Couverture du journal du 26/04/2024 Le nouveau magazine

« Nous vivons le début de la fin du travail humain »

À l'invitation de la CCI Ille-et-Vilaine, Stéphane Mallard, conférencier spécialiste des nouvelles technologies, a bousculé l'auditoire de 150 personnes réunies à Fougères, en partageant sa vision de l'évolution du travail. Entretien.

Diplômé de Sciences Po Paris et de l’Université du Québec à Montréal, Stéphane Mallard a occupé plusieurs postes dans le numérique. Il est l’auteur du livre “Disruption - Intelligence artificielle, fin du salariat, humanité augmentée”.©Alexis Delespierre Photographe

Quel était votre message principal ?

L’IA n’est plus de la science-fiction. Elle va permettre des gains de productivité colossaux et régler des problèmes que l’homme ne sait pas encore résoudre. Les smartphones et les ordinateurs vont disparaître, pour laisser place à des assistants intelligents. Ils traiteront de choses banales telles que l’agenda, les courses, les vacances. Et dans le milieu professionnel, ils géreront les interactions, prendront des décisions stratégiques, seront banquiers, experts-comptables, avocats… Nous baignerons dans un écosystème d’assistants intelligents. Cela amène une réflexion sur le réel. Pourquoi les gens préfèrent regarder Netflix qu’aller en soirée ? C’est une étape de l’évolution. Les humains ne sont déjà ni plus ni moins que des algorithmes, y compris les émotions. La suite logique, c’est que l’homme devienne une machine.

« La fin des professions intellectuelles supérieures : avocats, experts-comptables, médecins, journalistes… »

Vous pensez que l’IA peut remplacer des professions comme les experts-comptables et les avocats ?

C’est le début de la fin du travail humain, particulièrement pour les professions intellectuelles supérieures : avocats, experts-comptables, médecins, journalistes… Dire que l’IA automatise des tâches à faible valeur ajoutée, c’est de la démagogie. C’est ce que fait l’informatique depuis toujours. L’IA automatise des tâches complexes. C’est une bonne nouvelle. Si les machines travaillent à notre place, cela signifie que nous devenons une civilisation mature ; c’est ce que l’Homme a toujours voulu.

« Les humains sont des algorithmes »

Une réglementation plus exhaustive est-elle urgente ?

Le sujet est trop complexe pour être complètement cadré. La réglementation sera toujours contournable. En France, on parle éthique et régulation, alors que le sujet, c’est la prise de risque.

Vous dites aussi que l’IA sonne le glas du salariat, pourquoi ?

Le salariat devient plus cher que des indépendants suréquipés en new tech et IA. Avant, les employeurs margeaient sur la valeur ajoutée du salarié. Maintenant, les freelances cherchent à vendre leur valeur ajoutée sur le marché, c’est différent. Ce sont les plus compétents qui sortent du salariat. On bascule d’un monde employeur/salarié à un monde client/fournisseur. Cette réorganisation totale du monde du travail signe la fin des grands groupes avec de nombreux cadres intermédiaires, les cadres « bullshit ».

« Ce sont les plus compétents qui sortent du salariat. »

Quelles ont été les réactions de l’assemblée ?

Je donne des conférences partout dans le monde et j’ai rarement eu un niveau d’attention pareil. Les questions du public variaient selon le niveau d’appétit pour le risque. Les dirigeants d’entreprises demandaient plutôt dans quels outils investir ; a contrario, les experts-comptables et les avocats se montraient plus inquiets.

Justement, quels outils conseillez-vous ?

Je conseille surtout Perplexity, infiniment plus performant que Chat GPT.