Couverture du journal du 17/05/2024 Le nouveau magazine

Les Commissaires aux comptes, et le reporting extra-financier

La Compagnie régionale des commissaires aux comptes (CRCC) Ouest Atlantique organisait la 16e édition des Universités d’été à La Baule les 7 et 8 septembre. L’occasion pour la profession d’évoquer les perspectives offertes par l’arrivée du reporting extra-financier. Éclairage par Kristell Dicharry, Présidente de la CRCC Ouest Atlantique, sur les enjeux liés à cette nouvelle obligation.

Kristell Dicharry, présidente de la CRCC Ouest Atlantique ©IJ

À partir du 1er janvier 2024, les grandes entreprises devront publier chaque année un rapport extra-financier certifié, traduisant leur politique et performance en matière de RSE. Jusqu’à présent, seules les sociétés anonymes de plus de 500 personnes avaient cette obligation. Sans cadre réglementaire, elles pouvaient produire ces éléments selon son propre référentiel, sans comparatif objectif. Une directive européenne a été ratifiée en 2022, transposée en France d’ici fin décembre 2023 par le biais d’une ordonnance.

Si le texte français n’est pas encore finalisé, quel en sera l’esprit ?

Kristell Dicharry : L’Efrag[1], l’institution européenne qui travaille sur le sujet, a défini douze principes sur trois thèmes : environnement, social et gouvernance. Par exemple, sur l’environnement, quel est l’impact de l’activité de la société sur son écosystème ? Pour le définir, il va falloir remonter toute la chaîne de valeur. Sur la partie sociale, on va retrouver le taux d’absentéisme, le bien-être au travail, l’égalité hommes-femmes… Enfin, pour la partie gouvernance, on s’interrogera sur l’éthique, une éventuelle charte. Chaque société va devoir se positionner parmi ces douze critères.

Comment les entreprises réagissent-elles ?

K.D. : Beaucoup ne sont pas du tout sensibilisées sur le sujet et n’en mesurent pas les conséquences. L’enjeu, c’est de ne pas en faire une usine à gaz. Nous ne souhaitons pas une surtransposition, qui complexifierait encore plus le quotidien des entreprises, mais d’avoir une démarche de progrès menée ensemble. Charge à nous, commissaires aux comptes, d’être les plus pédagogues possibles, sachant que nous ne pourrons pas nous substituer au chef d’entreprise : nous ne pouvons être juge et partie.
En Europe, cette obligation devrait concerner environ 50 000 entreprises ou groupes. En France, le Haut conseil du commissariat aux comptes considère que cela va concerner entre 6000 et 7000 entités, contre environ 500 aujourd’hui. Par effet de capillarité, ces sociétés vont demander à toutes leurs parties prenantes – clients, fournisseurs – des éléments extra-financiers, de manière à pouvoir avoir une certification pertinente. Et donc, à terme, cela concernera beaucoup plus d’entités.

Qui sera habilité à vérifier ce rapport de durabilité ?

K.D. : L’Europe est consciente que l’on part d’une page blanche, on parle pour le moment d’une attestation et, à terme, en 2028, d’une certification, qui est plus contraignante. La France a fait le choix d’ouvrir cette attestation à d’autres professionnels que les commissaires aux comptes. Trois autres professions ont fait acte de candidature : le réseau Filiance (association qui fédère les cabinets de certification technique tels que Afnor Certification, Anapav, Bureau Veritas…, NDLR), les avocats et les experts-comptables. Sachant que ces professions n’ont actuellement pas les contraintes qui pèsent sur les commissaires aux comptes en matière d’indépendance, de secret professionnel… Nous demandons à ce qu’elles soient soumises aux mêmes contraintes.

[1] European Financial Reporting Advisory Group