À l’instar de sa voisine, Nantes, déjà concernée depuis la mise en application de la loi de 2014 pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové (ALUR), la Ville de Rennes – ainsi que de nombreuses Communes bretonnes, principalement littorales – a basculé dans le périmètre juridique des villes classées en « zone tendue ». Dans ces conditions, c’est l’ensemble des logements situés sur son territoire qui est impacté par le régime juridique de la zone tendue.
Qu’est-ce qu’une zone tendue au sens de la loi ?
La zone tendue est définie par l’article 232 du Code général des impôts relatif au champ d’application de la taxe annuelle sur les logements vacants.
Il s’agit d’une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social.
Le critère du nombre d’habitants de la zone d’urbanisation n’est pas exclusif puisqu’une Commune peut aussi relever du périmètre d’application de la taxe dès lors qu’elle réunit les critères susvisés et qu’elle connaît des difficultés sérieuses d’accès au logement, qui se caractérisent en plus par une proportion élevée de logements affectés à l’habitation autres que ceux affectés à l’habitation principale par rapport au nombre total de logements.
Plus concrètement, la zone tendue se caractérise par une forte tension immobilière du marché local, une demande de logements importante au regard de l’offre, un niveau élevé des loyers ou des prix d’achats ainsi que par une proportion élevée de résidences secondaires par rapport au nombre total de logements.
Désormais, Rennes, certaines Communes de la Métropole Rennaise (dont Bruz, Cesson-Sévigné, Pacé, Saint-Grégoire, Saint-Jacques-De-La-Lande, etc.), ainsi que de nombreuses Communes littorales des départements bretons, telles que Saint-Malo, Dinard, Carnac, etc. sont concernées.
Ce qui va changer pour les propriétaires et les locataires de ces logements
Outre des conséquences juridiques et fiscales pour les propriétaires et les locataires, la situation de la Ville en zone tendue a des implications contentieuses en matière d’urbanisme notamment.
Préavis réduit du bail du locataire
Tandis que, en principe, le locataire doit respecter un délai de préavis de 3 mois en matière de résiliation d’un bail de location non-meublé, le classement de la Commune en zone tendue a une incidence sur le délai de préavis, lequel est désormais réduit à 1 mois (articles 15 et 17 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs).
Le locataire qui souhaite bénéficier du délai réduit de préavis doit préciser le motif invoqué et le justifier au moment de l’envoi de la lettre de congé. Il doit ainsi expressément faire figurer le fait que le logement se situe en zone tendue (à ce titre, il peut s’appuyer sur l’annexe du décret de 2013 listant les Communes dans lesquelles il s’applique). À défaut, le délai de préavis applicable à ce congé est de trois mois.
Règles de fixation des loyers
La situation du logement dans une Commune classée en zone tendue implique aussi, dans le cadre d’une nouvelle location ou d’un renouvellement de bail, la fixation d’un montant maximum d’évolution des loyers des baux des logements nus ou meublés. La fixation du loyer est encadrée et lorsqu’un logement vacant fait l’objet d’une nouvelle location, le loyer du nouveau contrat de location ne peut excéder le dernier loyer appliqué au précédent locataire.
Néanmoins, ces dispositions ne s’appliquent pas s’agissant des logements :
- faisant l’objet d’une première location
- inoccupés par un locataire depuis plus de dix-huit mois
- ayant fait l’objet depuis moins de six mois de travaux d’amélioration d’un montant au moins égal à la dernière année de loyer.
Dans cette hypothèse, le loyer peut être fixé ou réévalué librement.
Le décret permet des adaptations concernant l’augmentation ou la réévaluation du loyer :
- si le dernier loyer appliqué au précédent locataire est manifestement sous-évalué
- si le bailleur a réalisé, depuis la conclusion du contrat de location initial avec le précédent locataire ou, au cas où le bail a été renouvelé, depuis son dernier renouvellement, des travaux d’amélioration ou de mise en conformité avec les caractéristiques de décence définies par les textes, portant sur les parties privatives ou sur les parties communes pour un montant au moins égal à la moitié de la dernière année de loyer.
Assujettissement à la taxe sur les logements vacants
La taxe annuelle sur les logements vacants est une taxe locale applicable exclusivement en zone tendue (article 232 du Code général des impôts). Ainsi, un bien ne peut pas être taxé à ce titre, dès lors que la Commune ne relève pas du champ d’application de l’article susvisé. Il n’en va toutefois pas de même de la taxe d’habitation sur les logements vacants, laquelle peut être appliquée hors zone tendue.
Cette taxe est acquittée par les propriétaires, pour chaque logement à usage d’habitation (clos, couvert et disposant des éléments de confort minimum) vacant depuis au moins un an, au 1er janvier de l’année d’imposition, à l’exception des logements détenus par les organismes HLM et les sociétés d’économie mixte et destinés à être attribués sous conditions de ressources.
La taxe n’est toutefois pas due en cas de vacance indépendante de la volonté du contribuable, pour les logements occupés au moins 90 jours consécutifs, s’agissant de logements qui exigeraient des travaux importants pour être habitables ou encore pour les logements constituant des résidences secondaires meublées soumises à la taxe d’habitation.
L’assiette de la taxe est constituée par la valeur locative du logement (son taux est fixé à 17 % la première année d’imposition et à 34 % à compter de la deuxième).
Si vous êtes propriétaire d’un local d’habitation, vous devez effectuer une déclaration d’occupation auprès des services fiscaux et, à compter de 2024, vous devrez déposer une déclaration, chaque année avant le 1er juillet, si des changements sont intervenus depuis votre précédente déclaration, étant précisé que vous encourez une amende de 150 € en cas de non-déclaration.
Majoration de la taxe d’habitation pour les résidences secondaires
Dans les communes classées en zone tendue, une majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l’habitation principale – d’un pourcentage compris entre 5 % et 60 % – peut être décidée.
Cette majoration n’est toutefois pas applicable dans toutes les Communes situées en zone tendue : elle doit avoir été votée par délibération du Conseil municipal et le produit de la surtaxe est versé à la Commune l’ayant instituée.
Des dégrèvements de la majoration sont prévus, sur réclamation (personnes contraintes de résider dans un lieu distinct de celui de leur habitation principale s’agissant d’un logement situé à proximité du lieu où elles exercent leur activité professionnelle ; personnes qui, pour une cause étrangère à leur volonté, ne peuvent affecter le logement à un usage d’habitation principale ; etc.).
C’est dans ce contexte que, au mois de septembre 2023, de nombreux Conseils municipaux (pour exemple, ceux des Communes de Gâvres, Le Palais, Riantec, etc.) ont décidé de voter l’augmentation de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires à hauteur de 60 %.
Abattement exceptionnel sur les plus-values immobilières en faveur de la construction de logements en zone tendue
En vue d’accélérer le rythme de construction dans les zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre particulièrement important entre l’offre et la demande de logements et afin de répondre aux besoins démographiques, il a été instauré un abattement exceptionnel de 70%, applicable pour la détermination de l’assiette imposable des plus-values de cessions réalisées sur des terrains à bâtir et des immeubles bâtis, situés dans les zones A bis et A (définies à l’article R. 304-1 du Code de la construction et de l’habitation, dont le champ d’application vient d’ailleurs d’être étendu par arrêté du 2 octobre 2023 aux villes de Brest, Vannes, Quimper ou encore Lorient), lorsque l’acquéreur s’engage à démolir les constructions existantes pour reconstruire des logements, dès lors que ces terrains ou immeubles bâtis sont situés en zone tendue.
Cet abattement peut être majoré à 85 % si des logements sociaux représentent au moins 50 % de la surface totale des constructions.
L’abattement ne s’applique toutefois pas si la vente est réalisée par le cédant au profit de son cercle familial.
Les travaux de construction doivent être achevés dans un délai de 4 ans à partir de la date d’acquisition.
Suppression de l’appel en matière de contentieux de l’urbanisme
Afin d’accélérer le traitement des contentieux portant sur des projets de construction situés en zone tendue, la suppression du degré d’appel en matière d’urbanisme a été étendue aux recours introduits jusqu’au 31 décembre 2027 (sans que soit méconnu le principe d’égalité entre les requérants dont les recours portent sur des projets situés – ou non – en zones tendues : CE, 14 juin 2023, req. n°466933).
Cette disposition concerne principalement les permis de construire ou de démolir un bâtiment comportant plus de deux logements, les permis d’aménager un lotissement, les décisions de non-opposition à une déclaration préalable autorisant un lotissement ou les décisions portant refus de ces autorisations, pour les projets implantés en tout ou partie sur le territoire d’une Commune située en zone tendue (article R. 811-1 du Code de justice administrative), mais également depuis peu le recours contre les prescriptions d’un permis de construire (CE, 2 juin 2023, req. n°461645).
Désormais, le Tribunal administratif de Rennes est compétent en premier et dernier ressort pour connaître de tels contentieux.
La mise en œuvre de l’ensemble de ces mécanismes devrait ainsi permettre de diminuer et d’encadrer le coût des habitations, d’en favoriser la construction et, plus globalement, de faciliter l’accès à des logements dans différents secteurs du territoire breton au sein desquels l’offre est insuffisante.
Par Me Marie-Bénédicte LUSTEAU, avocat au barreau de Rennes.