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Pénurie de matériaux : Des entreprises du bâtiment à l’arrêt

Depuis janvier 2021 c’est une fuite en avant, et la FFB alarme. Les prix de certains matériaux ont explosé en quelques mois, de +50 à +100%, pour l’acier et le bois notamment. Une période d'anxiété très forte pour les entreprises du bâtiment qui ne peuvent honorer les chantiers. Un comble alors que les carnets de commandes sont pleins.

Pénurie matériaux

De gauche à droite : Yann Dubois, Germain Daniel, Xavier Champs, Éric Dubost et Philippe Lelièvre © LM - 7 Jours

La loi du marché devient sauvage

En novembre 2020, une poutrelle IPN en acier s’achetait 613 €/T, en juin 2021 c’est 1021 €/T : + 66 % » indique, pragmatique, Germain Daniel, gérant de Daniel Constructions à Roz-Landrieux, 27 salariés. « Couverture, bardage, les hausses des prix des matériaux sont telles que l’on ne peut plus honorer des chantiers. »

« On prend sur nos stocks depuis janvier dernier, » renchérit Éric Dubost, gérant de CCL Construction, 50 salariés. « Nos fournisseurs en bois, les scieries en Forêt noire en Allemagne, nous annoncent + 80 % d’augmentation, du jour au lendemain. Et finalement les lots partent aux USA… La loi du marché devient sauvage. Et la ressource européenne en bois est pillée à coup de dollars. »

Les fournisseurs dépassés

Les échanges sont frappants et nombreux entre les dirigeants d’entreprises du bâtiment réunis mi-juin par la FFB, Fédération du Bâtiment en Bretagne et d’Ille-et-Vilaine. L’un évoque ainsi l’exemple de ce bateau chargé de bois venant du Brésil. À peine après avoir accosté à Nantes, le navire est reparti, direction les USA, sa cargaison ayant été rachetée en cours de route. « Les fournisseurs reviennent sur leur parole, déchirent le contrat, ne livrent pas. » Difficile d’imaginer honorer les contrats en cours, quant à répondre à de nouveaux chantiers… « Je n’ai plus aucun prix de mes fournisseurs, difficile de faire un devis ! » indique Yann Dubois, gérant de La maison Dubois à Sixt-sur-Aff, entreprise bientôt centenaire, 34 salariés.

Répercussion de la hausse sur les clients ?

« Quand la farine augmente, le prix de la baguette aussi. Or là, il faudrait que cette hausse s’arrête à nous ? On est pris dans un étau, on construit à perte pour des projets signés il y des mois. Pour 30 % d’augmentation de matière, on devrait répercuter aussi la hausse au client, soit + 15 %. » Face aux risques de pénalités de retard, ou de ne pouvoir respecter leurs engagements contractuels, les professionnels veulent faire valoir une clause d’imprévision ou réviser les prix auprès des clients, promoteurs, constructeurs, maître d’œuvre. « Si on n’est pas solidaire, tout le monde va y perdre ». Une crise d’une ampleur sans précédent, d’une soudaineté et d’une violence incroyable pour des entrepreneurs pourtant aguerris.

Appel au soutien du gouvernement

La FFB est entrée en négociation avec Bercy. « On demande le gel des pénalités de retard, des marchés publics comme des marchés privés », indique Xavier Champs, président de la FFB35 « On peut aussi actionner le crédit d’impôt, basé sur les augmentations des matériaux. Il risque d’y avoir du chômage partiel pour les salariés, nous demandons une prise en charge à 100 %. Il faut des mesures de soutien de l’État pour passer ce phénomène car nous craignons qu’il s’inscrive durablement. C’est un problème mondial qui ne s’inversera pas du jour au lendemain. »

Facteurs mondiaux

Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette hausse des prix. La crise sanitaire a d’abord désorganisé les filières d’approvisionnement. Ensuite, à la reprise, les plans de relance économique ont fait exploser les demandes. Aujourd’hui l’Asie et les USA accaparent les ressources dans une surenchère de prix. Rappelons aussi que l’ancien président des États-Unis avait décidé de taxer le bois provenant du Canada, poussant à se tourner vers un approvisionnement en provenance d’Europe. À cela s’ajoute qu’il n’y a plus prise sur de nombreux marchés en France : pour l’acier ce sont Mittal et Tata les deux géants indiens qui tiennent les rênes.

Travail à perte

« J’ai un chantier de 2 200 m2 de charpente à faire pour un centre périscolaire en périphérie de Rennes. Je perds 120 000 euros sur la matière ».

« Nous creusons le trou de nos chiffres d’affaires depuis 6 mois. On purge nos capitaux. Le risque c’est de ne pas pouvoir relever la tête en janvier 2022. »

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