Il ne faut pas longtemps pour comprendre qu’elle est habitée par le scandale qu’elle a permis de mettre au jour. Irène Frachon est une femme révoltée, et depuis 2009, sa pugnacité a été de taille face au puissant laboratoire pharmaceutique Servier. Ce dernier commercialisait le Mediator, ce coupe faim présenté comme antidiabétique et qui a causé de graves effets secondaires chez les patients. Irène Frachon, même si elle concède avoir passé des moments difficiles, n’a jamais renoncé. Au nom des victimes.
« Chers collègues »
C’est finalement dans cette volonté de défense qu’on comprend aisément le choix des élèves de l’EDAGO. « Votre volonté de faire respecter les droits de chacun, des petits face aux plus forts, cela nous parle », souligne d’ailleurs l’un des futurs avocats. Au long des quinze dernières années, Irène Frachon a expérimenté les arcanes de la justice au cours des différents procès de l’affaire. À tel point qu’en entrant dans l’amphithéâtre de l’école, face aux 143 élèves-avocats, elle les salue aux mots de « chers collègues ». « Je suis devenue l’avocate de mes patients puis d’autres victimes. Me retrouver face à vous est aussi naturel qu’être face à des étudiants en médecine. Ce sont des professions au service du bien commun. »
Avocature, médecine : des similitudes ?
La déontologie, la prestation de serment, le secret professionnel, les étudiants égrènent les points communs entre l’avocature et la médecine. Auraient pu aussi être évoqués l’âge millénaire des professions, la somme colossale de connaissances nécessaires à l’exercice, les responsabilités, l’humain comme matière première. « Vous agissez dans l’intérêt de la santé du patient, l’avocat agit dans l’intérêt de son client. » Et c’est vrai, il y a quelque chose d’évident dans la présence de la pneumologue brestoise face aux futurs avocats. D’ailleurs, elle observe que l’affaire du Mediator est davantage évoquée dans les études juridiques qu’en faculté de médecine. Ne ratant pas l’occasion d’égratigner, un brin espiègle, ses confères. « Dans un monde corporatiste, quand il y a un problème, on n’aime pas trop. »
Honnorat, Topaloff, Témime, Saint-Palais
La pneumologue parle le langage juridique de quelqu’un qui connaît charnellement la justice. Elle ne compte plus les avocats qu’elle a croisés. Certains l’ont marquée plus que d’autres. Me François Honnorat, celui du début. Le même qui a défendu les victimes de l’hormone de croissance et du sang contaminé, conseille Irène Frachon avant la parution en 2010 de son livre « Mediator, 150mg ». Plus tard, il défendra des victimes du Mediator. Elle cite aussi Me Sylvie Topaloff qui « a récupéré au pied levé le dossier d’une victime qui devait être représentée par un certain Me Gilbert Collard ».
Dans la liste des ténors du barreau, la pneumologue n’oublie pas ceux des prévenus. Particulièrement Hervé Témime, récemment décédé, avocat de Jacques Servier, et Me Christian Saint-Palais, qui assiste Jean-Philippe Seta, bras droit du fondateur du laboratoire. « Avec lui, c’est propre », reconnaît-elle au regard des systèmes de défense employés par ce poids lourd du prétoire.
Une marraine libre de parole
C’est à ce franc parler qui caractérise Irène Frachon qu’on reconnaît ceux qui ont moins peur. David Gorand, président de l’EDAGO, l’affirme : « Vous portez l’idée que la liberté d’expression est essentielle. » La nouvelle promotion de l’EDAGO n’a pas fini d’avoir des échanges passionnants avec leur marraine. Dans l’affaire du Mediator, le procès en appel s’achevait le 8 juin. Mais il faudra encore attendre décembre pour connaître le délibéré. Un horizon au long combat judiciaire d’Irène Frachon et des victimes. Le combat d’une vie.