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Affaire Outreau : Stéphane Cantéro veut « en finir avec le cancer de la suspicion »

Dix ans après son acquittement dans la tristement célèbre affaire Outreau, Daniel Legrand comparaissait en 2015 devant les assises de Rennes pour des faits de viols sur mineurs qui lui étaient reprochés, dans la même affaire, quand il était mineur. Stéphane Cantéro est l’avocat général qui a représenté les intérêts de la société au procès. Pour convaincre les derniers sceptiques, qui remettent en cause les treize acquittements, le magistrat a écrit L’affaire d’Outreau, une terreur judiciaire, aux éditions Dialogues, dans la collection Mercuriales.

Stéphane Cantéro, avocat général à la cour d'appel de Rennes ©LM_7Jours et Éditions Dialogues

« Je ne fais que livrer mon témoignage, celui d’un soutier de la justice. » L’ouvrage de Stéphane Cantéro est bien plus que cela. Le magistrat, qui officie au parquet général de la cour d’appel de Rennes, regarde droit dans les yeux la justice, pour disséquer ce qui a pu conduire au naufrage et en tirer des conclusions. Qu’y a-t-il sous ses mots ? De la colère, de l’amertume, du dépit ? Sans doute plus rien de tout cela. À la lecture, on imagine un Stéphane Cantéro plongé tout entier dans ce dossier. « J’ai souvent ressenti au plus profond de mes cellules la terreur » que les acquittés d’Outreau ont pu expérimenter tout au long de ce « cauchemar éveillé ». Stéphane Cantero plaide, comme treize autres fois dans sa carrière, l’acquittement de Daniel Legrand fils, et l’obtient.

Dans son livre, il fait preuve d’une vertu, la nuance. Seule arme qui vaille dans le jeu d’équilibriste d’un avocat général au défi de l’erreur, celle – collective – de l’instruction et celle des souvenirs fabriqués des enfants Delay. Un cas où les victimes peuvent aussi être bourreaux. Drame causé par « la foi dans les déclarations » et « la religion de l’aveu » : « Dans notre société française, l’accusé qui avoue est cru sur parole, celui qui nie est soupçonné de mentir pour sauver sa liberté. De même, la personne qui dénonce est crue d’emblée. »

La justice d’après ?

La deuxième partie de son livre est consacrée à répondre à cette question, aussi troublante que cruciale : « Peut-on se dire qu’on en a définitivement terminé avec des affaires d’Outreau ? » À travers le cas particulier, Stéphane Cantero interroge la « propension » française à la détention provisoire, qui représente un quart des détenus. Il pose aussi le débat sur le traitement de fond des instructions. Les juges ont-ils le temps nécessaire à l’examen des dossiers, qui exige « sérénité, recul et concentration », à l’heure où la procédure grignote du terrain et les conditions de travail des magistrats sont ce qu’elles sont ?
Enfin, le parquetier, qui aime tant la cour d’assises – « une merveille de démocratie et de raison », formule son inquiétude quant à la généralisation de la cour criminelle départementale : « Je ne suis pas sûr que, devant une cour criminelle départementale, les sept auraient été acquittés en première instance. »

Un témoignage pas comme les autres, à lire !