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Reprise « en douceur » d’activité

Le tribunal de commerce de Rennes craint une explosion des défaillances dans les mois qui viennent !

Le tribunal de commerce de Rennes craint une explosion des défaillances dans les mois qui viennent !

Alors que l’économie du pays est à l’arrêt depuis près de deux mois, le tribunal de commerce de Rennes, qui a repris ses activités le 1 er avril dernier, ne constate pas de hausse de sollicitations. Un phénomène qui s’explique par une attente des chefs d’entreprise qui ne savent pas très bien où ils en sont, ni où ils vont. Une situation qui pourrait bien, hélas, ne pas durer.

« Avec la fermeture administrative, les commerces n’ont plus de recettes mais ont réussi à contenir leurs dépenses du fait des reports de charges et de la suspension des loyers. Mais ça ne va pas durer » estime François Flaud, le président du tribunal de commerce de Rennes qui craint « une explosion des défaillances avec la réouverture des commerces ».

François Flaud, le président du tribunal de commerce de Rennes.

Dans un courrier adressé à des parlementaires d’Ille-et-Vilaine, le président du TC de Rennes suggère « de déclarer cette période exceptionnelle comme « couverte par la force majeure » afin d’éviter aux tribunaux de commerce et aux tribunaux judiciaires d’être noyés sous un flot de contentieux entre propriétaires et locataires »

« Avec la reprise d’activité espérée à compter du 11 mai, les charges vont faire leur retour et bon nombre de délais de paiement accordés durant le confinement devraient être suspendus ». D’où l’apparition de sérieuses difficultés pour les commerces les plus fragiles.

Selon François Flaud « les chiffres d’affaires devraient redémarrer à hauteur de 20 % à 30 % jusqu’à la mi-juillet. Mais il ne faut pas imaginer que l’activité va repartir comme avant. Tout va dépendre de la reprise « espérée en septembre ». Si le chiffre d’affaires remonte, ça ira. Dans le cas contraire et si une nouvelle vague de Covid-19 arrive, on peut craindre le pire, avec une forte hausse du chômage ».

Petite lueur d’espoir dans ce sombre tableau : l’extension du Prêt Garanti par l’État (PGE) aux entreprises en redressement judiciaire ou en plan de redressement avant la crise sanitaire.

Tout va dépendre de la reprise « espérée en septembre ». Si le chiffre d’affaires remonte, ça ira. Dans le cas contraire, on peut craindre le pire, avec une forte hausse du chômage.

Ces entreprises, qui en étaient jusqu’alors exclues, vont pouvoir accéder aux prêts bancaires après accord de la BPI et reconstituer leur trésorerie.

Selon le président TC de Rennes « cette disposition devrait éviter bon nombre de transformation de redressements en liquidations judiciaires ».

Tout en saluant, lui aussi, cette mesure, le président de l’UMIH Bretagne (Union des Métiers de l’Industrie Hôtelière) Karim Khan reste malgré tout prudent. « Il reste encore beaucoup de questions en suspens sur la façon dont on va rouvrir notamment, et si les discussions en cours avec Bercy sur le sujet n’avancent pas, on va à la catastrophe.

Restaurateurs, cafetiers et hôteliers veulent rouvrir et travailler. Le plus tôt sera le mieux dans les meilleures conditions sanitaires possible pour leurs salariés et leurs clients ».

Conscients de la situation dramatique dans laquelle se trouvent bon nombre de restaurants, bars et hôtels, les responsables de ce secteur d’activité, actuellement sinistré, demandent en priorité une annulation des charges et non un simple report pour redonner de l’oxygène à des établissements aujourd’hui asphyxiés.

Pour le président du tribunal de commerce de Rennes, « la situation est particulièrement critique dans les centres commerciaux où les commerces, fermés depuis le début de la crise se voient malgré tout contraints par certaines foncières de régler leurs loyers alors que les chiffres d’affaires sont « à zéro » depuis des semaines ».

Une situation dénoncée par de grands patrons bretons comme Brice Rocher (Groupe Rocher) et Roland Beaumanoir (Groupe Beaumanoir) et relayée par de nombreux présidents de régions.

Selon Roland Beaumanoir « les cinq principales foncières implantées sur le territoire français collectent chaque année quelque 4,5 milliards d’euros dont la moitié reversée sous forme de dividendes à leurs actionnaires ».

Dans une lettre adressée, le 14 avril, au ministre des Finances et de l’Économie le président de la région Bretagne, Loïc Chesnais-Girard rappelle que ces commerçants et leurs franchisés emploient, en France, 2,6 millions de salariés. « Derrière leurs enseignes, ce sont des entreprises aux activités diverses (habillement, cosmétique, agroalimentaire, culture, qui font vivre nos territoires et représentent beaucoup d’emplois. Il semble donc particulièrement indécent que certains groupes financiers (qui dégagent de gros bénéfices) ne fassent aucun effort pour abandonner les loyers réclamés aux commerçants et restaurants implantés dans leurs centres commerciaux et correspondant à la période de fermeture » au prétexte d’honorer leurs engagements vis-à-vis d’actionnaires, majoritairement anglo-saxons, hollandais ou australiens.

Pour le président de la région Bretagne « ces groupes financiers, bailleurs et foncières regroupés au sein du Conseil National des Centres Commerciaux doivent faire preuve d’exemplarité sociale et ne pas demander de loyers aux boutiques fermées. Ce doit aussi être le cas pour celles propriétaires de rez-de-chaussée d’immeubles dans les centres-villes ».

Le week-end dernier, le ministre de l’Économie annonçait « avoir obtenu, après de difficiles négociations, l’annulation, par certaines grandes sociétés foncières des loyers sur les trois derniers mois pour les très petites entreprises obligées de fermer ».

Un premier pas qui ne sera sans doute pas suffisant pour éviter plusieurs dizaines de milliers de dépôts de bilan dans un secteur qui emploie près d’un million de salariés et un dossier capital pour Jeanne-Marie Prost, tout récemment nommée par Bruno Le Maire pour conduire la médiation sur les loyers.

A savoir

Selon le Premier ministre Edouard Philippe, qui s’exprimait lundi dernier devant la représentation nationale, « certains centres commerciaux, dont la superficie dépasse 40 000 m 2 (c’est le cas du Centre Alma à Rennes) pourraient ne pas être autorisés à reprendre leur activité le 11 mai prochain ».