Des boîtes bleues
« Je me souviens du camion bleu dans le jardin de mes grands-parents. » C’est l’image qui pope quand le nom « Magasins Bleus » est prononcé. Beaucoup se souviennent mais peu connaissent l’historique de cette entreprise phare de l’Ouest, spécialiste de la vente de vêtements à domicile. Lancés en 1943 par Serge Bauché, « l’histoire qui circule, c’est qu’à l’origine, nous avions un magasin de mercerie et textile dans le centre-ville de Rennes, dans lequel étaient exposées des boîtes bleues, disposées dans les devantures des boutiques. Les Rennais ont donc commencé à nous appeler les magasins bleus, commence Marc Elineau, directeur d’exploitation. Après les magasins, les vendeurs ont commencé à effectuer des livraisons en Vespa et triporteur dans les alentours de Rennes. Puis, la demande grandissante et la nécessité de facilité ont fait que les Vespa sont devenus des « Tubes » Citroën, puis des Masters Renault que l’on utilise aujourd’hui. »
Forte de cette nouvelle lancée, l’entreprise s’est adaptée au fil des années et a même racheté son concurrent principal dans les années 2010, Barbe Bleue, dont certains camions sont toujours utilisés.
La Financière des Éparses
Autour des Magasins Bleus, gravite un petit univers. Celui de la Financière des Éparses. Dans ce groupe basé en Vendée, dont Ludovic Samson est le président, se trouvent trois entités :
°Les magasins bleus, entité historique du groupe avec 160 employés pour 10 millions d’euros de chiffre d’affaires ;
°Solfin (85) – 30 employés pour 10 millions d’euros de chiffres d’affaires – et sa marque déposée principale LaFrançaise Mailles in France, proposant des produits de fabrication française premium, uniquement en version digitale ;
°BS Production (14), l’atelier de production textile du groupe, réunissant 30 employés.
« Un peu comme la Poste »
Tout se passe à l’arrière du véhicule. Les vendeurs sillonnent l’Ouest du territoire et vont à la rencontre des clients, directement chez eux. « Nos vendeurs passent environ toutes les six semaines chez leurs clients, sans rendez-vous fixé. Chaque camion a un comptoir de produits, le client va essayer les produits chez lui, puis revient et la vente se fait à l’arrière du véhicule, sur place. » Une méthode qui crée du lien et qui a porté ses fruits : « C’est une démarche sociale avant tout. Nous suivons nos clients pendant très longtemps, certains vendeurs sont dans l’entreprise depuis 40 ans. » Car l’avantage principal, c’est le critère de proximité pour les personnes habitant en milieu rural. « Elles sont contentes de nous voir, nous sommes un peu comme la Poste. »
« Notre activité Silver s’étend à tout le territoire français, soit potentiellement près de 10 000 structures d’hébergement pour personnes âgées. »
Levier de croissance : le marché des seniors
Aujourd’hui, tous les voyants sont au vert pour le marché des séniors, sur lequel les Magasins Bleus approfondissent leur position. Parmi les 80 vendeurs de l’enseigne, une dizaine ont un statut spécial, pour ce secteur nouvellement acquis. « Nous avons lancé cette activité il y a cinq ans et avons commencé à l’organiser il y a trois ans. Les vendeurs développent des animations avec nos produits dans les Ehpad, mais aussi les foyers logements et autres résidences seniors. C’est important, on s’inscrit toujours dans cette valeur de service. Les personnes en perte d’autonomie et les familles aidantes sont un peu désœuvrées et ne savent plus comment équiper leurs proches. Cela permet de garder ces « derniers moments de plaisir ». D’ailleurs, il peut arriver que le vendeur suive un client une bonne partie de sa vie ! »
Si l’activité principale couvre majoritairement l’Ouest de la France, sur le segment « senior » les Magasins Bleus ne connaissent pas de limites. « Notre activité Silver s’étend à tout le territoire français, soit potentiellement près de 10 000 structures d’hébergement pour personnes âgées. C’est notre plus gros levier de croissance. Cela ne représente que 10 % de notre chiffre d’affaires pour le moment, mais nous misons dessus car cela s’intègre bien dans l’ADN des Magasins Bleus. » Et un marché sans beaucoup de concurrents.
Et cette stratégie senior s’oriente aussi pour pallier le manque d’effectif. « À notre apogée, nous avons eu jusqu’à plus de 600 vendeurs dans les années 1990. » L’effectif a baissé pour compter 400 vendeurs au début des années 2010 et 80 aujourd’hui. Une baisse qui s’explique, au-delà des difficultés que rencontre le milieu du textile, par un régime d’emploi compliqué. « L’univers du textile n’est pas très vendeur, sans mauvais jeu de mots. On le voit tous les jours avec les nombreuses liquidations judiciaires des magasins de prêt-à-porter connus. Donc on se distingue, par notre proximité et par notre savoir-faire Français surtout. » D’ailleurs, pour remédier au souci du recrutement, l’entreprise a récemment mis en place une nouvelle stratégie, celle de cibler les vendeurs plus âgés, seniors. « Même si nous avons des vendeurs issus de tous les métiers et de tous les âges, nous avons surtout constaté une augmentation de la moyenne d’âge ces dernières années, qui nous pousse à nous concentrer sur ces tranches d’âge là. Des personnes qui n’ont pas encore atteint la retraite et veulent garder une autonomie financière, ou qui sont déjà en retraite mais qui ont besoin d’un complément de salaire. Cela ne veut pas dire que nous n’embauchons pas de jeunes ! Même si l’appétence des plus jeunes pour les métiers de vendeurs ne semble plus si prononcée », observe le directeur d’exploitation.
« Quand nous baissons de 10 %, le marché du textile baisse de 20 %. Nous tenons bien la barre. »
Le renouveau du textile
Le consommateur achète moins et s’oriente de plus en plus vers de la seconde main. Un changement qui se ressent sur le chiffre d’affaires, en baisse de 10 %. « C’est sûr, nous ne sommes pas les leaders du marché, tels que Kiabi pour la Fast fashion, Décathlon pour le domaine du sport ou Vinted pour la seconde main. Mais nous essayons d’avoir une politique tarifaire correcte et de respecter le portefeuille des clients. Notre distinction, c’est surtout la proximité avec le consommateur, nous nous en sommes bien rendu compte lors du Covid, où nous avons pu continuer de nous rendre chez les clients. » Résultat positif de cette stratégie en un constat simple : « Quand nous baissons de 10 %, le marché du textile baisse de 20 %. Nous tenons bien la barre. »
Pour se démarquer, les Magasins Bleus misent aussi sur le digital. « Nous souhaitons digitaliser notre activité, cela va être le gros enjeu des mois et des années à venir. » Pour le moment, les Magasins Bleus possèdent un site e-commerce mais « qui ne représente quasiment rien en termes de chiffre d’affaires, il sert plutôt de catalogue. Demain, on voudrait avoir, en plus de nos ventes et de notre relation client qu’il faut absolument prolonger, une activité digitale plus forte ».
De nouveaux locaux et un nouveau logo
Déménagement et nouvelle identité
« La vie est une série de changements naturels et spontanés », disait Lao Tseu. Les Magasins Bleus l’ont bien compris. En faisant preuve de résilience, « l’une de nos lignes de conduite avec le social », au fil des années, l’entité a su faire face aux aléas et rebondir. Des magasins, aux Vespa, puis aux « Tubes », en passant par les rachats, il faut pouvoir suivre. « Nos locaux actuels de 3 000 m2 sont beaucoup trop grands et ne sont pas identifiables facilement. Nous souhaitons déménager dans un local plus petit (1 500 m2 NDLR) dans l’Ouest rennais. » Un déménagement accompagné d’une nouvelle identité visuelle. « Notre logo a peu changé depuis la création en 1943 et il n’est pas compréhensible…. Idem pour notre Baseline (« on aime », NDLR). » L’entreprise a donc fait appel à une agence de communication pour l’accompagner dans ce renouvellement. « Changer une identité de 80 ans, cela ne se fait pas du jour au lendemain. » Pour ajouter aux nombreuses évolutions de l’entreprise, le Groupe a décidé d’opter pour un nouveau logiciel ERP identique à toutes les entités.
Facile de produire en France ?
Le souci de beaucoup de fabricants textiles aujourd’hui. Notamment pour fournir des produits dont le prix ne va pas faire fuir le consommateur. « Hormis les fils, toute notre production est française. » Le made in France n’a pas échappé à l’enseigne et l’attente est grande de la part des clients. « La demande est de produire en France, mais aujourd’hui les entreprises n’ont pas la main-d’œuvre pour produire. Il y a des répercussions : les entreprises étrangères n’ont pas les mêmes poids de masses salariales et les charges ne sont donc pas les mêmes. Malgré cela, c’est possible et réalisable pour nous donc cela devrait l’être pour d’autres. » LaFrançaise Mailles in France a d’ailleurs fait plusieurs salons, dont celui du made in France à Paris et le Fêno en Normandie. « Nous proposons des produits fabriqués, non seulement en France, mais dans notre usine, du montage de la collection jusqu’à l’aboutissement, avec le shooting et la mise en commercialisation. »
BONUS
Votre activité préférée ? La course à pied, et plus particulièrement le trail, mais aussi passer du temps avec ma famille et mes amis, et si on peut concilier les deux, c’est encore mieux.
Un endroit pour se ressourcer ? Une île en Bretagne, plus particulièrement l’île d’Arz ou l’île de Batz.
Une musique à conseiller ? Phoenix avec le titre « Lisztomania ».
Un conseil pour bien vendre ? Être actif et bien écouter les clients.
Un vêtement de votre enseigne à conseiller ? Toutes les collections « L’Atelier de Louise » et, bien sûr, les pulls LaFrançaise mailles in France fabriqués dans notre usine.
Un souvenir marquant ? Les 50 ans des Magasins Bleus, fêtés au Mont Saint-Michel. Nous avons aussi été partenaire du Tour de France.
Votre leitmotiv ? Être enthousiaste, tout simplement.