Couverture du journal du 26/04/2024 Le nouveau magazine

Galerie Oniris à Rennes : de Cézanne à l’abstraction géométrique

Nicolas Chardon et Pierre Galopin exposent tous les deux pour la première fois à la Galerie Oniris à Rennes. Ils partagent un même goût pour l’abstraction, la question du support, le jeu des formes et de la matière, le rapport entre le fond et la forme, et rendent hommage aux grands noms de la peinture.

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Nicolas Chardon : « Systèmes »

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Nicolas Chardon réinvente l’abstraction géométrique et cite volontiers les maîtres en ce domaine, de Mondrian à Malévitch. Au premier regard, sa peinture est radicale : fond blanc contrasté de noir ou de rouge au rythme de lignes orthogonales et de formes carrées ou rectangulaires. Mais le support choisi tempère cette apparente géométrie.
Pour créer ses œuvres, Nicolas Chardon commence par clouer sur des châssis de bois, des tissus quadrillés tels vichys et madras. Par l’effet de tension, la trame du tissu se déforme légèrement et ce sont ces lignes « chancelantes » qui dictent la composition. « L’histoire du tableau est donc contenue dans ce tissu en tension » sur lequel Nicolas Chardon applique ses couleurs en aplats, en écho à celles du support. Il utilise des pinceaux larges en veillant à ne pas créer des effets d’optique tant le mouvement de la toile l’intéresse. Les tissus sont toujours visibles sur la tranche qui forme parfois un cadre coloré. Nicolas Chardon revisite ainsi le losange blanc à lignes noires de Mondrian, le carré rouge sur fond blanc de Malévitch… Il dessine des cibles, des fenêtres ainsi que de petits quadrillages inspirés d’une chemise de bûcheron achetée aux États-Unis et dans laquelle il a taillé de quoi peindre dix-sept petites toiles !
Nicolas Chardon peint couche après couche, à la brosse ou au pinceau et à main levée. « Comme si je remontais le tableau à l’envers, explique-t-il, je peins d’abord la figure – en noir le plus souvent- puis le blanc, qui paraît être un fond, mais est en réalité une contre-forme. Ce cheminement est particulier dans la chronologie du tableau, et l’inversion du rapport fond/forme bouleverse la temporalité du regard. De la même façon, les déformations caractéristiques des figures de ma peinture donnent un aspect aérien. J’aime ce paradoxe, il résume peut-être ce qui est à l’œuvre dans mon travail, la tension génère la souplesse. »

Pierre Galopin : « OK Cézanne »

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En 2020, pendant le confinement, Pierre Galopin s’est interrogé sur l’acte de peindre et sa nécessité. Alors qu’il feuilletait un livre sur Cézanne, son regard s’est alors arrêté sur un paysage de Gardanne et sur un curieux détail dans le ciel bleu de Provence : « OK » comme si l’artiste fatigué de peindre disait par ce gribouillis sa lassitude et son désir de passer à autre chose. C’est en tout cas ce qu’a voulu lire Pierre Galopin car Cézanne n’utilisait pas cette expression anachronique. Et Pierre de faire de ce détail, le « motif » d’une toile abstraite de grand format animée par les mouvements de la brosse avec toutes les surprises que réservent le mélange de peinture et de vernis au contact de la toile.

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Pierre Galopin aime peindre sur des formes découpées dans du contreplaqué, clin d’œil aux mots de Cézanne : « Tout dans la nature se modèle sur la sphère, le cône et le cylindre, il faut apprendre à peindre sur ces figures simples, on pourra faire tout ce qu’on voudra », disait-il. Dans ses « Balades urbaines » composées d’une succession de formes circulaires dessinant comme un totem, le regard s’aventure au cœur de la couleur et de la matière. Plus encore dans ses « tondos », rouge ou vert avec des effets marbrés. Pierre Galopin joue avec le hasard en utilisant des couches de vernis colorés qui se superposent aléatoirement et partiellement.
Dans cette exposition, un tableau fait exception : une interprétation du portrait que Cézanne a fait de son père en 1866 lisant « L’Événement » dans un grand fauteuil fleuri. Pierre Galopin a reproduit le tableau en faisant disparaitre son modèle et en apposant sur la toile la mention « Dont acte » pour confirmer l’absence du père. Une manière pour lui de « questionner le sujet dans la peinture » et peut-être aussi de s’interroger sur la paternité : Pierre Galopin est l’heureux père d’une petite « Cézanne » née cette année. Raison de plus pour poursuivre son travail en hommage au peintre de la Montagne Sainte-Victoire.

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Galerie Oniris, 38 rue d’Antrain, Rennes.
Tel : 02 99 36 46 06 .galerie@oniris.art. www.oniris.art
Exposition du 6 octobre au 18 novembre. Du mardi au samedi de 14 h à 19 h.