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Le bail commercial : Un contrat qui engage locataire comme bailleur

Lors d’une conférence à la CCI d’Ille-et-Vilaine, quatre spécialistes sont revenus sur les avancées législatives concernant le bail commercial.

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Lors d’une conférence à la CCI d’Ille-et-Vilaine, quatre spécialistes sont revenus sur les avancées législatives concernant le bail commercial. Créé pour protéger les marchands et boutiquiers, le code du commerce datant de 200 ans (post-révolution française) a connu de nombreuses évolutions, notamment ces dernières années avec la Loi Pinel et les approches jurisprudentielles.

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Maître Aubault, Notaire honoraire et représentant des bailleurs pour la Chambre syndicale des propriétaires d’Ille-et-Vilaine. Laurent Giboire, Président du Directoire Giboire SA, membre de la commission commerce à la CCI35. Maître Chauvin, Cabinet Chauvin, Avocat spécialisé en bail commercial. Maître Gouranton, Notaire honoraire

Le commerce change : le temps s’accélère, la distance s’abolit, l’économie se mondialise et surtout se dématérialise. Cette mutation s’accompagne d’une transformation du droit commercial avec des évolutions jurisprudentielles. Les règles de régulation commerciales se réinventent. « Tout se fait de plus en plus sur le smartphone, la conséquence c’est par exemple que 30 % des agences bancaires vont fermer ! » indique Laurent Giboire.
Quid des locaux commerciaux quand les activités de services mutent et ne nécessitent plus d’ancrage physique ?

Dans ce contexte – et de manière très pragmatique – quatre intervenants ont décliné les évolutions des baux commerciaux lors d’une après-midi à la CCI, pour mieux appréhender les enjeux et engagements des baux commerciaux.

« Signer un contrat commercial, c’est un concubinage pour ne pas dire un mariage, en tout cas cela implique sur une longue durée ! » indique en préambules Laurent Giboire. Et cela veut dire qu’il faut s’y pencher avec attention, ne pas signer précipitamment. « Une chose primordiale est déjà de regarder les règlements de copropriétés, vérifier qu’ils n’interdisent pas certaines activités – comme bar ou restaurant par exemple ! Et si possible les règlements d’urbanisme… Renseignez-vous sur les tarifs pratiqués chez les voisins. Il y a une liberté totale à la signature pour déterminer un loyer, et ensuite c’est signé pour 9 ans ! »

Droit des obligations

« La réforme 2014 de la Loi Pinel a changé des règles d’ordre public, des articles mais aussi des décrets ont de plus modifier les règles applicables » précise maître Gouranton.
« La réforme du droit des obligations touche notamment les baux commerciaux. En cas de non-réalisation de travaux par le bailleur, le locataire peut désormais avoir des recours, invoquer des sanctions, ou demander réparation. » Obligation d’indiquer également dans le contrat les travaux à venir sur le bâti, obligation de préciser les répartitions des charges entre les deux co-contractants, et plus largement d’informer des opérations spécifiques. « Prenez l’exemple du Centre Colombier à Rennes, vous êtes propriétaire et louez un commerce sans parler des gros travaux à venir dans le cadre des opérations de rénovations urbaines de la ville de Rennes, ou de travaux du métro : vous êtes fautif, car cela peut – bien sûr ! – avoir un impact sur l’activité du commerçant qui loue cet emplacement. »

Rupture abusive des pourparlers

Si une négociation est rompue, vous pouvez être condamné à verser des dommages et intérêts. Que ce soit le candidat preneur à un bail commercial ou le propriétaire, le demandeur d’une « rupture abusive de pourparlers » doit caractériser un motif légitime, un comportement de mauvaise foi, démontrer une faute de son interlocuteur. « Et cela est valable aussi en cas d’échanges d’informations par mail : si les conditions du bail sont indiquées de ces échanges cela est considéré comme su. »

Interpellations interrogatoires

« C’est un nouveau mécanisme : en cas de problème d’interprétation dans un contrat, il est judicieux d’envoyer au co-contractant une demande afin d’expliciter le sujet litigieux ou la clause du contrat. Il est en effet permis de questionner le bailleur afin de sécuriser la situation juridique. À défaut de réponse dans un délai fixé, c’est l’interprétation du demandeur qui est prise en compte. »

Contrat d’adhésion

Ce sont des contrats types, à prendre en bloc et sans négociation, souvent dans les galeries marchandes. Ils sont l’inverse des contrats de gré à gré qui comptent des stipulations librement négociées entre les deux parties, comme souvent avec les bailleurs individuels. « Ces contrats d’adhésion peuvent être remis en cause lorsqu’ils créent un déséquilibre significatif entre les co-contractants » indique Maître Chauvin. Par exemple s’il y a un transfert de charges imprévu et important. « La clause peut être réputée non écrite… mais ce n’est pas simple à prouver ! »

Imprévision contractuelle

Elle permet dans certains cas aux parties de demander une renégociation du contrat de bail. « Prenez l’exemple de la mobilisation des Gilets Jaunes, et l’impact sur les commerçants. C’est un élément imprévisible, et bien il y a la possibilité de re-négocier le contrat pour un aménagement de loyer par exemple. »

7Jours 4990 – octobre 2019