Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

Entretien avec François Flaud, président du Tribunal de Commerce de Rennes : moins de dépôts de bilan et plus de créations d’entreprises en 2021

Le 10 janvier, le président du TCS de Rennes, François Flaud, entouré des 30 juges, a tenu la traditionnelle audience solennelle de rentrée en comité restreint. Il a dressé le bilan de l’activité de 2021, et affirmé son optimisme pour 2022.

Le président François Flaud, entouré du vice-président Georges-Alain Rintzler, des présidents de chambre et juges , tribunal

Le président François Flaud, entouré du vice-président Georges-Alain Rintzler, des présidents de chambre et juges ©Studio Carlito

217 procédures ont été ouvertes en 2021 au TCS de Rennes, concernant donc des entreprises défaillantes, contre 264 en 2020. « On est loin des 456 dépôts de bilan en 2019, ou encore des 622 défaillances en 2010 juste après la crise des subprimes ! » précise le président du Tribunal François Flaud. « On peut dire qu’il n’y a eu aucun effondrement en 2021, et cela devrait aussi bien se passer en 2022 ».

Sur ces 217 saisines, 75 % sont des DCP (déclaration de cessation de paiement) . « À noter aussi que ce sont les petites entreprises qui ont souffert : 82 % ont moins de 10 salariés. » Ces 217 procédures concernaient au total 624 salariés.

Des secteurs fragilisés

« Contrairement à ce qui se dit parfois trop hâtivement, il n’y a pas eu de sinistre dans tous les secteurs : 47 procédures collectives sur les 2160 entreprises du bâtiment soit 2,17 %. De même cela a concerné 1 % des 5022 entreprises de commerce de détail, et 0,6 % des 3 133 des hébergements/restauration. Il n’y a pas eu en 2021 un effondrement de l’économie. En revanche, certaines activités présentent des signes de fragilité, on peut être inquiet pour les secteurs de l’événementiel, les traiteurs aussi, et les sous-traitants de l’industrie navale et de l’automobile. » 

L’impact sur l’industrie bretonne

Concernant le secteur naval, les sous-traitants bretons sont par exemple impactés par l’annulation de la commande des 12 sous-marins australiens qui devaient être construits à Cherbourg. « Quant aux sous-traitants automobiles, cela concerne à chaque fois 200 à 300 emplois par sites en Bretagne ! Ils pourraient être impactés par le virage des moteurs thermiques vers l’électrique. Également par le report du paiement des avances, plus difficile à supporter par les entreprises. Ce sont des évolutions de sociétés qui nous échappent, le risque étant de voir les Groupes automobiles se tourner vers les sous-traitants moins chers des pays de l’Est. »

Les greffiers du tribunal de Commerce Mes Émeric Vétillard et Gaëlle Bohuon

Les greffiers du tribunal de Commerce Mes Émeric Vétillard et Gaëlle Bohuon ©Studio Carlito

+ de Conciliations…

Une chambre spéciale de la conciliation a été créée, qui a vu passer 17 % des dossiers en 2021 (80 dossiers sur les 477 enrôlements). 28 ont abouti à un accord amiable. « Ce sont des chiffres encourageants. Nous sommes saisis de plus en plus tôt, les entreprises tardent moins à venir et c’est mieux ! » Le président remerciant également les administrateurs et mandataires judiciaires en charge de ces missions.

Le président s’est aussi réjoui du nombre de dossiers passant en prévention « en 2021, il y a eu plus de préventions que de redressements judiciaires (RJ) : 99 dossiers en prévention (26 mandats ad hoc et 73 conciliations) contre 60 RJ. Le cabinet Altarès nous a ainsi placés dans le peloton de tête des tribunaux de commerce de France en matière de prévention », indique-t-il en aparté. « Ces dossiers concernent des PME, d’un CA entre 1 million d’euros et 800 millions d’euros, et un total de 2 250 salariés. »

Le taux d’acceptabilité des jugements du TCS de Rennes est de 96 %, « cela confirme le professionnalisme des juges ! »

…et + de sanctions !

Le procureur Matthieu Thomas s’est exprimé sur la politique particulièrement dynamique des sanctions en 2021. En effet, 26 interdictions de gérer ont été prononcées et 32 faillites personnelles (contre respectivement 13 et 11 en 2019). « Il s’agit d’une minorité de dossiers. Mais cette hausse des sanctions est issue d’une réflexion sur la réponse adaptée à ces entrepreneurs, qui ont aggravé leur situation, fait obstacle aux missions des mandataires, compliqué leur dossier. Cette sanction commerciale d’interdiction de gérer est plus lisible et plus juste qu’une sanction pénale. »

« Le tribunal aide les malheureux, et condamne les malhonnêtes », résume le président Flaud. « On empêche les montages illégaux, ceux qui ne respectent pas les règles de la concurrence et de la loi. »

5 200 sociétés commerciales créées

« En 2021, nous avons vu la création de 5200 sociétés commerciales ou commerçants indépendants. C’est 617 créations de plus qu’en 2019, du jamais vu ». Globalement, l’évolution nette en 2021, soit le solde entre les immatriculations et les radiations sur le ressort, s’élève à + 2 789 entreprises.

PGE et trésorerie

« On peut dire qu’il n’y a pas de problèmes de trésorerie, et il n’y en aura pas ces 10 prochains mois… Il y a, globalement, plus de trésorerie disponible dans les entreprises que de PGE (prêts garantis par l’État) à rembourser, d’autant que le défaut de remboursement des PGE sera de l’ordre de 2 à 3 %, aisément supportable par l’État et les banques. »

Matthieu Thomas, procureur en charge des contentieux, tribunal

Matthieu Thomas, procureur en charge des contentieux ©Studio Carlito

Les 80 procès de restaurateurs à Rennes

Le TCS de Rennes a traité 80 dossiers de restaurateurs contre leur assureur, dans le cadre des fermetures d’établissements liés à la Covid-19. 60 étaient liés à Axa et ont gagné leur combat devant la justice, la jurisprudence donnant raison aux restaurateurs, et les négociations sont en cours avec cet assureur. « Pour ce contentieux, je regrette que la Cour de cassation ne prenne pas une position de principe, on gagnerait en temps et en efficacité concernant les quelque 10 000 dossiers de ce type traités dans les 120 TC de France… »

Artisans

Le début 2022 voit également le transfert des contentieux des artisans du tribunal judiciaire au tribunal de Commerce.

Tribunal de Commerce de Rennes

Président : François Flaud Vice-président : Georges-Alain Rintzler Greffiers associés : Émeric Vétillard, Gaëlle Bohuon

Chambres contentieux

Chambre n°1 : Président : Hervé Dumoucel. Clément Villeroy de Galhau, Gérard Demaure, Michel Mignon, Yann Trouillard et Sophie Helbert.

Chambre n°2 : Président : Nathalie Crussol. Georges-Alain Rintzler, Renan Begueret, Nicolas Frappier, Jean Pichot et Raphaël Doyen.

Chambre n°3 : Président : Jean-Paul Eyraud. Jean-Pierre Loury, Laurence Tanguy, Karim Essemiani et Jérôme Celerier.

Chambre n°4 : Président : Xavier de Mascarel. Claude Bertin, Vincent Gautier-Sauvagnac, Christine Robin, Bertrand Vaz et Françoise Ménard.

Chambres Procédures Collectives

Chambre A : Président : Caroline Maillard. Gérard Demaure, Michel Mignon et Patrick Baixe, Hervé Dumoucel et Xavier de Mascarel.

Chambre B : Président : Jean-Jacques Lageat. Claude Bertin, Michel Hardy, Antoine Benda, Clément Villeroy de Galhau et Michèle Le Coq.

Chambre de conciliation

Président : Nicolas Frappier. Georges-Alain Rintzler et Jean-Pierre Loury.

Oppositions à ordonnances de Juge Commissaire et Sanctions

Président : Georges-Alain Rintzler. Jean Pichot, Bertrand Vaz, Clément Villeroy de Galhau et Françoise Ménard.

Les 3 nouveaux juges :

  • Sophie Helbert est chef d’une entreprise de vente, création et pose d’escaliers à Rennes
  • Jérôme Celerier est expert-comptable, il fut auparavant pendant 17 ans conseiller prud’homal.
  • Françoise Ménard est expert-comptable et commissaire aux comptes, également formatrice à Rennes.

Recherche 5 nouveaux juges

Avis aux chefs d’entreprise et cadres dirigeants. Le tribunal de commerce recherche 5 nouveaux juges pour fin 2022. Une mission qui requiert des qualités de rédaction, de gestion d’entreprise, et l’envie d’être utile, car il s’agit d’un engagement bénévole. Un sacerdoce qui nécessite du temps (3 jours par mois en moyenne), pour intégrer « une équipe d’un bon niveau d’expertise, souligne le procureur, que ce soit les juges, les greffiers, les mandataires ! »

Tribunal de Commerce spécialisé de Rennes

©Studio Carlito