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Ressources Humaines : « Digitaliser pour réhumaniser »

Fondée en 2007 par Philippe de Rosnay et Christophe Dacre-Wright, la plateforme numérique - Applicant tracking system (ATS) pour les initiés - Beetween accompagne les recruteurs à chaque étape du processus d'embauche, de la diffusion des offres jusqu'à l'intégration des nouveaux collaborateurs. D’abord cabinet de recrutement d’une dizaine de collaborateurs, l'entreprise pivote en 2017, pour embrasser la voie du développement technologique. Aujourd'hui, avec une équipe de 80 salariés, dont plus de la moitié basée à Rennes, Beetween consolide son maillage national avec des acquisitions et s’attaque à l’international. Entretien avec Christophe Dacre-Wright, président de Beetween.

©Studio Carlito

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Christophe Dacre-Wright, président de Beetween, logiciel de recrutement en ligne, évoque la nécessite d’une telle plateforme à l’heure actuelle.

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Beetween est un ATS, un Applicant Tracking System, c’est-à-dire ?

Christophe Dacre-Wright. Alors que la digitalisation de la relation client a débuté il y a environ 25 ans, avec l’avènement des CRM (Customer Relationship Management), la transition vers les ATS a démarré il y a seulement sept ou huit ans. L’ATS représente essentiellement la digitalisation d’un processus métier : le recrutement. Notre solution SaaS, enrichie par l’intégration de l’intelligence artificielle, vise à optimiser et automatiser un processus qui, auparavant, pouvait être fastidieux. Imaginez : rédiger une annonce, la diffuser sur chaque site d’emploi pertinent, puis jongler avec une avalanche de CV arrivant en vrac dans sa boîte mail. En digitalisant ce processus, non seulement nous simplifions la vie des recruteurs, mais nous permettons également de diviser par deux les coûts et le temps des recrutements. Le temps libéré peut être réinvesti dans des étapes cruciales du processus, dans le contact humain avec les candidats, comme les entretiens, garantissant des résultats plus probants. Digitaliser pour réhumaniser.

Concrètement, quelles fonctionnalités offrez-vous ?

CDW. La gestion du candidat dans tout son parcours, de façon automatisée ou manuelle. L’envoi de SMS, d’invitations, des outils de matching, de résumé de CV, gestion du vivier… Nous avons des partenaires pour l’assessment (évaluation par des exercices, N.D.L.R.) : les tests d’anglais, de culture générale, informatiques, etc. En France, nous sommes les plus riches fonctionnellement.

Comment s’organise le marché ?

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CDW. Les sites d’emplois, ou Job Boards, ont commencé à émerger il y une vingtaine d’années. LinkedIn, bien que présent, peinait à s’imposer. Les acteurs majeurs étaient alors des noms tels que Indeed, quelques sites locaux, et le géant mondial Monster. Aujourd’hui, leur nombre avoisine les 180, allant des généralistes aux plus spécialisés. Le marché des ATS amorce une ascension fulgurante au tournant des années 2016-2017. À cette époque, les grands éditeurs, tels que SAP et Oracle, dominent le paysage. Maintenant, le marché a explosé de manière spectaculaire. Avec la digitalisation des entreprises et la pénurie de candidats, la demande pour des solutions de gestion des ressources humaines s’est accrue. Cette croissance a entraîné une fragmentation importante du marché, avec l’émergence de concurrents dans chaque coin du globe.
En France, au milieu de cette effervescence, nous nous positionnons en tant que premier ATS indépendant. Nous souhaitons le rester, notre indépendance est une volonté stratégique.

Quel est votre cœur de cible ?

CDW. 100 % des organisations qui recrutent. Nous sommes agnostiques de tout secteur d’activité. Notre Mass Market sont les ETI et les PME. Traditionnellement, les grands groupes ont tendance à se tourner vers des solutions telles que SAP et Oracle, mais nous observons une évolution de cette tendance. 50 % de notre activité provient directement des entreprises elles-mêmes. Parallèlement, nous jouissons d’une forte présence dans le secteur public, où nous réalisons environ 25 % de notre chiffre d’affaires. Nous avons équipé 100 hôpitaux en France. Le reste, soit 25 %, est généré par des entreprises du secteur des ressources humaines.

Comment se porte l’activité ?

CDW. Très bien. L’année dernière, nous avons franchi une étape en passant de 500 à 750 clients. Cette croissance soutenue s’explique par plusieurs facteurs : d’une part, le marché des candidats est de plus en plus compétitif, voire pénurique, et d’autre part, le contexte de digitalisation généralisée. La notoriété joue un rôle crucial, et sur ce point, nous bénéficions d’une prime supplémentaire. Pour accélérer, nous avons levé 2 millions auprès du fonds Elevation. Depuis deux ans et demi, nous avons une stratégie de croissance organique forte. En parallèle nous avons aussi adopté une stratégie de Build Up, qui permet d’aller plus vite, de gagner des parts de marché et de faire entrer des talents. En 2021, nous avons fait l’acquisition de Talents’In, à Marseille, qui comptait une centaine de clients et dix salariés. Le CEO, Cédric Robin, est devenu actionnaire de Beetween et le directeur commercial. Tout dernièrement, nous avons racheté Activitae Emploi, éditeur du logiciel RH Profiler à Toulouse, avec 80 clients et quatre salariés.

Des choix stratégiques sur le plan géographique ?

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CDW. Sur un marché nouveau, les clients ont besoin de proximité. Pour contrer les appréhensions, il faut pouvoir accompagner. Cela permet en plus de rejoindre des réseaux. Nous sommes membre de Produit en Bretagne. Donc, oui, la couverture géographique fait partie de l’équation. Mais c’est aussi des histoires de rencontres. On y va quand on le sent.

Et l’international ?

CDW. Nous ambitionnons de devenir le champion européen. Nous travaillons sur l’ouverture d’un bureau dans un pays de l’Europe continentale. Je ne peux pas dire où car c’est sensible stratégiquement. Nous avons déjà deux commerciaux qui développent le marché espagnol et, par extension, le marché sud-américain. Quelques clients sont basés au Benelux et en Suisse. Au Maroc aussi.

D’autres développements sont-ils à venir ?

CDW. L’innovation doit venir de nous, afin d’augmenter l’expérience du recruteur. Courant 2024, nous prévoyons de mettre à la disposition des recruteurs des fonctionnalités inédites, notamment la capacité de les orienter vers les Jobs boards les plus pertinents, même ceux qu’ils n’auraient pas nécessairement identifiés par eux-mêmes. C’est de la gestion de data. Nous travaillons également sur la mise en place d’une plateforme de partage de CV, dans le respect des normes RGPD, afin de faciliter l’échange de candidatures entre différents acteurs locaux. Par exemple, si un jardinier postule à une offre au CHU de Rennes mais n’est pas retenu, nous souhaitons pouvoir mettre en relation cette candidature avec une opportunité similaire à la mairie de Rennes. Cette approche collaborative, axée sur la coopération locale, vise à trouver le candidat idéal pour chaque poste. Lorsque nous aurons une preuve de concept, nous irons peut-être voir France Travail. Nous pourrions également connecter des cabinets de recrutements pour participer à trouver des candidats le plus rapidement possible.

Est-ce indispensable pour un service RH de s’équiper d’un ATS ?

Marina Sigaud-Biot, manager commerciale Grand Ouest au sein du groupe rennais Hellowork, entreprise spécialisée dans la recherche et l’offre d’emploi (530 salariés, 100 millions d’euros de chiffre d’affaires) :

« Oui, c’est un gain de temps évident. Cela permet de structurer les campagnes de recrutement en interne, de centraliser les informations, de créer des viviers, de multidiffuser, de capter plus vite les candidats en adaptant les modes de communication… Tout cela en étant compatibles avec la réglementation RGPD, ce qui est essentiel. Un ATS permet aussi d’éditer des statistiques, pour savoir d’où viennent les candidats et mettre en place des plans d’actions adaptés. L’intégration de l’IA aide à la rédaction d’offres d’emploi mieux ciblées, employant le bon ton et en cohérence avec la marque employeur, alors que c’est souvent un processus industrialisé dans les entreprises. »

BONUS

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Où avez-vous grandi ?
À Paris. J’ai vécu plusieurs années aux États-Unis et ce qui m’a le plus manqué c’est la beauté de Paris.

Une musique ?
J’aime Lady Gaga mais le dernier concert auquel j’ai assisté était un hommage au papa de Juliette Armanet, salle Gaveau à Paris, très intimiste. Son père est compositeur et c’est grâce à lui qu’elle a appris la musique.

Un endroit dans le monde ?
Minorque, dans les Baléares. J’y vais souvent, presque chaque année.

Une personne inspirante ?
Mon premier boss. Quand il m’a recruté, nous étions 40 salariés. Quand j’ai quitté l’entreprise, douze ans plus tard, nous étions 1 400 avec 30 bureaux dans le monde. Je retiens sa force de caractère. C’était quelqu’un de brillant et très courageux.

Et vous, quel patron êtes-vous ?
Ce n’est pas à moi de le dire (rires) ! Je pense être assez humain.