Couverture du journal du 26/04/2024 Le nouveau magazine

REP Bâtiment : «  Un démarrage très poussif  »

Marie-Laure Le Priol est présidente de la Fédération du Bâtiment du Morbihan et cheffe d’une entreprise de couverture à Pontivy (56). En juin, elle a affiché son mécontentement sur les réseaux sociaux à propos de la mise en place précipitée de la Responsabilité élargie des producteurs (REP bâtiment) et de la gestion de déchets. Entretien.

7 Jours : Pouvez-vous rappeler ce qu’est la Responsabilité élargie des producteurs ?

Marie-Laure Le Priol : Rappelons d’abord que ce principe vertueux du « pollueur/payeur » concerne tous les secteurs depuis 1993. Un principe selon lequel le vendeur doit financer toute la vie du produit jusqu’à son recyclage ou son réemploi. À ce titre, les professionnels du bâtiment participent en payant une écocontribution comme les particuliers le font depuis longtemps sur les appareils électroménagers ou informatiques. Cette contribution est encore faible, mais devrait augmenter progressivement au fur et à mesure que les services adéquats seront mis en place. À terme, nous estimons que son surcoût sur les produits finaux pourrait être compris entre 5 et 7 %.

7 Jours : Votre post ressemblait à un vrai « coup de gueule ». Comment a-t-il été perçu par les professionnels du bâtiment ?

Marie-Laure Le Priol : C’était en réalité, un véritable cri du cœur. Je n’ai jamais eu autant de réactions positives sur aucun de mes posts auparavant ! J’étais particulièrement agacée et je ne suis pas la seule. Je n’ai fait que remonter les informations des autres chefs d’entreprises. De manière un peu vive, je le reconnais, mais il faut bien dire la réalité pour que les choses avancent. C’est aussi mon rôle.

7 Jours : Que reprochez-vous à la mise en place de la Responsabilité élargie des producteurs (REP bâtiment) ?

Marie-Laure Le Priol : Cette REP devait se mettre en place au 1er janvier 2022 puis, après un 1er report, au 1er janvier 2023. Elle est finalement entrée en vigueur en mai dernier. Nous avions demandé un nouveau report pour que l’ensemble de la filière ait le temps de se mettre en place, mais nous n’avons pas eu gain de cause.

7 Jours : C’est justement cette mise en place de la filière qui semble prendre du retard…

Marie-Laure Le Priol : Ce n’est que le début, donc nous comprenons ce retard à l’allumage. Mais il aurait fallu nous écouter… Bref, maintenant que l’obligation est là, nous jouerons le jeu, car c’est le sens de l’histoire. L’objectif de la loi vise à diviser par 2 la quantité de déchets enfouis. Rappelons que le secteur du bâtiment en France produit chaque année 46M de tonnes de déchets contre 39 pour les particuliers. Un seul exemple de cet immense gâchis : 90 % des fenêtres en fin de vie sont enfouies !

7 Jours : Au quotidien, cela se passe comment pour les professionnels du bâtiment ?

Marie-Laure Le Priol : La gestion des déchets est un problème majeur et nous en sommes tous conscients, mais la filière n’est pas prête. Lors de mon dernier chantier de rénovation, j’ai demandé à mes fournisseurs comment faire. Ils m’ont tous renvoyé vers l’Ocab (Organisme coordinateur agréé pour la filière bâtiment), mais cette plateforme n’est pas à jour et beaucoup de sites ne sont pas opérationnels. Si je n’avais pas moi-même fait un repérage au préalable, je me serais retrouvée le bec dans l’eau avec mes déchets. Je suis donc allée à la déchèterie. En fin de compte, je me retrouve à payer 2 fois pour le même déchet.

7 Jours : Quels points vous semblent prioritaires pour que cela fonctionne ?

Marie-Laure Le Priol : Le maillage des points de collecte est encore largement insuffisant. Il faut encore parcourir de grandes distances pour recycler et, pendant ce temps, nous ne travaillons pas. Il y a également un déficit de communication ou de formations des opérateurs. Certains ne savent même pas qu’ils doivent émettre un bon attestant de la traçabilité à chaque dépôt. Enfin, les rares centres de collecte fonctionnels ne sont pas adaptés et il n’est pas rare, d’effectuer les déchargements des camions à la main.

7 Jours : Êtes-vous optimiste pour la suite ?

Marie-Laure Le Priol : Bien sûr, cela va évoluer, mais il va falloir accélérer les choses. D’autant plus que les nouvelles échéances approchent : fin 2023, ce sera la collecte en entreprise et fin 2024, la collecte sur le chantier. Cette loi est une bonne chose, mais elle est peut-être venue un peu tôt…