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Mon logiciel est-il original ? La question qui peut vous rapporter beaucoup !

Pourquoi se poser cette question ?
L’originalité est le seul critère adopté par les tribunaux pour permettre au logiciel de bénéficier d’une protection par le droit d’auteur. Les tribunaux ne doivent théoriquement pas se préoccuper de l’efficacité économique du logiciel, ni de sa nouveauté, ni de la beauté de ses interfaces homme-machine, etc.

Par Me Aurélie BOURGAULT et Me Alison POLLET, avocates au barreau de Rennes

Par Me Aurélie BOURGAULT et Me Alison POLLET, avocates au barreau de Rennes

S’interroger sur l’originalité de son logiciel, c’est anticiper sa possible protection par le droit d’auteur et donc le protéger contre des reproductions non autorisées, des contrefaçons, mais pas que… En effet, en soulevant cette question, votre société anticipe également la valorisation de ses actifs. Cette valorisation est notamment essentielle lors d’opérations de restructurations (telles que des fusions-acquisitions) ou dans le cadre de dues diligences. De plus, se questionner sur le caractère original de son logiciel, c’est réfléchir à l’opportunité de bénéficier d’un régime fiscal de faveur. En effet, si votre logiciel est original, il ouvre droit à un taux réduit :

Le régime de l’« IP Box » permet en effet aux sociétés de bénéficier d’un taux d’impôt de 10 % pour les revenus issus de la propriété intellectuelle (revenus de cession, concession et sous-concession) en lieu et place du taux de droit commun de l’impôt sur les sociétés de 25 %.
Depuis 2019, le bénéfice de ce régime fiscal de faveur est ouvert aux revenus tirés de l’exploitation des logiciels protégés par le droit d’auteur (article 238 du Code général des impôts). L’identification d’un logiciel éligible au dispositif de faveur peut poser des difficultés, car la protection du droit d’auteur ne fait pas l’objet d’une formalité particulière (aucune remise de titre ni de certificat).

La doctrine administrative apporte peu de précisions à cet égard. Elle ne donne aucune définition du logiciel éligible au dispositif et renvoie sur ce point uniquement à la définition prévue en matière de propriété intellectuelle en indiquant que « le régime [de faveur] s’applique aux logiciels protégés par le droit d’auteur au sens du 13° de l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle, y compris à leurs versions successives, simultanées ou non. Dès lors, les logiciels en cause doivent présenter un caractère original » (BOI-BIC-BASE-110-10 n° 110).

L’anticipation étant le maître-mot en matière fiscale, les entreprises développant des solutions logicielles ont tout intérêt à bien identifier les logiciels éligibles et documenter leur caractère original. Elles y gagneront l’assurance de pouvoir bénéficier du dispositif fiscal de faveur et la sérénité d’une documentation prête à fournir à l’administration fiscale en cas de contrôle.

Alors comment justifier / identifier l’originalité de votre logiciel ?

La notion d’originalité applicable au logiciel a été bâtie par la Cour de cassation dans… quatre arrêts majeurs de la Cour de cassation en date du 7 mars 1986. À cette date, l’originalité était admise dès lors que l’auteur démontrait avoir « fait preuve d’un effort personnalisé allant au-delà de la simple mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante et que cet effort personnalisé réside dans une architecture individualisée » (Cass. Ass.plén., 7 mars 1986, Babolat c/ Pachot , n°83-10477).

La jurisprudence est ensuite venue affiner cette notion d’originalité applicable au logiciel.
En 2013, la Cour de cassation a ainsi précisé les éléments de nature à justifier l’originalité des composantes du logiciel : « […] les lignes de programmation, les codes ou l’organigramme ou du matériel de conception préparatoire » (Cass. 1ère Civ., 14 nov. 2013, n°12-20687).

Dans le cadre de l’appréciation de l’effort créatif / personnalisé, la jurisprudence demande notamment que le programmeur démontre que les choix effectués n’auraient pas pu être réalisés aisément par un autre individu (Cour d’appel de Paris, 24 nov. 2015).

Depuis une dizaine d’années, les juges ont tendance à apprécier de manière restrictive la notion d’originalité, quelle que soit l’œuvre à protéger (logiciels, photographies, films publicitaires…). Ainsi, rapporter la preuve de l’originalité d’un logiciel devient un exercice ardu, voire d’équilibriste face à des juges de moins en moins favorables à accorder une protection par le droit d’auteur.

Les décisions sont foisons et, bien qu’hétérogènes, elles permettent néanmoins d’établir une « grille de critères/ de faisceau d’indices » à travailler pour documenter l’originalité de son soft.
Cette divergence requiert donc de travailler en amont pour se préconstituer un dossier justificatif de l’originalité de son logiciel. En effet, la démonstration de l’originalité d’un logiciel se prépare et nécessite un travail de documentation rigoureux pour surmonter les réticences judiciaires et étayer son dossier documentaire fiscal.

Pour ce faire, selon les juges, la démonstration de l’originalité passe nécessairement par la communication d’un code source, car « seul le code source permet de connaître les choix précis du programmeur qui ont présidé à la mise en forme qui constitue le siège de l’originalité d’un logiciel ».

Cette simple communication de code ne sera toutefois pas suffisante pour répondre au critère d’originalité ! D’ailleurs, la question même de cette communication se posera si le logiciel à protéger est développé en No Code (c’est-à-dire avec de nouvelles techniques masquant le code). Cette absence de code ne devrait pas, en tant que telle, l’exclure du principe même de la protection. Pour autant, à ce jour, la question de l’originalité d’un logiciel en No code ne semble pas avoir été traitée par les juridictions.

Le cœur de la démonstration de l’originalité devra donc notamment reposer sur :

  • La fourniture d’informations relatives à la conception préparatoire (cahier des charges, spécifications) ;
  • L’explication de l’originalité dans le cadre des choix effectués concernant la composition et dans la structure du programme ;
  • Mais également la preuve des choix concernant l’infrastructure et de l’interopérabilité ou non du logiciel.

Ce dossier documentaire pourra également être complété en utilisant des éléments non protégeables par le droit d’auteur, tel que :

  • Les choix de langages ;
  • Les raisons de mise en œuvre des fonctionnalités ;
  • Les raisons des interactions des champs et des tables et/ou des fonctionnalités entre elles, etc. ;

Ces éléments, pris isolément et en tant que tels, ne permettent pas de justifier l’originalité du logiciel alors que combinés et associés à un dossier étayé et complet, ils permettront de créer un faisceau d’indices en faveur d’une possible protection.

En pratique, l’idéal est de rassembler tous ces éléments au fur et à mesure du développement du logiciel. Ce travail en amont doit s’effectuer en collaboration entre l’avocat et le(s) développeur(s). Ce travail d’équipe permettra d’anticiper la protection et de sécuriser efficacement le logiciel afin de mieux le valoriser.

Expertise rédigée par Me Aurélie BOURGAULT et Me Alison POLLET, avocates au barreau de Rennes.

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