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Augmentation des défaillances d’entreprises : les bons réflexes et les sources d’opportunités

Dans un contexte haussier des risques de liquidité et du nombre des défaillances d’entreprises, des bonnes pratiques existent pour protéger les entreprises à l’égard de leur(s) partenaire(s) défaillant(s), tout en créant des opportunités business et de croissance externe. Pour les entreprises fragilisées, les mesures d’anticipattion permettent de réduire les risques de défaillance à terme (procédures préventives telles que le mandat ad hoc ou la conciliation, cession, etc.).

Me Charlette Mercier, avocate au barreau de Rennes, et Sarah Pople juriste et référente restructuring ©DR

Me Charlette Mercier, avocate au barreau de Rennes, et Sarah Pople juriste et référente restructuring ©DR

Au premier abord, le bilan semble lourd, et quelque peu défaitiste. Selon le sondeur Altares, le nombre d’entreprises en procédure collective sur l’année 2022 en Bretagne est de 1589, soit une augmentation de 61% par rapport à 2021*, ce qui représente 11 % de plus que la moyenne nationale. Pour 2023, ce nombre en Bretagne pourrait avoisiner les 2000.

Alors, faut-il s’inquiéter ? Pas forcément. Rappelons que les nombreuses aides disponibles aux entreprises depuis plusieurs années, avec pour objectif de surmonter les multiples crises traversées, ont contribué à une forte baisse du nombre d’ouvertures de procédures collectives. En effet, avant le début de la crise Covid, au quatrième trimestre 2019, 2025 procédures collectives étaient recensées en Bretagne .

Aussi rassurant que puisse être le recul sur ces statistiques, il est indéniable que le contexte économique actuel est particulièrement difficile.

Après avoir traversé plusieurs crises, beaucoup d’entreprises ont un endettement plus élevé (PGE, moratoires sur des dettes fiscales et sociales), qui impacte leur capacité d’autofinancement, et met ainsi en risque leur capacité à rembourser leur endettement moyen / long terme et leur capacité d’investissement, facteur clé de la compétitivité.

À cela s’ajoutent l’inflation, le coût de l’énergie qui flambe, et le coût du financement qui augmente en conséquence … certaines entreprises voient leur rentabilité s’effondrer, face à ces charges croissantes.

Enfin, certaines entreprises, déjà fragiles avant la crise covid, momentanément perfusées des aides, succombent à des difficultés sectorielles de plus longs termes.

Alors quels sont les bons réflexes face à cette situation ?
Face à ce constat, les entreprises se doivent de cartographier et gérer leurs risques de défaillance, qu’elles soient créditrices ou débitrices, par la mise en place de différents outils adaptés à chaque situation.

Les entreprises fragilisées : des réflexes d’anticipation pour favoriser le rebond

En droit français, il existe d’excellentes mesures de prévention des difficultés d’entreprise, évitant la cessation d’activité et la liquidation judiciaire, avec des taux de réussite très élevés : de 70 %** pour les procédures amiables et préventives (taux de 90% à Rennes !), contre seulement 27%*** pour la procédure de redressement judiciaire.

L’objectif principal recherché pendant les procédures amiables et préventives est de trouver un accord entre l’entreprise en difficulté et ses principaux créanciers. La nature de cet accord peut être très variée : des moratoires sur la dette, la restructuration de la dette, certes, mais pas seulement.

Ces procédures amiables et préventives peuvent aussi être un temps privilégié pour mener la réflexion sur le renforcement de la situation bilancielle de la société, en mettant en œuvre des opérations capitalistiques (réorganisation du capital et de la gouvernance, association des parties prenantes au capital, rapprochement avec des partenaires financiers et/ou industriels, etc.).

Deux facteurs clés participent au taux de réussite des procédures amiables et préventives : la confidentialité des procédures, propice à la négociation et aux concessions réciproques, et l’anticipation des difficultés par le débiteur.

Ces outils de prévention ne sont ouverts qu’aux entreprises en difficulté, justifiant ne pas être en cessation des paiements ou, pour la procédure de conciliation, ne l’étant pas depuis plus de 45 jours. Un tel état de cessation de paiement se caractérise par la date à laquelle l’actif disponible d’un débiteur ne permet pas de faire face au passif exigible (art. L. 631-1 du code de commerce).

Ainsi, plus tôt la difficulté de trésorerie et la recherche de solution engagée seront anticipées, plus les chances du chef d’entreprise seront importantes de poursuivre l’activité de la société à travers les leviers de négociation que permettent les procédures préventives.

A défaut, et si un état de cessation des paiements est constaté, le chef d’entreprise restreint les options envisageables de la boite à outils de traitement des difficultés : le risque est alors plus élevé de devoir subir, au lieu de choisir, une procédure de traitement de difficulté, tels que le redressement ou même la liquidation judiciaire.

L’anticipation et la prévention sont clés : prévenir, c’est guérir.

Au-delà des outils de restructuring, il y a la « pré-prévention ». Le chef d’entreprise doit identifier et mettre en place les bons outils pour gérer les situations de crise. Ces outils sont vastes et de nature diverse : du pilotage de trésorerie et des indicateurs financiers et de gestion de son activité, jusqu’aux considérations sociétales et de gouvernance. En amont, les mises en place d’une gouvernance efficace pour épauler le chef d’entreprise (mise en place d’un comité collégial par exemple) et d’un système d’alerte en cas de difficultés sont ainsi déterminantes.

Les signaux d’alerte

Situation des capitaux propres négatifs
Cotation banque de France dégradée
Difficulté de ses propres partenaires
Difficulté à lever de la dette
Augmentation non maitrisée du besoin en fonds de roulement
Perte d’un salarié clé
Naissance d’un litige important
Perte importante de chiffre d’affaires

Les partenaires : une (bonne) gestion des risques de défaillance

La survenance de difficultés financières d’un partenaire (commercial, client et fournisseur, associé) peut poser des difficultés en ricochet pour l’entreprise, parmi lesquelles :
des retards d’encaissement (paiement par l’entreprise en difficulté),
des retards de livraison et d’approvisionnement,
une gestion des contentieux commerciaux en découlant,
ou encore, l’échec d’un projet d’acquisition.

Lors de l’ouverture d’une procédure collective (de sauvegarde, redressement, ou liquidation judiciaire) à l’encontre d’un partenaire, cette procédure entraine automatiquement :

L’interdiction de se faire payer une créance dite “antérieure” (art. L. 622-7 du Code de commerce),
L’interdiction de résilier un contrat du seul fait de l’ouverture d’une procédure collective, et l’obligation de continuer à fournir la prestation malgré l’incident de paiement (art. L.622-13 du Code de commerce), avec la possibilité de recevoir le paiement des prestations postérieures à leur échéance (art. L. 622-17 du Code de commerce). Il doit être souligné ici que les clauses, usuellement prévues dans la documentation contractuelle, contredisant cette règle d’ordre public sont inopposables à la procédure collective et sont neutralisées : en d’autres termes, elles sont complètement inefficaces ;
L’interruption des poursuites (art. L. 622-21 du Code de commerce).

En outre, certains actes passés pendant la période entre la survenance de l’état de cessation des paiements et l’ouverture subséquente d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, dite « la période suspecte », sont susceptibles d’être frappés de nullité, de plein droit ou de manière facultative.

Comment ne pas subir les difficultés d’un partenaire ?

Quelques bons réflexes :

– Mettre en place une veille de la situation financière des partenaires significatifs —> par les services d’alertes, sur BODACC / Infogreffe par exemple ;
– Mise en place de garanties à l’égard des partenaires significatifs dont il semble opportun d’anticiper des difficultés, pour sécuriser les engagements ;
– Encourager le partenaire, en cas de difficultés, à adopter une attitude « préventive » : encouragez-le à consulter un conseil, un expert-comptable, un administrateur ou mandataire judiciaire, ou prendre un rendez-vous confidentiel et informel avec le Président du Tribunal de commerce compétent (juge de la prévention), pour discuter de ses difficultés en amont.
– Ne pas attendre trop longtemps pour mettre en œuvre des mesures conservatoires ou engager un contentieux, en cas d’impossibilité de négocier un potentiel litige ;
– En cas d’ouverture d’une procédure collective de votre partenaire, déclarer la créance au passif, mettre en demeure l’entreprise de poursuivre ou non le contrat en cours, revendiquer vos marchandises, etc ;
– Mettre en place, en amont, des sources alternatives de commercialisation / approvisionnement, pour prévenir un cas de cessation de l’activité du partenaire.

Opportunités de rapprochement et de croissance externe

Dans le cadre des procédures préventives (voire collectives), une négociation peut également être envisagée pour soutenir financièrement un partenaire clé en difficulté passagère.

À titre d’exemple, ce soutien peut se concrétiser par la mise en place et la souscription d’un emprunt obligataire, la prise de participation au capital, une augmentation du capital social, la conversion d’une créance en capital ou même l’abandon d’une créance.

La conciliation fournit un cadre légal particulièrement intéressant pour ce faire. Pour les apports en numéraire homologués par un protocole de conciliation, ces sommes seront assorties d’un privilège de « new money » en cas de défaillance subséquente de la société en difficulté, permettant de figurer à un rang privilégié.

Une vigilance doit toutefois être portée dans ce cadre au titre notamment des règles liées à un soutien abusif, mais le cadre légal et les accords trouvés sous l’égide d’un conciliateur (un administrateur ou mandataire judiciaire) sont généralement protecteurs au regard des apporteurs de nouveaux fonds.

Enfin, dans le cadre des procédures préventives et collectives, la solution recherchée peut être la cession de la société (titres) ou de l’entreprise (prepack cession ou plan de cession, dite « à la barre du tribunal »). Dans ce cadre, des opportunités intéressantes de croissance externe peuvent exister, permettant de procéder à la restructuration de l’activité de l’entreprise par le biais de cet outil.

 

 

* Etude Altares, publiée le 14 février 2023 Défaillances d’entreprises en Bretagne en 2022 – Altares

**FAQ — CIP National (cip-national.fr)

***Note d’analyse – Entreprises en difficulté : quelle efficacité des procédures préventives ? (strategie.gouv.fr)

 

 

Expertise par Me Charlette Mercier, avocate au barreau de Rennes, et Sarah Pople juriste et référente restructuring

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