué par Pollen Studio qui a vocation à initier à la culture graphique, dans ce monde où chacun porte un avis sur le dernier logo d’une entreprise ou l’affiche d’un événement.  “ Trois fois par an, nous réunissons des professionnels et des passionnés de graphisme, lors de conférences et tables rondes, sur des thèmes comme l’identité des startups, les marques de territoire, l’identité des festivals, le motion design. Le prochain sera sur l’accessibilité, c’est -à-dire la création de supports faciles à lire et à comprendre pour les personnes ayant des déficiences.”

Le fil créatif de Laurence Schultz

Le déclic : “J’ai 15 ans, et Philipe Starck commence à faire ses meubles, des chaises, des tables… et je veux faire pareil ! Mes parents me raisonnent, je termine mes études, fais une école de commerce. En sortant, il me manque toujours cette partie conception, alors j’enchaine avec une école de Design Industriel.”
L’expérience : “10 ans, à Paris pour de grands comptes (Axa, SNCF, Orange, Kodak) et en agence (TBWA, Brand Union), ainsi qu’un beau périple de 8 mois autour du monde.”
Rennes :  “2004, avec mon mari nous nous installons à Rennes, je suis graphiste, chômeuse et enceinte… et ce n’est pas drôle du tout ! Lors d’une réunion d’information, on me dit que j’ai 2 solutions pour trouver du travail : changer de métier ou rentrer à Paris. »… ambiance. Sa solution sera de se lancer en graphiste freelance, à la maison dans un premier temps. “ Mon premier client est un voisin, l’entreprise de menuiserie Gallais à Chavagne. La première année je n’ai engrangé que 5000€ de chiffre d’affaires. Puis le bouche-à-oreille a fait son œuvre. “ Ainsi que la détermination, la patience, le professionnalisme et l’audace. “Et le pari de clients qui m’ont donné ma chance.” Aujourd’hui Pollen Studio c’est 5 salariés , 3 à 4 stagiaires accueillis par an, des interventions dans plusieurs écoles de design rennaises, et cette idée de répandre le design, comme le pollen des fleurs.
Un exemple : “Charlotte Perriand (1903-1999); une architecte et designer de mobilier qui a créé toute sa vie. Elle a travaillé auprès de Le Corbusier auquel on attribue des meubles qui ont été conçus par cette designer si moderne. Elle a également aménagé la station de ski Les Arcs …le peu de connaissance de son travail et de son nom montre la difficulté de s’imposer comme femme architecte.”
Un objet fétiche : “Derrière vous, des chaises Guariche, Charles et Ray Eames, Maarten Van Severen, deux tabourets Charlotte Perriand, un porte-manteau Roger Feraud… je ne pourrais citer un seul objet, je suis totalement fan de meubles !”
Un nouveau défi : “Je passe du temps en administratif, alors je me suis trouvé un nouveau terrain de jeu, un champ d’expérimentation : la céramique. Avec bientôt un atelier ouvert juste un étage sous le Studio Pollen !”
Conseil lecture : « Je lis Station Eleven, d’Emily St John Mandel, c’est top et tellement trépidant ! C’est une dystopie post-pandémie mondiale. »