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Legal design : le droit d’être compris

Rendre le droit plus accessible tout en conservant le même niveau de rigueur, mission impossible ? Pas avec le legal design qui vise à rendre le droit plus facilement compréhensible. Plus précisément, quelle est cette méthodologie que juristes et avocats pratiquent de plus en plus ?  

Cassandre Tinebra, juriste spécialiste du legal design

Cassandre Tinebra, juriste spécialiste du legal design

« Un fossé s’est créé entre les professionnels du droit et les clients ou consommateurs », constate Cassandre Tinebra, juriste spécialiste du legal design, formée à la faculté de droit à Rennes. « Un changement de paradigme s’opère. Les juristes prennent en compte leur cible. Jusqu’à présent, l’enjeu était surtout de transmettre de l’information juridique pour se protéger d’un éventuel contentieux, pas tellement pour être compris ou lu », ajoute la juriste qui a fondé l’agence WALD qui propose des solutions juridiques innovantes.

Le langage juridique clair

Contrairement à une idée reçue, le legal design ne se cantonne pas à créer des infographies. Loin de là. Cela va de la façon de rédiger un mail à la création d’un chatbot ou d’un podcast, en passant par la production de documents juridiques. Un des fondements du legal design est le langage juridique clair, qui permet de conserver la rigueur du droit tout en étant intelligible par le commun des mortels. Le barreau du Québec a proposé un lexique. Les latinismes y sont, par exemple, bannis et remplacés par des équivalents en français.

L’utilisation du legal design en entreprise

En entreprise, les juristes aspirent à ce que les collaborateurs (les juristes les appellent les clients internes) montent en compétence pour éviter les questions récurrentes ou les sollicitations trop tardives. Le legal design est un levier pour former et diffuser une culture juridique.
Si un directeur juridique veut mettre en place une approche legal design, quelles sont les premières choses à faire ?

Les conseils de Cassandre Tinebra :

•    Faire un état des lieux : où sont les questions répétitives ?
•    Aller à la rencontre des clients internes pour écouter les besoins
•    Se mettre à la place de l’interlocuteur et ne pas surcharger son discours avec du jargon.

Se différencier de la concurrence

Anne-Hélène Hamonic, de l’agence rennaise Facilaw

Anne-Hélène Hamonic, de l’agence rennaise Facilaw

Anne-Hélène Hamonic, de l’agence rennaise Facilaw observe un réel intérêt de la part des avocats. Elle explique : « Le legal design peut s’appliquer aux conventions d’honoraires ou aux livrables pour les clients. Un avocat peut faire une consultation classique et envoyer l’équivalent en legal design, par exemple « les 5 points à retenir ». L’approche permet de se différencier d’autres cabinets, pour recruter notamment. »

 

 

 

 

Côté juristes, Cassandre Tinebra confirme cette vision du legal design comme avantage concurrentiel. « Entre une marque qui a des conditions générales de vente claires et facilement accessibles, et une autre, il y a de fortes chances pour que les clients optent pour la transparence. La réglementation elle-même impose plus de transparence. Le RGPD s’inscrit dans une démarche de legal design. »

Legal design, une méthodologie en 5 étapes empruntée au design thinking

1.     Phase d’empathie : identifier sa cible et son parcours client. Par exemple, pour des conditions générales de ventes, il faut se poser la question de ce que le client veut trouver en premier.

2.     Définition de la problématique : quel est le besoin précis ?

3.     Idéation : organiser des sessions de brainstorming pour proposer des solutions en sortant des habitudes et en mettant de côté les contraintes.

4.     Création d’un prototype et test.

5.     Lancement de la solution.

Paroles de juristes

Matthieu Gennot, Directeur Juridique Adjoint & Conformité du Groupe Duval et Délégué AFJE* Bretagne et Pays-de-la-Loire (bureau de Rennes)

Matthieu Gennot, Directeur Juridique Adjoint & Conformité du Groupe Duval et Délégué AFJE* Bretagne et Pays-de-la-Loire (bureau de Rennes)

Matthieu Gennot, Directeur Juridique Adjoint & Conformité du Groupe Duval et Délégué AFJE* Bretagne et Pays-de-la-Loire (bureau de Rennes) « La pratique va naturellement se généraliser. Dans un environnement où les réglementations sont nombreuses et complexes, le juriste d’entreprise aura un rôle majeur dans les années à venir. Il sera de plus en plus associé à des “projets transverses” à l’entreprise, et aura ainsi vocation à être au contact de nombreuses fonctions. Le legal design sera un outil précieux pour l’accompagner dans sa dimension “pédagogique” de synthèse et de vulgarisation. Les juristes ne doivent pas hésiter à essayer par eux-mêmes et à se former. En utilisant le legal design, l’ensemble de l’entreprise est gagnant : le juriste (qui gagne en efficacité dans sa communication), son interlocuteur (qui accepte et comprend mieux une “contrainte” juridique) et l’entreprise (dont les équipes ont intégré la dimension “juridique” et/ou le risque juridique potentiel dans leurs activités et processus). »

 

 

Mélanie Morvan, responsable du service contentieux à la CPAM Ille-et-Vilaine

Mélanie Morvan, responsable du service contentieux à la CPAM Ille-et-Vilaine

Mélanie Morvan, responsable du service contentieux à la CPAM Ille-et-Vilaine
« Nous pratiquons le legal design assez naturellement au sein du service. Face à des assurés en audiences, nous devons vulgariser la législation pour une meilleure compréhension des décisions rendues. Il en va de même lorsque nous accueillons des personnes externes ou nous adressons à des collaborateurs non-juristes en interne. »

* Association Française des juristes d’entreprise

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