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GRAND FORMAT. Fonds Nominoë : 6 millions d’euros au service des patients bretons

Maisons des parents, biobanque, robot chirurgical, équipements pour améliorer le confort des patients du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes… Depuis son lancement en 2014, le fonds Nominoë a rassemblé 5 000 donateurs, dont 250 entreprises, récolté 6 millions d’euros et financé une vingtaine d'actions pour les malades, leurs proches et les soignants. Rencontre avec deux membres historiques du conseil d’administration, présidé par Véronique Anatole-Touzet, directrice générale du CHU : Jean-Paul Legendre, président du Cercle des mécènes, et le Pr. Karim Boudjema, président du Comité scientifique.

Jean-Paul Legendre, président du Cercle des mécènes et Karim Boudjema, président du Comité scientifique ©Studio Carlito

Jean-Paul Legendre, président du Cercle des mécènes et Karim Boudjema, président du Comité scientifique ©Studio Carlito

« Être riche de donner » pourrait être la devise de Nominoë, du nom de celui célébré comme le premier roi de Bretagne, au IXe siècle. « Il n’y a pas de petits dons, il n’y a que des dons, que ce soit 5 euros ou 10 000 euros », tient à préciser Jean-Paul Legendre, ancien dirigeant du groupe de BTP éponyme. Comprendre : il n’est pas nécessaire d’être un capitaine d’industrie pour faire acte de philanthropie au profit des patients du CHU de Rennes. « C’est le plaisir de contribuer à une cause que l’on choisit ; sans doute en se disant qu’un jour, cela me servira peut-être », souligne Karim Boudjema, ancien chef du service de chirurgie hépatobiliaire et digestive du CHU Pontchaillou.

La somme récoltée avoisine les 6 millions d’euros, émanant à 45 % de particuliers, pour un don moyen de 500 euros, 5 000 euros en moyenne lorsqu’il s’agit d’une entreprise. Les 250 sociétés mécènes sont toutes bretonnes. Le budget de fonctionnement ? « Réduit, il n’y a qu’une salariée permanente. » Jean-Paul Legendre ajoute : « Nous fonctionnons en circuit court : l’argent donné sert très rapidement aux patients bretons. »

Nous fonctionnons en circuit court : l’argent donné sert très rapidement aux patients bretons.

Les projets

Des exemples

•Les Maisons des parents pour accueillir les familles d’enfants hospitalisés ;
•La biobanque pour mieux comprendre les déterminants des maladies et élaborer les traitements spécifiques à chaque patient ;
•Le système combinant numérique et intelligence artificielle pour mieux diagnostiquer les cancers et maladies dégénératives ;
•Différents dispositifs de relaxation pour mieux vivre des soins, pour les personnes en soins palliatifs ou en EHPAD ;
•Un robot chirurgical de dernière génération ;
•Participation au financement de la Maison des femmes.

©Nominoë

Deux catégories distinctes de projets se démarquent. Tout d’abord, les initiatives d’envergure, telles que l’acquisition du robot chirurgical ou la mise en place de la biobanque, ayant nécessité un financement de 1,2 million d’euros chacune. Ces projets font l’objet d’une étude de faisabilité et d’une présentation détaillée devant le comité scientifique du fonds, qui les évalue avant de les soumettre au conseil d’administration. « Il y a souvent un consensus, chacun son métier », admet volontiers Jean-Paul Legendre. Pour l’année 2024, quatre « grands » projets sont actuellement à l’étude.

Dans la galaxie Nominoë, coexistent également des actions axées sur le bien-être des patients et des soignants. Des appels à projets sont lancés aux équipes du CHU. Les critères de sélection sont clairs : « Nous aspirons à ce que les projets financés bénéficient au plus grand nombre de patients et présentent une approche transversale. Nous n’orientons pas les fonds vers une équipe ou un professeur spécifique. Nous privilégions des projets concrets », soulignent les deux hommes.

La Maison des femmes Gisèle Halimi sur le parvis de l'hôpital Sud a été officiellement inaugurée mi-novembre ©SB_7J

©SB_7J

Cerise sur le gâteau tout de même : « En plus de l’utilité, cela renforce la compétitivité, reconnaît Karim Boudjema. Nominoë confère une dimension singulière au CHU, contribuant à positionner Rennes comme un pôle de santé d’envergure. Le système de lecture numérisée en anatomopathologie était une première en France. » Ce dispositif permet, notamment aux médecins, d’identifier de manière plus rapide et précise les tumeurs, grâce à des images d’une précision extrêmement fine.

Une démarche novatrice en France

« Il y a dix ans, un vent novateur a soufflé sur le paysage hospitalier, poussant les établissements à s’équiper de structures philanthropiques pour améliorer la qualité des soins prodigués aux patients, se remémore Karim Boudjema. Le CHU de Rennes s’est positionné en pionnier, jetant les bases d’une idée novatrice : un fonds de dotation, plus agile qu’une fondation. » Trois médecins se rassemblent autour de cette vision, donnant naissance à Nominoë : Karim Boudjema, Pierre Rochcongar, médecin du sport impliqué auprès du Stade Rennais et de la Fédération française de football, et Yannick Malledant, médecin réanimateur au sein du CHU de Rennes. Leur inspiration s’est nourrie de leurs voyages, particulièrement aux États-Unis, où le modèle anglo-saxon de galas de bienfaisance et le concept de « charité » font partie de l’empreinte culturelle profonde.
« Pour moi, il y a eu un avant et un après l’Amérique, souligne le Pr. Boudjema. J’ai pu voir la générosité, l’ouverture d’esprit et l’impact de l’action caritative sur la qualité des soins au quotidien. Avec Nominoë, j’ai pensé que c’était l’Amérique qui se dessinait. »
Afin d’asseoir solidement les bases de leur projet, les fondateurs ont recours aux conseils d’un cabinet canadien spécialisé en philanthropie. Pour concrétiser l’idée et obtenir des financements, il faut créer une convergence entre deux univers jusqu’alors parallèles : celui de la médecine et celui de l’entreprise.

La rencontre

©Studio Carlito

©Studio Carlito

Les deux hommes se souviennent encore de leur premier rendez-vous, orchestré par le Crédit Agricole. « Si Jean-Paul Legendre n’avait pas été là ce jour-là, l’aventure n’aurait pas pris son envol. Il a donné le la. » Lequel répond : « Je les ai écoutés présenter le projet et l’objectif de lever 10 millions d’euros. Je me suis dit que c’était très ambitieux mais qu’il fallait s’y associer. La question était de savoir comment rendre les choses possibles ? »
Ce rendez-vous marque le début d’une complicité pudique, qui les conduira jusqu’en Algérie, où Karim Boudjema invite Jean-Paul Legendre à assister à une greffe. « Vous en connaissez beaucoup des personnes qui ont sauvé 2 200 vies ? » Cette question porte en elle toute l’admiration de Jean-Paul Legendre à l’égard de Karim Boudjema, spécialiste mondial de la chirurgie du foie et de la transplantation hépatique.
Le chef d’entreprise ouvre son carnet d’adresses et Marie Louis, déléguée générale du fonds, prend son bâton de pèlerin pour convaincre les grands patrons locaux.

Vous en connaissez beaucoup des personnes qui ont sauvé 2 200 vies ?

« Notre objectif n’est pas de reproduire une sécurité sociale parallèle »

Nominoë est-il le révélateur d’un système de financement public en bout de course, où les grands donateurs prendraient le relais ? À écouter les deux administrateurs, là n’est pas tellement la question. « Nous nous investissons pleinement, sans empiéter sur le domaine de l’assurance maladie, développe Jean-Paul Legendre. Comme je le souligne fréquemment, notre objectif n’est pas de reproduire une sécurité sociale parallèle. Ce que nous entreprenons ne relève pas du financement de l’assurance maladie, qui assure le fonctionnement global du CHU. Nos actions se concentrent davantage sur le confort des patients et l’innovation. »
Et Karim Boudjema d’ajouter : « L’assurance maladie supporte déjà une charge financière considérable avec le coût croissant des molécules et des traitements. Nominoë apporte une contribution significative sur des aspects plus pragmatiques, offrant un coup de pouce. »

 

Marie Louis, déléguée générale 
Diplômée du CELSA, Marie Louis a un parcours de communicante, d’abord à Paris, avant de mettre le cap sur la Bretagne, où elle travaille pour le conseil régional, le réseau création Bretagne présidé par Jean-Guy Le Floch, à son compte, et pour Véolia Bretagne comme directrice de la communication. Elle rejoint Nominoë, aux prémices, il y a dix ans. « La feuille de route était blanche, offrant une liberté considérable pour façonner et développer Nominoë. J’ai la chance de contribuer à cette aventure avec des gens formidables. » ©Studio Carlito

 

Bonus

Officiellement, ils ont pris leur retraite. Mais cela n’existe pas pour des hommes de ce bois-là.

Pr Karim Boudjema : « Je vis en Haute-Loire et regagne Rennes une semaine par mois pour des astreintes dans le service et faire opérer les jeunes chirurgiens. J’opère aussi à l’hôpital général du Puy-en-Velay, près de chez moi. Si je raccroche, je meurs. Je ne vois pas ce que je pourrais faire d’autre. J’ai un projet d’écriture sur l’histoire de la greffe d’organes. »

Jean-Paul Legendre : « Cela fait huit ans que j’ai transmis l’entreprise à mon fils, Vincent. Je n’ai aucun regret. Je le dis, car céder sa place n’est pas si simple. Aujourd’hui, je m’occupe de la foncière du groupe Legendre, où les salariés peuvent investir. J’ai 1 650 actionnaires. »

Le conseil d’administration

Véronique Anatole-Touzet, présidente du fonds et directrice générale du CHU de Rennes ;
Jean-Paul Legendre, président du Cercle des mécènes, président du conseil de surveillance du groupe Legendre ;
Pr. Karim Boudjema, président du Comité scientifique, chirurgien hépatobiliaire et digestif ;
Maryvonne Le Duff, directrice générale du groupe Le Duff ;
Pr. Yannick Malledant, médecin réanimateur ;
Alain Le Roch, président de Kreizig ;
Pr. Jean-Yves Gauvrit, chef du pôle imagerie et président de la commission médicale d’établissement du CHU de Rennes ;
Alain Glon, fondateur du groupe Glon ;
Pierre Le Duff, fondateur du groupe Super Sport ;
François Chatel, président de Rennes school of business ;
Pr. Sylvie Odent, cheffe du service de génétique ;
Pr. Nathalie Rioux-Leclercq, cheffe du service d’anatomie et cytologie pathologiques ;
Jean-Yves Carillet, directeur général du Crédit Agricole d’Ille et Vilaine ;
Jacques Delanoë, président non exécutif du Stade Rennais, fondateur d’Euro Rscg 360° ;
Joël Cheritel, fondateur de Rétis ;
Alain Parmentier, PDG d’Entheos.

Quelques mécènes

Groupe Legendre
Altho
Fondation du Crédit Agricole d’Ille et Vilaine
Kreizig
Arkea banque entreprises et intitutionnels
Bridor, Le Duff Industries
Crédit Mutuel Arkea
Groupe Brilhac
Jadco Invest
GC invest
Ecofeutre
Agh
Fondation Jean Goubin
Entheos
Mba Mutuelle
Fondation Vinci
Sogea Bretagne
LM Investissement
Brimalou
Loc Maria
Armor Lux