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Concubinage : quelles règles s’appliquent ?

En France, 20% des couples vivent en union libre (ou concubinage), c’est-à-dire qu’ils ne sont ni mariés, ni pacsés. Mais vivre d’amour et d’eau fraîche entraîne parfois des conséquences juridiques et financières lourdes. Tour d’horizon des règles qui s’appliquent en matière de concubinage.

Anne Boucher, membre de la Chambre interdépartementale des notaires de la cour d’appel de Rennes SOniaLorecPhotographe-BD

Le concubinage selon la loi

Longtemps ignoré par la loi, le concubinage notoire est légalement défini, depuis 1999, comme « une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité entre deux personnes vivant en couple, qu’elles soient de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ».

Par son caractère informel, le concubinage apparaît comme moins engageant et moins contraignant que le mariage ou le PACS. En effet, cette forme d’union ne prévoit aucune protection mutuelle des concubins, et ne génère aucune obligation, ni aucun droit vis-à-vis de l’autre. Par exemple, les concubins ne sont pas soumis à un devoir de fidélité, de secours et d’assistance comme c’est le cas pour un couple pacsé ou marié. Ils n’ont pas non plus d’obligation de solidarité l’un envers l’autre.

Le patrimoine des concubins

En union libre, le concubin conserve les biens qu’il a acquis avant de s’être mis en couple et les biens qu’il acquiert durant le concubinage. Les concubins ont donc des patrimoines complètement autonomes et séparés. Rien n’empêche bien entendu d’acheter un ou plusieurs biens ensemble. Dans cette hypothèse, le bien en question sera soumis au régime de l’indivision. Si l’on prend l’exemple de l’achat d’un bien immobilier, à défaut de précision dans l’acte d’acquisition, le bien sera acquis à concurrence de moitié chacun, peu importe la part contributive réelle de chacun dans le financement. Il est donc primordial de communiquer au notaire l’éventuel apport personnel de chacun et, en cas de souscription d’un prêt, la part de remboursement que chacun envisage de faire. Le notaire pourra alors déterminer les quotités réelles d’acquisition et les mentionner dans l’acte.

Si les concubins viennent à se séparer, la sortie de l’indivision se fait au moyen d’un acte de partage attribuant le bien à l’un d’eux, à charge pour lui d’indemniser l’autre concubin en lui versant une somme d’argent, ou alors par la vente du bien et la répartition du prix entre les ex-concubins, conformément à leurs droits respectifs.

Il est important de savoir qu’en cas de location d’un bien immobilier, si le concubin n’est pas mentionné sur le bail en tant que co-preneur, il ne dispose d’aucun droit à se maintenir dans le logement après la séparation des concubins. Mieux vaut donc inscrire les deux concubins sur le bail.

Pour ce qui est des biens personnels, en cas de litige lors de la répartition des biens, il est nécessaire d’apporter la preuve qu’un bien appartient à l’un ou à l’autre. Cette preuve se fait par tout moyen (factures, libellés de virement, copies de chèque…). Quant aux dettes contractées par l’un ou l’autre des concubins, elles restent, elles aussi, personnelles. Concrètement, le concubin ne peut être poursuivi par le créancier de l’autre, sauf s’ils ont contracté ensemble une dette alors solidaire, dans le cadre d’un prêt ou d’un bail d’habitation par exemple.

Le conseil de Maître Boucher

Lors d’un achat d’un bien tel qu’un téléviseur, ou encore une cuisine équipée, il est important d’être vigilant sur le libellé de la facture et le nom y figurant. Si vous achetez à deux, la facture doit être libellée aux deux noms. En cas de séparation, cela pourra éviter des situations conflictuelles.

Le régime administratif des concubins

Contrairement aux couples mariés ou pacsés, les concubins déclarent leurs revenus séparément. Les enfants du couple peuvent être rattachés à l’un ou l’autre des concubins ou répartis entre les deux.

Un couple en union libre a également la possibilité de prouver qu’il vit en concubinage par un certificat de vie commune délivré par la mairie. Pour ce faire, il faudra apporter la preuve de son union en rédigeant une attestation sur l’honneur.

Ce document n’a pas de valeur juridique, contrairement à un acte de mariage par exemple, mais il permet de prouver la véracité de son union auprès de certains organismes pour bénéficier de droits ou avantages. Pour la Caf par exemple, le statut marital du couple n’est pas pris en compte, c’est seulement la notion de foyer stable qui est retenue.

A noter

Bien qu’ils ne déclarent pas leurs revenus ensemble, les couples vivant en concubinage notoire sont tenus d’effectuer une déclaration commune au titre de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).

En cas d’enfants, quelle protection ?

En union libre, l’autorité parentale est exercée en commun par le père et la mère. En cas de séparation, la question des enfants peut devenir problématique si rien n’est officiellement prévu. Que ce soit concernant la garde des enfants, les droits de visite ou encore la pension alimentaire, établir un accord clair permet de protéger les droits et les intérêts des concubins dans ces situations délicates, en privilégiant toujours l’intérêt de l’enfant. Si ces décisions ne peuvent être définies à l’amiable, c’est le juge aux affaires familiales qui fixera les engagements de chaque partie.

Pas d’héritage sans disposition préalable

En union libre, le concubin survivant n’a pas automatiquement droit à l’héritage du défunt contrairement à un couple marié. De la même façon que pour le pacs, il est essentiel de rédiger un testament pour garantir à son partenaire la transmission de tout ou partie de son patrimoine en cas de décès.

Néanmoins, en présence d’enfants, la réserve héréditaire de ces derniers doit être impérativement respectée et la transmission se limitera alors à la quotité disponible. Sans enfants, tous les biens du défunt peuvent être légués au concubin survivant.

Mais attention, la facture fiscale est lourde en cas de concubinage car le concubin sera soumis à d’importants droits de succession contrairement aux couples mariés ou pacsés (avec un testament), qui bénéficient à ce jour d’une exonération totale de droits.

En effet, entre concubins, le taux des droits de succession s’élève à 60 %.

Attention !

Le concubin ou le partenaire de Pacs n’est pas un héritier.

Pour avoir des droits dans la succession de son concubin, il doit avoir été désigné dans un testament. Surtout, la facture fiscale sera importante car la taxation se fait au taux de 60 %.

Les solutions à envisager

Afin de se protéger au sein du couple, souscrire une assurance-vie peut être une solution complémentaire. En désignant son concubin en tant que bénéficiaire, celui-ci recevra un capital en cas de décès, ce qui peut contribuer à assurer une certaine stabilité financière au survivant. La fiscalité en matière d’assurance-vie sera en outre plus favorable que celle applicable en cas de succession. En effet, en cas de versement sur un contrat d’assurance-vie avant les 70 ans de l’assuré-souscripteur, le bénéficiaire peut recevoir un capital de 152.500 euros en franchise d’impôt.

Il est crucial de prendre des dispositions spécifiques si l’on souhaite que le partenaire survivant bénéficie d’une certaine protection financière. Sachez que, vis-à-vis de certains organismes sociaux, les concubins peuvent bénéficier de certains droits. Par exemple, lors du décès de l’un des concubins des suites d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, l’autre concubin peut prétendre au versement d’une rente. De même, il pourra percevoir un capital décès versé par la CPAM s’il était, au moment du décès, à la charge effective, totale et permanente de l’assuré. Enfin, un salarié ayant au moins un an d’ancienneté dans son entreprise aura droit à un congé de proche aidant si son concubin subit une grave perte d’autonomie ou un handicap.

Le conseil de Maître Boucher

Face à la complexité des questions successorales en union libre, consultez votre notaire qui saura vous proposer des solutions adaptées à votre situation. En effet, en cas de rupture d’un concubinage, de lourdes conséquences peuvent advenir, qu’elles soient liées au logement, aux biens acquis durant l’union libre ou encore des modalités d’exercice de l’autorité parentale, de garde et de résidence des enfants.

Un seul mot d’ordre : l’anticipation.

Par Anne Boucher, membre de la Chambre interdépartementale des notaires de la cour d’appel de Rennes.

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