L’enfant de Larmor-Plage est de retour au pays. À 39 ans, le chef étoilé a ouvert sa propre affaire dans le même établissement où il a fait ses premiers extras du week-end comme plongeur. À l’époque, c’était le Yesterday. 25 ans plus tard, Nicolas Le Tirrand est de retour Aux Sources, à la tête d’un restaurant étoilé qui n’a pas fini de faire parler de lui. Avec sa vue dégagée sur le bassin à flot et les bateaux de plaisance au centre de Lorient, la salle de restaurant est sobre et chaleureuse. Une déco minimaliste, tout juste parfaite. Rien de trop. La vraie vedette, c’est l’assiette. Dans la cuisine ouverte sur la salle, le 1er et son commis font des gestes précis et maintes fois répétés. Aux Sources, pas d’improvisation, du travail, de la concentration, du temps…
Un manager moderne qui sait transmettre son énergie
« La cuisine, c’est d’abord du temps incompressible. C’est vraiment de l’artisanat qui exige de la précision, de la concentration et de l’abnégation, insiste le chef étoilé. Et le temps nécessaire à la fois pour apprendre et pour faire. » Le chef tente toutefois de ne pas le laisser filer. Dans son établissement tout est organisé au millimètre. Mais qu’on ne s’y méprenne pas, Nicolas n’est pas un tyran. C’est un manager moderne qui sait transmettre son énergie à son équipe sans le stress. C’est lui le patron, c’est à lui de l’assumer, seul !
Une école de haute couture
« J’ai appris le métier dans les meilleurs établissements avec les meilleurs chefs, mais avec des méthodes qui ne passeraient plus aujourd’hui, explique-t-il. C’était très dur, souvent trop, mais j’ai appris la rigueur et le top de l’exigence. Chez Ducasse, par exemple et pour ne citer que lui, on redevient élève, mais dans une école de haute couture. C’est la perfection et il n’y a que cela qui compte ! » 18 ans à Paris au Plaza Athénée, au George V, la maison Lassere, chez Ducasse, Alléno… Des stars plusieurs fois étoilées, des modèles et des sources d’inspiration.
« Nous sommes seuls responsables de nos propres limites. »
« Ducasse, c’est LA cuisine française. Mais Yannick Alléno, c’est vraiment mon mentor, avoue Nicolas Le Tirrand. Il est comme Robuchon, d’une rigueur absolue, mais avec une très grande ouverture d’esprit. Il veut toujours aller plus loin et c’est lui qui m’a démontré que nous sommes seuls responsables de nos propres limites. » Depuis, le chef teste, essaie, abandonne, reprend… Il invente SA cuisine : Carotte glacée de « la ferme du resto », crevette en texture moderne ; Poulpe de Groix dans son habit noir, consommé Boucané et caviar Sturia; Lièvre à la royale, velours de rouget et crémeux de cèleri iodé…
Surprendre, interpeller, perturber
« Ici, on ne fait pas de cuisine classique, tranche le chef. Aux Sources, nous avons une véritable identité culinaire qui a été forgée par nos différents parcours. E t puis, de toute manière, j’aime surprendre, interpeller voire perturber. Et le poulpe noir, c’est perturbant ! » Nicolas se fait un plaisir, presque un devoir, de réinventer l’assiette et le plaisir gustatif qui l’accompagne. Toujours en quête de nouvelles saveurs, le chef n’hésite pas à s’engager dans des domaines qui n’ont pas encore été explorés ou abandonnés. Hyper conscient de la finitude de notre monde, il veut travailler en priorité des pistes à l’avenir vertueux. C’est notamment le cas des produits fermentés.
« le procédé de fermentation me permet d’avoir des tomates en décembre »
« Je travaille beaucoup la fermentation avec des vinaigres et des légumes maison, continue Nicolas Le Tirrand. Mais je regrette tout de même d’avoir mis autant de temps à découvrir cette « pépite », car cela apporte une telle profondeur aux plats. C’est dingue ! Et il y a encore beaucoup de choses à explorer. J’expérimente notamment des jambons végétaux au céleri ou au panais…» Le végétal tient le premier rôle dans la cuisine de Nicolas. Au point, qu’une entrée végétale est systématiquement proposée. « On ne peut plus manger comme avant et faire semblant qu’il ne se passe rien au niveau environnemental. Et pourtant j’adore manger une côte de bœuf. Mais on sera obligé tôt ou tard de changer notre régime alimentaire, insiste-t-il. Alors j’essaie de faire ma part en travaillant le végétal sous toutes ses formes. En plus, le procédé de fermentation me permet d’avoir des tomates en décembre ! »
Le Grand défi « Ferments du Futur »
Au-delà du clin d’œil ironique du chef, la fermentation semble être un procédé millénaire d’avenir. En septembre dernier, Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, et Bruno Bonnell, secrétaire général pour l’Investissement, ont ainsi lancé le Grand défi « Ferments du Futur » aux côtés des pilotes du projet : INRAE et ANIA. Financé par l’État à hauteur de 48,3 millions d’euros dans le cadre de France 2030, le Grand défi « Ferments du Futur » doit permettre de mobiliser les techniques naturelles de fermentation pour accélérer la révolution agricole et alimentaire au service d’une alimentation, saine, durable et traçable. Et revenir… Aux Sources
j’essaie de faire ma part, en travaillant le végétal sous toutes ses formes. »