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Optimiser la cession d’une entreprise grâce à la procédure d’ open bid (ou enchères privées)

La cession de la majorité du capital ou l’ouverture du capital est une étape clef de la vie d’une entreprise et de ses associés.

Me Michel-Pierre Lanternier avocat au barreau de Rennes

Me Michel-Pierre Lanternier avocat au barreau de Rennes

Les cabinets d’avocats dits « d’affaires » sont les interlocuteurs privilégiés des vendeurs sur les questions juridiques et fiscales liées à la mise en œuvre de ces opérations (rédaction et négociation des contrats, régime fiscal des plus-values de cession, etc.). Mais avant la mise en œuvre, il convient de s’arrêter sur la stratégie de cession et les différentes options possibles pour que le vendeur ou l’associé majoritaire soit dans la meilleure position possible, tout au long de la négociation.

Qu’est-ce qu’une procédure d’ « open bid » ou « enchères privées » ?

Il s’agit d’une procédure de mise en concurrence de plusieurs acquéreurs potentiels. Au lieu de négocier directement avec un acquéreur identifié, le vendeur va « intermédier » la vente. Cela signifie qu’il va recourir à un intermédiaire spécialisé pour mettre plusieurs candidats acquéreurs sur une même ligne de départ. Pour les ventes d’entreprises d’une taille significative, ce processus est quasi systématique. Il existe un véritable marché de l’intermédiation avec ses acteurs, ses pratiques, etc.

Ce processus est également utilisé par certaines entreprises qui cherchent à ouvrir leur capital à des investisseurs. Dans cette hypothèse, l’open bid va permettre de sélectionner des candidats investisseurs.

Pourquoi le processus de vente classique avec des négociations de « gré à gré » entre un vendeur et un acquéreur identifié n’est pas toujours favorable aux vendeurs ?

Le risque de ces processus classiques est que la négociation soit principalement à la main de l’acquéreur qui impose son calendrier, ses conditions, etc. À l’inverse, le vendeur est passif et subit le rythme qui lui est imposé.

À mesure que le temps passe, le vendeur, qui est parfois pressé de vendre, se retrouve dans une position de faiblesse vis-à-vis de l’acheteur. Sans compter la surcharge de travail liée à la négociation, la lassitude du vendeur et les aléas du deal : par exemple si au bout de six ou neuf mois de discussion, l’acquéreur n’obtient pas son financement, il faut repartir de zéro !

Quels sont les principaux avantages de l’open bid ?

Le principal avantage consiste à créer un rapport de force favorable au vendeur. Puisque les candidats acquéreurs savent qu’ils sont en concurrence avec d’autres, ils vont formuler leur meilleure offre dans l’espoir d’emporter la mise. Mais surtout, ce rapport de force est maintenu jusqu’à ce que l’accord des parties soit contractuellement figé. Cela met le vendeur à l’abri contre les négociations de dernière minute qui lui sont généralement défavorables.

Quels sont les bénéfices de cette mise en concurrence pour le vendeur ?

Le premier bénéfice pour le vendeur est bien entendu d’obtenir le meilleur prix de vente pour la société. Chaque acquéreur est incité à formuler sa meilleure offre de prix pour optimiser ses chances d’être sélectionné par le vendeur et ses conseils. Par ailleurs, le paiement effectif de 100% du prix au jour de la cession est généralement la norme (pas de complément de prix ou de crédit-vendeur).

Mais au-delà du prix de cession en lui-même, ce sont toutes les conditions de la vente qui vont être plus favorables au vendeur. En effet, les candidats acquéreurs savent que la sélection de leur offre dépend de l’ensemble des conditions offertes au vendeur : limitations des garanties de passif, modalités de l’accompagnement du vendeur, clause de non-concurrence, etc.
Enfin, le vendeur garde une certaine maîtrise du calendrier : il détermine la durée des audits d’acquisition (due diligence), la date de remise des offres par les candidats acquéreurs et la date de cession. Là encore, on voit que concrètement, le rapport de force est inversé.

La mise en place d’une procédure d’open bid n’est-elle pas trop lourde ? Dans le cas d’une PME ou d’une ETI, ne serait-il pas plus rapide de négocier directement avec un acquéreur identifié ?

Pour mettre en place un open bid, il faut effectivement compter plus de temps de préparation en amont (travail avec l’intermédiaire et avec les avocats, recherche d’acquéreurs potentiels, organisation de l’information sur la société cible, etc.). En revanche, une fois que la procédure est lancée en tant que telle, le déroulement jusqu’au closing est plus rapide. Ainsi la phase de préparation permet d’accélérer et de sécuriser la phase d’exécution.

Par ailleurs, pour les entreprises plus petites, il existe des procédures allégées.

Le processus d’open bid est-il réservé à un type particulier de vendeur ?

L’open bid convient parfaitement pour tout type de vendeur : Groupe de sociétés, entreprise familiale, fonds d’investissement ou associé-personne physique.

Qui sont les intermédiaires qui gèrent les processus d’open bid ? Quel est leur rôle ?

Il existe plusieurs types d’intermédiaires en fonction de la taille de la société vendue et des spécificités de la vente : banques d’affaires indépendantes ou affiliées à des banques, équipes Corporate Finance de cabinets d’audit ou de conseil, avocats d’affaires et intermédiaires locaux.

Le rôle de l’intermédiaire est de préparer la vente, d’organiser l’information mise à disposition des candidats acquéreurs, d’identifier les candidats acquéreurs et de les approcher. L’intermédiaire va ensuite être en charge de gérer le processus de vente. Il va jouer le rôle du « chef d’orchestre » jusqu’au jour du closing.

Pour autant, l’intermédiaire n’est pas un spécialiste du droit ou de la fiscalité. Il ne se substitue pas aux avocats d’affaires qui conseillent les parties et négocient les contrats. Leurs rôles sont complémentaires.

Comment préparer un open bid ?

Sur le fond, il y a d’abord la préparation de la vente avec les conseils habituels du vendeur. Comme dans le cas de n’importe quelle vente classique, il faut anticiper au maximum les différents sujets : identification des problématiques spécifiques de la société cible et des solutions à y apporter, anticipation des questions liées aux plus-values de cession avec un avocat fiscaliste, etc.

Ensuite, il va falloir collecter tous les documents et informations sur la société cible. En fonction de l’organisation interne de la société cible, cela peut prendre du temps, d’autant qu’en général les salariés de la société cible ne sont pas encore informés du processus.

Ensuite, l’intermédiaire va organiser la diffusion de l’information aux candidats acquéreurs. Cela passe notamment par la rédaction d’un mémorandum d’information et par la constitution d’une data room regroupant les principales données sur la société cible. En effet, si on souhaite que les candidats acquéreurs formulent une offre très aboutie, il convient de mettre à leur disposition des informations précises sur la société cible.

Quel serait votre dernier conseil pour engager une procédure d’open bid ?

Anticiper ! Comme on l’a évoqué, pour mener à bien un open bid, il faut anticiper au maximum. Le vendeur doit donc initier les démarches nécessaires le plus tôt possible pour mener sereinement la phase de préparation.

Les avocats sont vos interlocuteurs privilégiés pour vous assister dans la définition de la meilleure stratégie de cession.

 

Par Me Michel-Pierre Lanternier avocat au barreau de Rennes.

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