Couverture du journal du 01/05/2025 Le nouveau magazine

La Justice, face à l’intolérance grandissante

Frédéric Benet-Chambellan, procureur général près la Cour d’appel de Rennes, reçoit dans son bureau, au parlement de Bretagne, devenu le siège de la Cour d’appel de Rennes il y a 200 ans. Originaire de Bourgogne, il connaissait peu la Bretagne avant son arrivée à Rennes au printemps 2021. Et si la haute fonction qu’il occupe inspire le respect, il a l’élégance de ceux qui savent mettre à l’aise leur interlocuteur. Pour autant ce large sourire avenant s’évanouit à chaque explication, comme éclipsé par l’application à trouver la plus juste et précise des réponses. “ Always explain !” pourrait être sa devise, à rebours du « never explain, never complain, » adopté notamment par Winston Churchill ou la reine Elizabeth II. « C’est la plaie de la justice française. La justice, il faut l’expliquer, sinon c’est laisser le champ libre aux interprétations et aux caricatures. La justice n’est pas simple, certes, mais elle ne peut être réduite à quelques phrases, les nuances sont importantes.”

Frédéric Benet-Chambellan, procureur général près la Cour d’appel de Rennes, justice

Frédéric Benet-Chambellan, procureur général près la Cour d’appel de Rennes ©Studio Carlito

116 parquetiers

Il dirige le parquet général de la cour d’appel de Rennes. Cette cour est la plus étendue de la métropole française, et la 2e en termes de population, puisqu’elle couvre les 5 départements de la Bretagne historique, soit près de 4 millions 800 mille habitants ou justiciables. Frédéric Benet-Chambellan encadre l’ensemble des procureurs, vice-procureurs et substituts, des 9 parquets de ce territoire, soit à ce jour 116 personnes. “Nous avons le ratio le plus défavorable :  2,6 procureurs pour 100 000 habitants en Bretagne. »  Bien loin des 11,8 / 100 000 en Europe, et même des 3,2 /100 000 en France. “Si l’on ne peut nier que les trois derniers exercices budgétaires ont été marqués par une augmentation des moyens alloués au système judiciaire ( +8% chaque année ), le retard est tel que cela ne comble pas encore le manquement. Dans l’urgence immédiate, il faudrait 10 substituts placés sur notre ressort.” Car cette centaine de femmes et d’hommes a pour mission de diriger les enquêtes, de poursuivre ou en tout cas d’organiser un mode de poursuite judiciaire, au nom du ministère public. Négliger cette mission se ferait au détriment de la défense de la société.

La Bretagne, pas si calme et modérée

“De manière générale, le citoyen est moins respectueux, il a moins la capacité de se raisonner. L’intolérance grandit, ainsi que la frustration, et cela se retrouve dans la délinquance, qui s’accompagne de violence. Il y a une tension concernant les questions d’ordre public. S’ajoutent les violences intra-familiales qui augmentent également avec la libération de la parole des victimes. Autre point : il n’y a plus de manifestation sans incidents, dégradations volontaires, ou vols. C’est flagrant à Rennes, Nantes, et Rouen, ce que l’on nomme le “Croissant O