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Les Champs Libres, plus grand centre culturel du Grand Ouest

Créés il y a 18 ans à Rennes, les Champs Libres sont composés de trois institutions culturelles regroupées : le musée de Bretagne, la bibliothèque centrale et l’Espace des sciences. Ce lieu de culture et de savoir compte aussi des espaces mutualisés, tels que l'auditorium, un café, des lieux d’exposition. Entretien avec Corinne Poulain, directrice du lieu depuis cinq ans, « humainement berlinoise ».

©Julien Mignot

Corinne Poulain, directrice des Champs Libres depuis cinq ans, évoque les spécificités de ce grand lieu de culture.

Des changements depuis la création ?

Corinne Poulain. Le projet n’a pas changé, même si nous essayons de le transformer, pour être en accord avec la modernité et au plus près des besoins et attentes des habitants : un lieu ouvert, bienveillant, familial, où chacun se sent accueilli dans la diversité de ses goûts. C’est un lieu de conservation et de collection, notamment du patrimoine de Bretagne, ce qui fait notre spécificité par rapport à d’autres lieux culturels. Les Champs Libres, c’est le plus grand équipement culturel dans le Grand Ouest, assez comparable à d’autres structures comme le Centre Pompidou, ou encore le Palais de la Porte Dorée, dont nous avons d’ailleurs accueilli une délégation il y a un mois.

©Champs Libres

©Champs Libres

Qui compose vos publics ?

©Champs Libres

©Champs Libres

C. P. Plus d’un million de personnes investissent les lieux tous les ans, et le public rajeunit. Après la période Covid, le public âgé a mis du temps à reprendre le chemin des milieux culturels alors que le public jeune a eu un besoin de sortir. Un rajeunissement aussi dû à la mise en place de la gratuité qui concerne l’abonnement bibliothèque et l’accès au parcours permanent du musée de Bretagne.

Pourquoi une telle architecture ?

C. P. Cette architecture, issue de la vision de Christian de Portzamparc, peut paraître intimidante. Notre signalétique est d’ailleurs adaptée à l’architecture, nous faisons tout en grand. Autour d’une place publique où tout le monde se croise, en « rond-point », nous lions les sciences, l’accès au savoir encyclopédique et le territoire. Ce lien et ce croisement se retrouvent dans le logo du lieu.

La diversité est un enjeu des Champs Libres aujourd’hui ?

C. P. Malgré le rajeunissement, nous restons un lieu qui représente la diversité : des origines, des âges, des classes sociales et des origines géographies. Selon notre étude récente sur la métropole de Rennes, nous avons d’ailleurs relevé que les Champs Libres sont connus par 94 % des métropolitains et que, parmi eux, au moins la moitié est déjà venue. Pour moi, le sujet majeur, c’est de faire que les personnes, au-delà de leurs différences, se sentent bien dans le même lieu. L’idée c’est qu’une personne âgée se sente aussi bien aux Champs Libres qu’un jeune ou qu’une famille, une personne qui vit dans la rue… Un visiteur sur trois vient d’ailleurs pour quelque chose et finalement fait autre chose.

Quels liens avec d’autres acteurs culturels de la ville ?

C. P. Nous avons une quarantaine de partenaires (culturels, scientifiques, enseignement supérieur) à l’année et une dizaine d’expositions par an. Nous repérons des projets innovants, sur l’axe art-sciences, pour incarner le croisement des savoirs, en lien avec des artistes locaux. Pour les expositions scientifiques, nous travaillons en coproduction avec d’autres structures scientifiques et techniques en France, ou nous en accueillons. Au musée de Bretagne, nous proposons une grande exposition de société chaque année (« Mourir, quelle histoire » en ce moment) et, en parallèle, d’autres plus petites, pour partager notre patrimoine géographique en libre accès. Dans les escaliers de la bibliothèque, nous alternons photos et patrimoine écrit.
Nous faisons écho aux festivals rennais, avec des expositions communes ; comme en juin, avec le Frac, une exposition sur le journaliste Raymond Depardon, ou l’an passé avec le musée des Beaux-Arts, ou encore avec l’Opéra pour des présentations en amont des représentations.

Est-ce que les Bretons sont attachés à leur culture ?

C. P. Je dirais qu’il y a un attachement au territoire, ce n’est pas un territoire neutre. D’où l’importance d’en raconter l’Histoire et de s’engager sur les langues régionales. L’attachement à la culture bretonne au sens stricte est divers, il y a des personnes qui y sont attachées viscéralement et d’autres à qui ça ne parle pas du tout, certains sont juste curieux.

Quelles évolutions dans les années à venir ?

C. P. D’une part, le développement des services publics, afin de sortir des logiques sectorielles ; par exemple, par l’expérimentation de permanences administratives. D’autre part, notre ouverture sur l’international. Nous avons noué un partenariat avec l’Institut Français, avec qui nous sommes en train de construire un projet. Plusieurs séries de dialogues avec des penseurs, philosophes, artistes, de l’Est de l’Europe vont se tenir en novembre, à Vilnius, puis Helsinki, Varsovie, Amsterdam, Madrid, avec la clôture de cette série de débats à Rennes fin novembre, sur le thème « Face à la guerre, dialogues européens ».

©Julien Mignot

©Julien Mignot

 

Une œuvre à partager ?

C. P. Je pense actuellement à l’initiative des différents pôles de la bibliothèque qui ont décidé de sélectionner de couvertures de livres et cela fait des rapprochements assez extraordinaires, j’y trouve des trésors.

Votre parcours ?

Née à Rennes en 1971, j’ai vécu en Côtes d’Armor, puis fait mes études de lettres classiques à Paris. J’ai bénéficié d’un programme expérimental (Erasmus n’existait pas encore) pour partir à Berlin en 1992, j’y ai ensuite vécu dix ans. Une ville en reconstruction à ce moment-là, très riche culturellement, j’y ai fait toute mon initiation culturelle. De retour en France, j’ai exercé en tant que directrice de la culture d’Aubervilliers, puis du Val-de-Marne, suivi de deux ans en cabinet ministériel. Je suis revenue à Rennes il y a presque dix ans en tant que directrice de la culture et je suis arrivée à la direction des Champs Libres il y a cinq ans.