Créer de la rentabilité
Au vu de la bonne santé de Le Roy Logistique, il serait naturel de se dire que pour Serge Rambault, président du groupe, la logistique, c’était logique. Pourtant, c’est « un peu par hasard » que le chef d’entreprise, qui se voyait plutôt en agriculteur, est arrivé dans ce domaine.
Fondée en 1947 par Pierre Le Roy, l’entreprise « traitait, à l’origine, le transport vers les villes comme Lille, Strasbourg, Paris et Lyon », commente Serge Rambault. En 1964, le fils du fondateur rejoint l’entreprise qui se développe dans le groupage, profitant des Trente Glorieuses.
Vendue en 1994 à un groupe anglais, nommé British Oxygen Compagny, l’entreprise – qui se nomme alors TLO – est reprise en 1999, par « Jacques Leroy, le fils du fondateur, Daniel Gautier et moi-même ». À cette époque, l’entreprise n’est pas rentable, malgré ses « 25 millions d’euros de chiffre d’affaires avec plus de 200 camions. Nous nous sommes attaqués à son redressement et la stratégie s’est véritablement développée à ce moment. Derrière le slogan « De la proximité naît l’efficacité », l’idée est d’implanter des centres de profit en régions, avec un directeur d’agence pour chacun, en proposant un service logistique approprié. »
Près de 3 000 transports par jour et 3 000 clients.
Avec cette nouvelle dynamique, l’entreprise se développe considérablement entre 2001 et 2015, « une croissance de près de 10 % chaque année, avec seulement deux acquisitions (Lyon et Toulouse) ».
100 millions de chiffre d’affaires en plus les deux dernières années
La croissance ces dernières années est exponentielle, tout semble rouler pour le groupe. Le Roy Logistique organise près de 3 000 transports par jour avec ses prestataires et fédère près de 3 000 clients. « Nos 220 premiers clients représentent 80 % de notre chiffre d’affaires. »
De 196 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022, l’entreprise devrait clore, en 2024, à 290 millions et être, ainsi, dans les 30 premières entreprises de logistique en France. « Nous savons que si nous voulons consolider et renforcer notre fonds de commerce, il faut développer nos activités logistiques. Les prestations transports, pour approvisionner nos entrepôts et livrer nos clients au départ de nos 40 sites en France, se font avec des prestataires. » Une offre globale supply chain avec des centres de profit : une dynamique qui paie.
« Nous ne faisons pas toutes ces acquisitions par caprice, c’est une vraie stratégie. »
Projet « Destination 2026 » : une flopée d’acquisitions
620 000 m2 d’entrepôts sur le territoire national. C’est l’espace sur lequel Le Roy Logistique est positionné en 2024. Car le logisticien a mis les gaz sur de nombreux entrepôts du marché. « En 2022, dans le prolongement de notre projet « Destination 2026″, nous avons fait évoluer notre actionnariat pour y faire entrer des fonds d’investissement régionaux – NCI et Épopée, Bpi et BNP développement – ainsi qu’une vingtaine de cadres, une de mes grandes satisfactions. Ce projet est mon Waze personnel, le but étant de conduire tout le monde à cette destination quoi qu’il arrive. »
=> L’objectif : faire 80 millions d’euros de croissance externe et 80 millions de croissance organique.
Ainsi, l’entreprise a réalisé de nombreuses acquisitions depuis mars 2022 :
– La société ATL et PAD à Cholet (5 000 m2) et Lyon (900 m2), « pour nous permettre de consolider notre présence dans le secteur de l’emballage et de compléter notre offre de stockage logistique » .
– L’entreprise Logipresse à Paris : avec ce rachat, le groupe intègre les collaborateurs présents sur les sites de La Loupe dans l’Eure-et-Loir, de Garonor en Seine-Saint-Denis et de Frétin dans le Nord. « Logipresse, c’est le savoir-faire historique de Le Roy Logistique, donc l’acquisition était évidente. »
– Speed Distribution, basée à Paris, « cette entreprise ne fait que de la livraison avec des véhicules électriques depuis près de douze ans en Île-de-France, une nouvelle corde à notre arc dans le domaine du luxe. L’expertise en logistique urbaine étant une évidence pour les années à venir, avec cette acquisition nous élargissons nos compétences ».
– G.T.A., dans le Nord, « ce qui nous a intéressés, c’est le fonds de commerce composé de grandes marques et surtout son savoir-faire ».
– La dernière en date, il y a seulement quelques semaines, Veolog : cette entreprise de logistique emploie 180 salariés et réalise 29 millions d’euros de chiffre d’affaires avec six entrepôts autour de Paris, de Reims et un à côté d’Avignon. « 90 % de leur chiffre d’affaires concernent le très haut-de-gamme en vin et spiritueux, cela conforte notre savoir-faire dans ce domaine. Nous allons par ailleurs travailler avec les plus grandes maisons du secteur. Dès que nous avons annoncé cette acquisition, de nombreux autres clients ont été intéressés, à nous de les convaincre ».
Serge Rambault l’assure : « Nous ne faisons pas toutes ces acquisitions par caprice. C’est une stratégie, nous travaillons avec ces nouvelles entreprises pour proposer encore plus de services à nos clients. Et nous appelons les nouveaux employés « les cousins » ».
La supply chain témoin de grandes ruptures du marché
Nouvelle directive européenne CSRD visant le reporting de durabilité des entreprises, interdiction de l’utilisation des véhicules diesel à partir de janvier 2035 : la logistique est en mouvement, accompagnant les nombreux changements sociétaux. « La première rupture, c’est le changement de comportement des consommateurs qui ne vont plus forcément dans un hypermarché mais de plus en plus dans des magasins de centre-ville, ou commandent sur internet. La digitalisation du commerce n’est qu’à ses débuts, la supply chain devra répondre à cette nouvelle demande. »
Deuxième changement important, « la transition énergétique qui bouleverse les organisations de transports ». La troisième rupture, suite, entre autres au Covid, « c’est le rapport au travail, sans oublier l’intelligence artificielle. Elle est en train de bouleverser nos métiers et il va falloir réussir à l’intégrer dans notre propre organisation. Cela pourrait être, par exemple, de l’utiliser pour la gestion de nos entrepôts, de nos transports… personne ne sait encore ou cela va nous mener ». Autre sujet, « et un de nos challenges dans les années à venir, ce sont les changements concernant les emballages et leur réduction ».
Entre dans le classement des 30 premières entreprises de France de logistique.
S’adapter pour répondre aux changements
La conséquence de toutes ces ruptures, c’est de toujours former les équipes pour le chef d’entreprise : « Je considère que dès que nous avons compris quelque chose, c’est déjà obsolète. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons créé l’académie Le Roy Logistique.* Il faut sans cesse former et entraîner nos collaborateurs… » Deux commissions composées de salariés travaillent sur des sujets d’innovation (chariots et tenues de travail plus confortables, inventaires par drones…).
« Je considère aujourd’hui que le cycle de vie d’un produit et son histoire sont plus importants que le produit lui-même. La supply chain prend tout son sens : il faut que l’on offre à nos clients des solutions pour répondre au changement de consommation. Nous nous adaptons et travaillons avec des prestataires équipés, notamment de véhicules adéquats. Ce qui est compliqué, c’est de savoir quelle énergie nous allons utiliser, car la technologie évolue très vite. » Diminution du nombre de camions, usage de camions plus petits, logistique urbaine, biocarburants… tout est envisageable, « la logistique n’est pas délocalisable, il faudra toujours du stock et des camions ».
Les concurrents « me motivent »
Malgré les concurrents bien connus de la place de Rennes et ailleurs (Lahaye, Le Ray…), Serge Rambault a un principe : « Je n’ignore pas mes concurrents, mais ce ne sont pas eux qui font mon chiffre. Ce qui m’intéresse, c’est être concentré sur mon match et le gagner. Je ne suis pas indifférent à mes adversaires, ils me motivent. Même si je ne supporte pas de perdre un match, je suis toujours respectueux du vainqueur car il a été tout simplement meilleur. À moi d’en tirer les leçons. »
Académie Le Roy Logistique*
Créée en 2021, « mon seul regret, c’est qu’elle n’ait pas été créée plus tôt ». Tous les nouveaux embauchés viennent à cette académie pendant deux ou trois jours. « Je les accueille personnellement pendant près de 2 heures. Cette académie a trois ambitions : intégrer les personnes que nous recrutons, former en permanence les collaborateurs et intégrer les nombreuses promotions d’alternants que nous accueillons. »
Président de Bretagne Supply Chain
Créée en juillet 2010, l’association vise l’amélioration de la performance logistique des entreprises. Industriels, distributeurs, prestataires logistiques, fournisseurs de la supply chain, collectivités, organismes de formation et institutionnels font ainsi partie de l’association, fédérant 183 adhérents à travers la Bretagne. « Je suis président de cette association depuis quinze ans. Elle compte aujourd’hui plus de 180 adhérents et 6 permanents. Nous avons toujours anticipé les grands changements de la supply chain avec, entre autres, l’organisation de nos colloques, et nous les voyons plutôt comme des opportunités qu’il faut saisir. »
Bonus
Pourquoi la logistique ?
Par amour pour une femme. Deux-sévrien de la Vendée Militaire à l’origine, j’ai fait des études pour être agriculteur. Par un concours de circonstances, j’ai repris mes études et décidé de faire mon stage proche de l’endroit où ma copine de l’époque, qui est aujourd’hui ma femme, faisait le sien. J’ai donc fait ce stage chez un transporteur. Peut-être que si cela avait été un charcutier mon travail serait différent aujourd’hui ?
Pourquoi choisir Le Roy ?
Nous sommes sympathiques, tout simplement, et nos clients le ressentent. Je suis un éternel optimiste. Je traverse le monde tel qu’il est, même s’il ne va pas très bien. Notre constitution depuis 2012 s’appelle « la conviviale attitude » avec des principes simples de vivre ensemble, d’où notre engagement auprès de l’association des Petits Princes.
Une œuvre culturelle ?
Sur la route de Madison, réalisé par Clint Eastwood, car nous avons tous un jour été tentés de mettre la main sur la poignée de la porte.
Ma chanson préférée est l’Indifférence, de Gilbert Bécaud. C’est tellement vrai aujourd’hui.
Un mantra ?
Le dicton de mon père, dont je suis très fier : « Fais en sorte que tes journées soient belles pour les autres, travaille beaucoup et sans doute que tu auras un peu de chance. » J’ai toujours gardé cela à l’esprit.