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Conseil de prud’hommes : audience solennelle de rentrée

Le 19 janvier, le conseil de prud’hommes a fait sa rentrée devant une salle comble. Le président Christian Degny, représentant des employeurs, et son vice-président François Belloir, représentant des salariés, ont dévoilé le bilan de l’année écoulée et fait le point sur la situation de l’institution.

Florence Laplanche, directrice des services de greffe judiciaires, Christian Degny, président du conseil de prud'hommes, François Belloir, vice-président du conseil de prud'hommes de Rennes

Florence Laplanche, directrice des services de greffe judiciaires, Christian Degny, président du conseil de prud'hommes, François Belloir, vice-président du conseil de prud'hommes de Rennes

La salle d’audience déborde ce 19 janvier. Parmi les conseillers prud’homaux venus en nombre, près de la moitié font leur premier pas au sein de la juridiction. Et c’est naturellement vers eux que vont les premiers mots du président.« Rappelons tout d’abord que notre mission première est de participer à concilier les parties (…) trouver de bons accords pour éviter les procédures qui laisseront souvent un goût d’amertume ». En 2023, le conseil de Prud’hommes de Rennes compte 114 conseillers (dont 46 nouveaux arrivants) et 8 fonctionnaires. « Nous sommes en flux tendu », déplore François Belloir.

« Nous sommes en flux tendu »

Près de 70% des dossiers concernent les sections commerce et encadrement

L’an dernier, la justice prud’homale de la Cour d’appel de Rennes a enregistré précisément 933 saisines nouvelles, soit 24 de moins qu’en 2021. 70 % des dossiers concernent les sections commerce et encadrement. Les délais restent longs avec une moyenne de 13,4 mois, mais diminuent par rapport à 2021 où la durée s’élevait à 14,8 mois. De fait la juridiction de Rennes est réputée pour son efficacité, notamment dans sa mission de conciliation. En effet, alors que le chiffre ne dépasse pas 10% au national, à Rennes, 20% des dossiers parviennent à une conciliation, permettant aux parties de s’entendre sur une solution mettant fin aux litiges. Concernant le taux d’appel, il n’est que de 38% en 2022, très en dessous de la moyenne nationale qui s’élevait à 63% en 2020.

Des causes de contentieux stables

Sans surprise, les principales sources de contentieux restent les contestations de rupture de contrat. « Cela peut être des différends sur la qualification du licenciement : faute simple, grave, économique… précise François Belloir. Ils concernent aussi des déclarations d’inaptitude. Dans ce dernier cas, il arrive que le salarié accuse son employeur de ne pas avoir respecté ses obligations de santé et de sécurité. Nous sommes également saisis pour des cas de harcèlement moral ». Certains comportements vis-à-vis des femmes font également encore débat, comme s’en indigne le président Christian Degny. « Je voudrais insister pour dire que les comportements sexistes, les propos sexistes et parfois le harcèlement sexuel, qui semblent rester une banalité pour un certain nombre d’acteurs de la vie de l’entreprise, n’en est pas une et que ces types de comportements, s’ils sont vérifiés, doivent être jugés, dans le respect des textes, avec fermeté et sévérité. » L’article 4 de la loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022 pourrait également amener de nouveaux contentieux dans les mois à venir, car il redéfinit les conséquences de l’abandon de poste. Il prévoit qu’un salarié qui abandonne son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure par l’employeur peut être considéré comme démissionnaire, et de ce fait ne touchera pas d’indemnités Pôle emploi .

« seulement 38% des 60/64 ans sont en activité »

Employabilité des séniors

Le président Degny a profité de cette audience de rentrée pour s’exprimer sur l’emploi des séniors, faisant ainsi référence à la réforme des retraites. « Il reste dans les défis qui sont posés à réaliser un effort conséquent dans le domaine de l’employabilité des séniors dont seulement 38% des 60/64 ans sont en activité. Trop d’idées préconçues restent encore enracinées. Tous les acteurs économiques doivent faire un véritable effort pour changer leurs logiciels de pensée et arrêter de croire que l’on fait avancer les choses en se contentant de faire des « entretiens de fin de carrière » à partir de 45 ans. À l’heure actuelle, le défi numéro 1 de l’entreprise c’est le recrutement et cet enjeu est devenu vital. »

« Le droit social français, que l’on croit souvent favorable au regard de celui de nos voisins européens, s’avère en réalité moins disant »

Temps de travail, le droit européen plus favorable

François Belloir a rappelé dans son allocution le manque de cohérence, parfois, avec le droit européen « Il est un domaine dans lequel le droit social français, que l’on croit souvent favorable au regard de celui de nos voisins européens, s’avère en réalité moins disant : il s’agit du temps de travail. » Effectivement selon le droit français, les heures d’astreinte, par exemple, ne sont jamais considérées comme du temps de travail effectif en dehors des heures d’intervention. Cependant, une récente décision de la Cour de cassation, datant du 22 octobre 2022, a changé la donne en invitant les juges à vérifier au cas par cas si l’astreinte peut être considérée comme du temps de travail en fonction des contraintes imposées et de la possibilité pour le salarié de mener des activités personnelles.
Autre exemple : le temps de trajet d’un salarié itinérant. La Cour de Justice de l’Union européenne qualifie ce temps de temps de travail effectif contrairement au droit français. Or, dans un arrêt en date du 22 novembre 2022, la Cour de cassation a considéré que le temps de trajet domicile-premier client et dernier client-domicile, d’un salarié itinérant peut être du temps de travail effectif. « Même si la jurisprudence récente de la Cour de cassation est en train d’évoluer pour se rapprocher du droit de l’Union, le législateur serait bien inspiré de mettre en conformité la jurisprudence ou les directives européennes avec le droit français » a martelé le vice-président.

Équilibre vie privée, vie perso, le président appelle les conseillers à la vigilance

S’il est un sujet d’actualité, qui occupe beaucoup les DRH, c’est la profonde modification de la relation au travail, notamment après la crise de la COVID19. Pour Christian Degny, cette nouvelle attitude doit être analysée avec soin « Si la recherche d’une conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle apparait comme une évidence pour la totalité d’entre nous et, quelles que soient nos sensibilités, il serait regrettable de constater que cette dernière ne devienne plus que la seule priorité et au détriment de la valeur travail. Notre société y aurait beaucoup à perdre. J’entendais, ces jours-ci, dans une émission de télévision de grande écoute, un sociologue forcément à la mode, déclarer une de ces formules à l’emporte-pièce, à savoir que le « travail tue ». Je voudrais pouvoir lui dire que de ne pas en avoir, tue aussi. » Le président a appelé ses conseillers prud’hommes à « rester vigilants dans leurs décisions, de veiller à une bonne application du droit, tout en ayant conscience de la réalité du terrain et du devoir que nous avons de ne pas être hors-sol. »

Manque chronique de moyens humains et techniques

Le conseil de Prud’hommes n’échappe pas aux manques de moyens dénoncés par l’ensemble des personnels de la justice « La fusion en 2020 des Greffes du Tribunal Judiciaire et du Conseil de prud’hommes dans le cadre de la loi de programmation 2018-2022 s’est traduite par une réduction des effectifs qui nuit au bon fonctionnement de notre juridiction. Le Conseil de prud’hommes de Rennes ne fait pas exception », indique François Belloir. Et d’égrener une liste édifiante, illustrant le fonctionnement au quotidien de la juridiction « Personnel de Greffe équivalent temps plein en nombre insuffisant, astreintes du Greffe au Tribunal Judiciaire impactant l’activité du Conseil de prud’hommes, obsolescence des outils informatiques, absence de boîte mail de fonction pour les conseillers, accès à internet restreint, moyens visios inexistants, code du travail et Code de procédure civile en petit nombre, absence d’imprimante pour les présidents d’audience, diminution du nombre de salles de délibéré. ».

« Rapport des États Généraux de la Justice », déception pour les prud’hommes

Christian Degny a exprimé sa surprise de ne pas retrouver les recommandations qui avaient été faites par les organisations professionnelles d’employeurs et de salariés lors de la préparation des États Généraux de la Justice. Parmi les propositions qui avait fait consensus sur un rapport unique de recommandations : revoir la répartition des sièges entre Sections et mieux les adapter aux structures économiques, augmenter sensiblement les personnels de Greffe, revoir l’indemnisation des conseillers prud’homaux, augmenter le temps accordé aux rédactions de jugements qui est trop court, faire des présidents et vice-présidents de CPH de véritables chefs de juridiction avec des moyens budgétaires, sanitaires et disciplinaires, organiser une conférence des présidents et vice-présidents qui serait un lieu d’échanges et d’harmonisation des pratiques sur l’ensemble du territoire. « (…) accélérer le traitement de nos affaires ne pourra se faire qu’en allouant des ressources et des moyens adéquats à notre fonctionnement. »



Une charte avec le barreau de Rennes

Une charte de bonne conduite vient d’être signée par le conseil de prud’hommes et le barreau de Rennes avec pour finalité la sécurisation des échanges. Une Charte qui réjouit les président et vice-président du conseil « Nous avons une mission étroitement mêlée et chaque fois que nécessaire, nous devons dialoguer, nous rencontrer pour harmoniser nos fonctionnements et comprendre nos pratiques ».

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