Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

Business Angels 35 : les investisseurs escortent les transitions

Ils sont une cinquantaine de membres, chefs d’entreprises bretilliens et cadres dirigeants, qui investissent et s’investissent dans l’amorçage d’entreprises innovantes à fort potentiel de développement, via de la prise de participation. BA35 c’était à sa création en 2005, la seule association de Business Angels en Bretagne, connue jusqu’en 2019 sous le nom de Logoden Participations.
En 18 années, 7,5 millions d’euros ont été investis auprès de 67 entreprises bretilliennes.
Quant à 2022, année de l’inflation - également sur les valorisations d’entreprise ! - et d’attentisme bancaire, ce fut un petit cru pour BA 35, qui n’a accompagné que 5 entreprises pour un total de 300 000 euros.
Rencontre avec Léna Picard la présidente de l’association.

Léna Picard, présidente de BA35, Business Angels en Ille-et-Vilaine ©StudioCarlito_7Jours

« Nous répondons à la centaine de dossiers reçus chaque année… C’est un principe, car toute démarche entrepreneuriale mérite un retour. Ensuite nous en instruisons 25%, et au final 5 à 10% trouvent un ou plusieurs Business Angels pour investir. » Un ou plusieurs, car si BA 35 est un collectif, c’est individuellement que chaque membre décide de porter tel ou tel projet, avec un ticket qui peut aller de 5 000 euros à 30 000 euros.
« Ensemble on est plus malin. Ce collectif et nos expériences différentes nourrissent la réflexion. » Et il en faut, car sur la phase d’amorçage, les investisseurs parient sur un projet encore fictif, pour financer la création jusqu’au démarrage effectif de l’activité. « C’est un stade très risqué financièrement, peu de projets aboutissent, c’est de l’ordre de 7 projets sur 10 qui s’arrêtent. Alors même si l’objectif est de financer ceux qui n’ont pas les billes pour le faire, nos regards croisés permettent de mieux appréhender la faisabilité d’un projet, et d’en faire un retour aussi au porteur qui peut se nourrir de ces échanges. »

Du café à la plénière

Avant de décrocher un éventuel financement, chaque mois, une poignée de membres de BA35 rencontre au bar Loco Loca à Rennes, le ou les porteurs de projets.
« Ce premier échange permet de gagner du temps. J’ai 12 ans d’entrepreneuriat derrière moi, j’ai monté deux entreprises, et je sais que leur temps est précieux. En étant de l’autre côté chez BA35 j’essaye de raccourcir ces process. Nous les rencontrons donc de manière informelle, pendant 1heure maximum, afin d’apprécier au-delà du dossier reçu en amont, le stade de maturité du projet et la capacité de portage du dirigeant, ce qui est un point important pour la réussite d’une entreprise. »
S’ensuivent 2 mois d’instruction, et la décision (ou pas) de présenter ce candidat en pitch devant l’ensemble des membres de BA35 en plénière. « Et là, dans l’assemblée, on attend de voir si une main se lève, parfois deux, parfois dix ! Si on a 5 mains, ça peut monter à un tour de 100 000 euros. Mais attention, ce n’est pas le nombre de mains qui prouve la viabilité du projet, ça n’est vraiment pas une science exacte ! »

2022 et l’inflation des valorisations

L’investissement des BA 35 a un effet levier pour les startups, celles-ci décrochant ensuite 3 à 4 fois le montant auprès d’autres financeurs dont les banques. Mais toutes les années ne se valent pas. En 2020, malgré la crise sanitaire, les BA35 avaient engagé 732 500€ auprès de 9 entreprises, en phase d’amorçage ou d’expansion. En 2022 ils ont reçu 70 dossiers, et engagé 300 000 € pour 5 entreprises.
« L’an passé il y a eu deux effets ciseaux : d’abord la conjoncture avec cette atmosphère d’attentisme généralisé de la part des banques et autres financeurs. S’ajoute à cela une grosse inflation des montants des levées et des valorisations – même si cela se calme en ce début 2023, ce qui nous amène à penser qu’il va falloir doubler nos tickets moyens, passer de 100 000 € à 200 000 €. »

L’économie de l’impact

Sur les 5 entreprises choisies par des membres BA35 en 2022, 3 sont en phase d’amorçage et 2 en deuxième financement. « Ce qui est notable, c’est que l’on sort de cette ère d’euphorie sur la startup dans le digital, le numérique avec toutes les applis. Aujourd’hui les entreprises qui nous contactent et que l’on suit sont liées aux transitions. C’est le début de l’économie de l’impact, nous avons été assez surpris à la réception des premiers dossiers.»

Les 5 entreprises BA35 en 2022
Kirae : développe un outil de formation, une solution pour identifier, développer et évaluer les compétences soft skills par le biais du jeu vidéo.
DurabL : c’est de l’épicerie vrac pour les professionnels, de la livraison de restaurateurs avec des produits responsables, conditionnés dans des contenants réutilisables, et en vélos cargo. (Ici l’article de 7Jours dédié à DurabL)
Revolte : garage dédié aux véhicules électriques, entretien et réparation
BlueBack : développe un objet connecté conçu pour les kinésithérapeutes et leurs patients
Trigaboat : seul concepteur de bateaux amphibies règlementairement autorisés à rouler sur la route.

Le profil du Business Angel

– Masculin : Léna Picard dénote dans cet univers Business Angels, ou la moyenne d’âge est de 55 ans et la présence féminine insignifiante. Les business Angels peuvent être des chefs d’entreprises qui ont vendu leur boite, sont en phase de transition, ou des cadres dirigeants par exemple. « Le peu de femmes chez les BA 35 est le reflet de la réalité économique, qui compte peu de dirigeantes. J’ai envie de croire que cela va changer. Il y a un renouvellement de membres chaque année, l’an passé 10 sont partis et 10 nouveaux nous ont rejoint.»
– Chronophage : Les membres BA35 n’investissent pas uniquement leurs deniers, ils consacrent une partie de leur temps pour du conseil et de l’accompagnement de dirigeants, notamment en siégeant au comité stratégique. « Être membres de BA35, c’est une exigence, c’est être investi et motivé. C’est financièrement risqué alors on y vient pour ce réel rôle sociétal, cette façon de soutenir l’entrepreneuriat en Ille-et-Vilaine et en Bretagne avec les autres Business Angels de la région.»

Léna Picard©StudioCarlito_7Jours

Parcours pro : La quarantaine passée, originaire du Finistère nord, où elle a créé deux entreprises, dans l’univers de la 3D et puis du montage vidéo automatisé.
« En 2008, j’ai 30 ans, et je crée Apix dans le domaine de la 3D, entreprise revendue en 2014 sur une proposition d’achat d’un concurrent-confrère…par opportunité. Dans la foulée en 2015 je monte My Movie Up, qui va vivre 4 ans, et s’arrête justement pour des questions de levée de fond : je n’ai pas trouvé la série A qui aurait permis de développer le stade supérieur. Et en fait, je ne voulais pas passer mon temps à chercher de l’argent, je voulais passer du temps dans le projet.
Après 12 ans d’entrepreneuriat, cela s’est donc arrêté. C’est un peu raide, j’ai encaissé. Et même si j’en garde une heureuse expérience, il reste comme un sentiment de vacuité. Ce qui est grisant dans l’entrepreneuriat, c’est l’apprentissage permanent, mais c’est aussi un risque, un engrenage.»
Aujourd’hui elle est dirigeante de Kusumus, une activité de coaching de dirigeants, et d’accompagnement aux prises de décisions.

Elle fut aussi présidente du Centre des Jeunes Dirigeants, de la section de Brest puis de la région Bretagne. « Je retrouve dans BA35 ce que j’ai tellement aimé au CJD : ce collectif humain, qui aide d’autres personnes, avec des valeurs communes d’humilité… et en s’amusant un peu, tant qu’à faire ! »

Son engagement BA35 : « Je connaissais les BA 29 pour avoir eu affaire avec eux dans mon parcours d’entrepreneur. Je suis entrée au BA35 en 2021 juste après mon arrivée à Rennes, et directement comme présidente, car j’avais le temps disponible pour cela. Je ne ferai qu’un mandat jusqu’en 2024, une association vit mieux en mouvement, il faut du renouvellement. Nous avons recruté un Office Manager pour l’association, car cet engagement bénévole est très chronophage, il faut se structurer. »

Le + : « Très jeune, je voulais être diplomate, découvrant ce métier à 12-13 ans en même temps que Romain Gary via « La promesse de l’aube. » Diplômée d’ un master en droit public et relation internationale, à Brest et à l’université de Laponie en Finlande. C’est aussi en Finlande qu’elle effectue un VIE pour le conseil départemental du Finistère. La Finlande…. « J’aime beaucoup ce pays, sa culture du consensus, du pragmatisme, d’ailleurs le nom de mon entreprise Kusumus signifie « question » en finnois. Le paysage, l’ambiance, ce rapport à la nature même par -40°…. et j’aime tellement le silence ! »

Suivre et contacter les Business Angels 35