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Fraude à la TVA : l’entrepreneur plaide coupable

Poursuivi pour s’être soustrait au paiement de la TVA pendant trois ans, un chef d’entreprise breton a été jugé en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), conseillé par Me Maxime Tessier. L’avocat rennais, spécialiste en droit pénal, revient sur ce dossier. 

Me Tessier dans son bureau à Rennes ©SB_7J

Me Tessier dans son bureau à Rennes ©SB_7J

« Il ne s’attendait pas à ce que cela aille si loin. » Maxime Tessier le sait bien. Les chefs d’entreprises sont des justiciables à haut risque. Le cas de cet entrepreneur breton, qu’il a assisté, en est la parfaite illustration.
Le quinquagénaire, à la tête d’une PME, écope tant bien que mal les difficultés financières. Des créances clients s’additionnent. « La société allait mal, donc il cherchait de la trésorerie. Il utilisait la TVA non payée pour payer les fournisseurs, acheter du matériel, payer les salaires, pas pour s’enrichir, se souvient l’avocat. Il a fait le plus mauvais choix qu’il pouvait faire. Les chefs d’entreprise sont comme des sportifs de haut niveau mais sans entraîneurs, et souvent très seuls dans leur exercice. »
Une procédure de liquidation finit par s’ouvrir. L’administration fiscale déclare une créance. Les comptes sont faits et la dissimulation de chiffre d’affaires mise au jour.

La brigade financière est saisie. « Il est essentiel de se faire assister d’un conseil dès le début, car les déclarations très en amont sont cruciales. Elles vont peser sur la suite, notamment sur la procédure empruntée par le procureur de la République pour juger. En l’espèce, c’était la CRPC ou le tribunal correctionnel », commente Me Tessier.

Reprendre le contrôle sur le risque pénal

©Shutterstock

« Il faut préparer l’audition. Si on décide de coopérer, il ne faut pas le faire à moitié, mais montrer sa volonté de se mettre en conformité, en fournissant des justificatifs et des garanties, voire en remboursant si c’est possible par exemple. » En l’occurrence, l’homme reconnaît les faits devant les policiers. « Nous avons sollicité une CRPC auprès des enquêteurs, ensuite acceptée par le parquet. Nous avons repris le contrôle sur le risque pénal, pour ne pas le subir. » Et de poursuivre : « Je préfère un accord juste et équilibré que le risque d’un mauvais procès. L’autre option est le tribunal correctionnel avec le risque d’image que cela comporte et tout le décorum du tribunal judiciaire. Mon client risquait cinq ans d’emprisonnement, 500 000 euros d’amende, indépendamment des sanctions fiscales qui se cumulent, sans compter les peines complémentaires comme la privation des droits civils et civiques ou l’affichage de la décision ou sa publication. Les chefs d’entreprise ne sont pas mieux traités que les autres. »

 « Les chefs d’entreprise ne sont pas mieux traités que les autres. »

Les échanges avec le parquet

En audience, l’avocat donne des garanties. En l’occurrence, l’entrepreneur est « devenu salarié et travaille pour rembourser ses dettes. Il faut jouer sur la peine privative de liberté, l’amende et sur les interdictions concrètes impactant la vie quotidienne et les interdictions professionnelles. Néanmoins, un équilibre doit être trouvé dans ce que l’on propose afin d’aboutir à un accord avec le procureur et de passer l’épreuve de l’homologation devant un juge. »
Une première proposition du parquet tombe : 18 mois d’emprisonnement avec sursis, une interdiction de gérer pendant cinq ans, l’affichage de l’ordonnance à la DGFIP et une diffusion dans Ouest-FranceAprès négociation, l’avocat obtient la réduction de la peine de sursis à 12 mois. La décision est entérinée en audience d’homologation.
« Avant d’accepter, la seule question à se poser est : qu’est-ce que j’obtiendrais en allant dans un procès classique ? L’audience du tribunal correctionnel peut servir à trancher les vrais désaccords entre la défense et le parquet. »