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Protéger un proche fragile : quelles mesures prendre ?

Lorsque l’on sent qu’un proche devient plus vulnérable, il peut s’avérer nécessaire de mettre en place une mesure de protection judiciaire. Quelles démarches sont à mener ? Vers qui se tourner ? Faut-il opter pour une curatelle, une tutelle ou une habilitation familiale ? Maître Mathilde Tersiguel, membre de la Chambre interdépartementale des notaires de la cour d’appel de Rennes, explore les différentes formes de protection permettant de protéger son parent.

©Bruno Astorg

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Maître Mathilde Tersiguel, membre de la Chambre interdépartementale des notaires de la cour d’appel de Rennes, évoque les différentes formes de protection permettant de protéger son parent.

Quand faut-il l’envisager ?

Les mesures de protection judiciaires sont mises en place afin d’assurer la sécurité et la protection des personnes vulnérables incapables de pourvoir seules à la défense de leurs intérêts.

Ces mesures visent à prévenir les abus, à garantir les droits fondamentaux et à assurer une représentation adéquate lorsque cela est nécessaire. Elles sont destinées à protéger un majeur et/ou son patrimoine.

Elles doivent être envisagées dès lors que l’altération des facultés intellectuelles et/ ou la perte d’autonomie de la personne à protéger sont constatées.

Il s’agit bien souvent d’une démarche qui sera réalisée lorsque les proches seront confrontés à la nécessité d’effectuer certaines démarches pour le compte de cette dernière.

Il conviendra alors de saisir le juge des contentieux de la protection qui déterminera la mesure la plus adaptée au degré d’incapacité de la personne à protéger. 1

Bon à savoir

L’article 425 du Code civil définit les conditions permettant l’ouverture d’une mesure de protection : « Toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté peut bénéficier d’une mesure de protection juridique (…). » Cet état devra être confirmé par un médecin expert.

La sauvegarde de justice

La sauvegarde de justice est une mesure courte et temporaire visant à protéger une personne en situation d’urgence, par exemple en cas de perte de discernement lié à une maladie soudaine. Elle permet de mettre en place rapidement une protection dans l’attente d’une évaluation plus approfondie de la situation.

Instaurée pour une durée d’un an, renouvelable une fois, la sauvegarde de justice laisse souvent place à une mesure de tutelle ou de curatelle.

Dans une telle situation, la personne protégée peut être représentée pour accomplir certains actes déterminés, par exemple la vente d’un bien. Un mandataire est nommé pour réaliser ces actes. Celui-ci peut également contester des actes pris par la personne protégée qui seraient contraires à ses intérêts. Toutefois, la personne protégée peut toujours continuer à effectuer tous les actes de la vie civile, exceptés ceux confiés au mandataire.

La sauvegarde de justice est la mesure la moins contraignante.

La curatelle

La curatelle concerne les personnes majeures vulnérables nécessitant d’être assistées ou contrôlées de manière continue.  La personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne et peut effectuer la plupart des actes conservatoires et d’administration, et certains actes de disposition pour lesquels le tuteur peut agir sans autorisation du juge. Elle doit être assistée par un curateur pour les actes de disposition, c’est-à-dire ceux concernant son patrimoine tels que la vente d’un bien immobilier. Concrètement, elle permet au curateur d’assister la personne protégée dans la gestion de ses affaires, sans pour autant prendre toutes les décisions à sa place. La curatelle s’applique de manière plus souple que la tutelle. Elle est adaptée aux situations dans lesquelles la personne protégée conserve un certain discernement et/ou une certaine capacité d’action.

La tutelle

La tutelle est la mesure de protection judiciaire la plus lourde. Elle concerne la personne majeure dont les facultés mentales sont altérées. Elle consiste en un régime de représentation continue dans tous les actes les actes de la vie civile. Celle-ci ne pourra plus gérer son patrimoine, agir en justice, être commerçantes….

Un tuteur est alors désigné pour prendre des décisions en son nom, sur le plan financier, médical ou personnel. Cette mesure vise à garantir une protection complète pour les personnes incapables de prendre soin d’elles-mêmes. En fonction du type d’actes, le tuteur peut agir seul (pour les actes d’administration) ou doit être autorisé par le juge ou par le conseil de famille (pour la plupart des actes de disposition).

L’accomplissement des actes à caractère strictement personnel ne peut jamais donner lieu à représentation. Si le majeur est capable de donner son consentement, il peut les effectuer seul, par exemple la déclaration de naissance d’un enfant.

L’habilitation familiale

Il s’agit donc d’un dispositif relativement récent, destiné à simplifier les démarches des proches d’une personne qui se trouve dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté.

Cette mesure leur permet de saisir le juge afin d’être autorisés à assister, représenter la personne ou passer certains actes en son nom sans recourir aux mesures de protection judiciaire classiques (sauvegarde de justice, tutelle, curatelle).

L’habilitation familiale peut être « générale » ou « limitée à un ou plusieurs actes déterminés ». Les actes peuvent porter sur les biens (biens mobiliers, immobiliers, revenus…) et/ou sur la personne protégée (santé, lieu de vie…).

L’habilitation familiale est donc un mandat familial délivré par le juge à un proche. Cette mesure pourra être prononcée uniquement en cas de consensus familial sur la désignation de la personne habilitée. 2, 3

Quelques chiffres

Fin 2021, 713 700 majeurs sont soit sous curatelle soit sous tutelle.

Parmi eux, 49 % sont des femmes et 51 % des hommes.

Les majeurs sous régime de protection sont âgés, en moyenne, de 60 ans (65,1 ans pour les femmes contre 55,1 ans pour les hommes).

Source : Ministère de la Justice

Faire les bons choix

La mise en place de mesures de protection judiciaire joue un rôle crucial dans la sauvegarde des droits et de la sécurité des personnes vulnérables.

Demandez conseil à votre notaire pour trouver la mesure de protection la plus adaptée à la situation du proche que vous souhaitez protéger. En guidant les parties à travers ces démarches, le notaire veille à ce que chacun puisse bénéficier d’une protection qui réponde à ses besoins spécifiques, dans un souci d’équilibre et de respect de la dignité de chaque individu.

D’autres mesures existantes

Au-delà des quatre mesures de protection des majeures existantes, il existe également d’autres dispositifs de protection juridique :

 

La mesure d’accompagnement judiciaire 

Cette mesure est ordonnée par le juge, sur demande du procureur de la République, par laquelle un mandataire judiciaire à la protection des majeurs perçoit et gère tout ou partie des prestations sociales d’une personne majeure, en tenant compte de son avis et de sa situation familiale. Il exerce auprès de celle-ci une action éducative en vue de rétablir son autonomie dans la gestion de ses ressources.

 

Le mandat de protection future 

Ce mandat permet à une personne de désigner à l’avance (alors qu’elle dispose de toutes ses facultés intellectuelles) un mandataire afin de veiller à ses intérêts dans le cas où il ne serait plus en mesure, en raison de son état physique ou mental, de le faire seul. Le mandat rédigé par un notaire permettra de préciser sans équivoque la volonté du mandant et, en tant que de besoin, de conférer des pouvoirs très larges au mandataire.

 

Une expertise de Me Mathilde Tersiguel, membre de la chambre interdépartementale des notaires de la cour d’appel de Rennes

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