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Zeiss Vision Care : rencontre avec Christophe Belin, coordinateur Europe des usines et centres logistiques

Géant mondial de l'optique de précision, le groupe allemand de 175 ans a une filiale en France. Une entité qui connaît une croissance à deux chiffres. La recette du succès ? De l’innovation à haute dose et une démarche RSE engagée, tout cela soutenu par l’unique propriétaire du groupe, sa fondation. Le site de Fougères (35) de la division Zeiss Vision Care, qui compte 300 collaborateurs, est le parfait reflet de ce trio gagnant. Les verres à la plus haute valeur ajoutée y sont fabriqués, plus de 4000 par jour, grâce à un savoir-faire fort de plusieurs décennies. Rencontre avec Christophe Belin, coordinateur des usines de production et des centres logistiques Zeiss en France, au Portugal et en Hongrie, et membre du comité de direction et du comité exécutif.

Christophe Belin, coordinateur des usines de production et des centres logistiques Zeiss en France, au Portugal et en Hongrie, dans le

Christophe Belin, coordinateur des usines de production et des centres logistiques Zeiss en France, au Portugal et en Hongrie, dans le "shopper lab" à Fougères. ©Studio Carlito

Dans la zone de la Guénaudière à Fougères, l’aspect extérieur du bâtiment, un peu vieillot, contraste avec le décor moderne de l’intérieur. Une atmosphère même futuriste dès que l’on pénètre dans le « shopper lab », un showroom dernier cri. Plongée chez Zeiss, le spécialiste de l’optique. La firme allemande a racheté en 2005 une entreprise créée en 1953 par deux frères opticiens qui fabriquaient leurs propres verres de lunettes. L’emplacement avait été choisi, car la silice était disponible, à une époque où le verre minéral est utilisé. Depuis ce temps, et après plusieurs rachats, les pratiques de production ont bien changé. À commencer par les matériaux utilisés, des polymères maintenant. En revanche, l’ancrage à Fougères, lui, est un invariable. « Ici nous avons un savoir-faire très développé, des salariés attachés à l’entreprise, et nous-mêmes nous sommes très attachés à nos équipes. Nous sommes un acteur assez important sur le bassin, qui nous le rend bien. Il est inimaginable de transférer l’activité ailleurs », spécifie Christophe Belin.

Fougères, terreau de technologie

Il faut compter 27 heures pour la fabrication d’une paire de verres techniques @Studio Carlito

L’activité en question c’est la fabrication des verres optiques à plus forte valeur ajoutée du catalogue Zeiss. Labellisés Origine France Garantie. Si le site de production bretillien n’a pas de section recherche et développement (R&D), il est bien souvent pilote sur la mise en œuvre des innovations. « Un site Zeiss traditionnel n’est pas équipé comme celui de Fougères. Ici nous avons les dernières machines d’usinages qui existent sur le marché, avec des précisions de l’ordre du micron. » Zeiss propose des verres qui s’adaptent aux usages de la vie, intégrant dans son processus des paramètres de personnalisation. « Un programmeur sur informatique n’a pas le même besoin qu’un garde forestier. » L’ambition est de pousser le sur-mesure au maximum. « Nous prenons jusqu’à l’angle pantoscopique, l’inclinaison du verre lorsque la monture est sur le nez, pour corriger cet angle et que le rayon de lumière traverse le verre de manière impeccable. »

Usinage au micron

D’où l’importance pour la marque d’accompagner les opticiens dans une prise de mesure ultra précise. Pour que le consommateur soit le plus à l’aise possible avec son équipement. « La prise de mesure chez l’opticien pour régler l’écart pupillaire est primordiale. Elle est l’une des clés de réussite pour exploiter 100% d’un verre à forte valeur ajoutée Zeiss. Nous usinons maintenant au micron, au millième de millimètre. Donc il faut adapter les outils de mesure à la précision que nous voulons usiner. » Ainsi, Zeiss a mis au point Visufit 1000, un appareil de prise de mesure qui intègre 9 caméras, offrant une précision optimale.

En 2023, 1,2 million d’euros d’investissement

La dynamique d’innovation technologique est soutenue par un plan continu d’investissement. « Nous préférons cette méthode, qui est un accord de stratégie avec le groupe, plutôt qu’une stratégie d’investissement par à-coups. C’est plus stable pour les équipes et puis les innovations arrivent en continu donc aujourd’hui nous ne vivons pas de grands sauts technologiques. Aussi financièrement, c’est moins difficile de débloquer 1,5 M€ que 20 M€ tous les cinq ans. »

Historique d’investissement : 2021 : 1,3 M€ / 2022 : 1,7 M€ / 2023 : 1,2 M€

Dernièrement l’usine a accueilli de nouvelles machines qui permettront de produire les futurs anti-reflets qui sont en cours de développement. « Quand le service R&D dira « on y va », nous serons prêts. »

Le site de Fougères au cœur d’une stratégie européenne

Interrogé sur les grands futurs enjeux qu’il a à traiter, Christophe Belin répond sans attendre : « augmenter les capacités de production en Europe, notamment des sites du Portugal et de la Hongrie, pour limiter la part Asie et développer de l’approvisionnement régional. » Un sujet déjà en réflexion avant l’ère Covid. Les usines portugaise et hongroise dont parle le coordinateur Europe sont des centres historiques de la stratégie européenne de Zeiss. Celui de Hongrie fabrique les verres minéraux, une production concentrée en Hongrie, car les pays de l’Est représentent encore un fort marché pour ce type de verres. Au Portugal sont produits les verres solaires, verres miroirs et verres de deuxième paire. « Nous concentrons par types de verre et grands pôles d’activité », synthétise Christophe Belin.
Toutes les usines européennes « sont back-upées les unes aux autres ». Comprendre : en cas de difficultés de l’une des usines, une autre est capable de prendre le relai.

Les chiffres clefs

Monde
8,8 milliards d’euros de CA
Présent dans 50 pays, plus de 30 sites de production, 60 filiales de ventes et de services et 27 sites de R&D.

France
Chiffre d’affaires 2021  : 280 millions d’euros
Chiffre d’affaires 2021 de Zeiss Vision Care France : 174,38 millions d’euros, soit 28,8% de croissance versus 2020.
8 implantations
Effectif : 860 dont 400 chez Vision Care

Un mode de gouvernance qui permet une stratégie de long terme

Non coté en Bourse, Zeiss appartient à 100% à la fondation Carl Zeiss, structure qui lui permet d’échapper à la pression des marchés. Créée en 1889 par Ernst Abbe, elle oblige le groupe à investir un minimum de 10% du chiffre d’affaires en R&D. Sur les trois dernières années, Zeiss Vision Care est même à 13%.
« Nous ne sommes pas conduits par le cours de l’action. Ça ne veut pas dire que nous ne devons pas être rentables. Mais la vision est différente quand on alimente notre propre fondation. » Un mode de gouvernance qui mise donc sur le long terme, permettant de rester à la pointe de l’innovation, d’assurer la pérennité de l’entreprise, et de se concentrer chaque année sur des thématiques de santé visuelle. En 2022, Zeiss a développé sa 3e génération de verres qui visent à freiner l’évolution de la myopie chez l’enfant.

RSE, « nous avons ça dans nos gènes »

Le travail sur la santé visuelle est loin de constituer le seul pilier de la politique RSE. Zeiss Vision Care France a obtenu le label Engagé RSE niveau confirmé, délivré par l’AFNOR.
« Nous mettons le mot RSE sur une démarche qu’a engagée Zeiss depuis des dizaines d’années. Nous avons ça dans nos gènes. Aujourd’hui nous travaillons à notre gouvernance RSE, car cela nous permettra de donner encore plus de potentiel à la démarche. »

Économies des ressources, revalorisation des déchets

Le site enregistre – 84% de déchets entre 2020 et aujourd’hui. Des déchets à ce jour valorisés comme combustibles remplaçant ainsi des énergies fossiles (en cimenteries ou laiteries). Une mini station d’épuration a été installée il y a une vingtaine d’années à l’arrière du bâtiment. « À l’époque cela avait réduit de 80% la consommation d’eau. Nous sommes en flux fermé, plus en flux perdu. » Christophe Belin est un convaincu : « Avec la fondation, nous avons les moyens de nos ambitions. On ne peut pas calculer le payback de la RSE comme celui d’un autre investissement. Vous êtes obligés de le faire par conviction sinon vous n’y allez pas. Plus qu’une stratégie, c’est une façon de voir le monde. »

À Fougères, 80 chargés clientèle répondent aux 3 000 opticiens qui travaillent avec Zeiss chaque jour. Le service vient d’être récompensé par le trophée « meilleur service client » par un groupement d’opticiens indépendants. ©Studio Carlito

À Fougères, 80 chargés clientèle répondent aux 3 000 opticiens qui travaillent avec Zeiss chaque jour. Le service a reçu le trophée « meilleur service client » d’un groupement d’opticiens. ©Studio Carlito

Quel le point commun entre Claude Monet et Buzz Aldrin ?

Le groupe Zeiss qui a été les yeux :
Du premier homme sur la Lune en 1969 grâce à la caméra Hasselblad, équipée d’une optique spécialement conçue par Zeiss pour la NASA et cette expédition lunaire. Le cliché enclenché par Buzz Aldrin deviendra mythique. Il resterait encore quelques morceaux de Zeiss sur la lune.
De Claude Monet, qui fut équipé de verres Zeiss après son opération de la cataracte. Une nouvelle vue qui lui a permis de terminer la série des Nymphéas.
Des plus grands cinéastes hollywoodiens, de Stanley Kubrick en passant par David Fincher et Martin Scorsese qui ont pu réaliser certaines de leurs œuvres à travers des objectifs Zeiss.
De Charles Darwin, à travers un microscope de cuivre à l’optique Zeiss qui lui permettra d’inventer la génétique, de développer sa théorie de l’évolution.