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Réfugiés ukrainiens : l’intégration reste compliquée

Six millions de déplacés en Europe, moins de 100 000 en France et plus de 5 000 en Bretagne. Deux ans après le début de la guerre, nombre de réfugiés ukrainiens arrivés dans la région font face à des freins liés au logement, la langue, et surtout une administration « trop compliquée ». Raisons pour lesquelles le dispositif Agir a été lancé début mars.

©DR

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En février 2024, ce sont plus de 5 000 personnes déplacées d’Ukraine qui sont présentes en Bretagne ou qui ont transité par la région, mais « le nombre réel de déplacés ukrainiens présents actuellement au niveau régional est complexe à déterminer du fait de leur grande mobilité ». La part de personnes ayant quitté la région pour retourner en Ukraine, se rendre à l’étranger ou dans d’autres régions métropolitaines est estimée à 20 % des personnes accueillies depuis le début du conflit.

Deux ans après le début de la guerre, un millier d’Ukrainiens, presque uniquement des femmes et des enfants, vivent en Ille-et-Vilaine. « Le flux des arrivées enregistrées n’est plus le même qu’il y a deux ans. Certains déplacés ukrainiens sont retournés au pays ou ont rejoint des proches ailleurs en France. En Ille-et-Vilaine, 1 108 autorisations provisoires de séjour (APS) ont été délivrées pour des adultes accompagnés de 274 enfants », indique la préfecture.

« Nous ne savons pas quelle est la marche à suivre »

Oscar Legendre ©UMIH

Oscar Legendre ©UMIH

Louisette Bourdin ©Studio Carlito

Louisette Bourdin ©Studio Carlito

L’intégration pour ces personnes passe par l’emploi. « Nous n’avons toujours pas trouvé le moyen de les faire travailler, l’administration demande du temps. S’ils n’ont pas la carte de séjour, ils ne sont pas autorisés à travailler et malheureusement peu d’entre eux l’ont, commente Oscar Legendre, directeur de L’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie de la Côte d’ÉmeraudeNous avons les capacités de les accueillir en entreprise et de les former mais les démarches administratives sont trop compliquées. C’est dommage. »

 

 

Alla Bondarchuk et sa fille Tetiana, employés chez ABC Texture ©DR

Alla Bondarchuk et sa fille Tetiana, employés chez ABC Texture ©DR

Un constat partagé par Louisette Bourdin, présidente d’ABC Texture à Dinard, qui emploie quatre réfugiés ukrainiens. « Ils sont embauchés en CDI car ils ont une carte de séjour, renouvelable tous les six mois. La difficulté réside dans le fait que si, par malheur, les cartes ne sont pas renouvelées, nous ne savons pas légalement quelle est la marche à suivre. » Dans l’entreprise, les quatre employés travaillent principalement à des postes manutentionnaires, « pas parce qu’ils n’ont pas les compétences pour un autre emploi, mais car la barrière de la langue se fait ressentir. Les cours de français qui leur sont proposés sont sur les horaires de travail et ils ne sont pas prioritaires car ils ont déjà un emploi… Nous nous en sortons de manière « artisanale » avec Google translate, par exemple. » Au-delà de la barrière administrative et de la langue, le manque de logement est la particularité bretonne. « Pour le moment, ils sont dans un logement d’urgence, mais cela ne va pas durer. Ils finiront par démissionner s’ils ne trouvent pas », termine Louisette Bourdin.

Natalia et Oleh Miniailenko, employés chez ABC Texture ©DR

Natalia et Oleh Miniailenko, employés chez ABC Texture ©DR

Nouveau dispositif Agir

Pour remédier à la difficulté administrative, l’Ille-et-Vilaine a adopté, en début d’année, un nouveau dispositif d’accueil et d’intégration des réfugiés, nommé Agir. Le but : « mieux coordonner les acteurs, et fluidifier les parcours », indique Coallia, l’association nationale venant en aide aux réfugiés sur le territoire bretillien, représenté par Élise Trefeu, cheffe de service du dispositif Ukraine.

Lancé depuis 2022, ce programme concerne uniquement les personnes ayant obtenu une protection internationale (réfugié ou bénéficiaire de la protection subsidiaire) ; c’est un « facilitateur » de toutes les démarches d’intégration : santé, travail, formation, logement, langue… Les personnes éligibles seront accompagnées par un binôme de travailleurs sociaux (dont Coallia), pendant un maximum de 24 mois. Un dispositif basé sur une expérimentation déjà testée en Ille-et-Vilaine entre octobre 2020 et décembre 2023, axée sur l’emploi et menée en partenariat avec le Medef 35, qui avait permis à 38 personnes de trouver un emploi durable ou une formation qualifiante.