« Merci de nous faire ainsi l’honneur de votre présence avant que l’Intelligence Artificielle ne prenne le pas sur l’intelligence humaine. » C’est avec humour et bonhomie que le président du tribunal de commerce de Saint-Malo et Dinan, Joël Taledec, ouvre l’année judiciaire. Un brin de légèreté avant la réalité des chiffres de 2023 : 59 redressements judiciaires contre 23 en 2022 (+157 %), 124 liquidations judiciaires contre 98 en 2022 (+27 %), deux procédures de sauvegarde et une sanction commerciale.
Des données que le procureur Fabrice Tremel qualifie « d’augmentation spectaculaire ». Un constat à la fois partagé par Joël Taledec, mais nuancé : « À quoi sert de comparer une année Covid avec une année reprise, une année reprise avec une année remboursements PGE, une année normale avec une année où tous les postes des entreprises ont souffert des augmentations souvent impossibles à répercuter, énergie, pièces d’importation, matières premières et la liste est longue. »
Le président s’inquiète surtout du moral des chefs d’entreprise, dont bon nombre d’entre eux sont des « capitaines fatigués, qui n’y croient plus, qui n’en veulent plus. »
72 entretiens de prévention
Sans surprise, la lueur vient de la prévention, en hausse : 72 entretiens en 2023 contre 35 en 2022. « C’est gratuit, confidentiel et cela marche », scande Joël Taledec. Le procureur Tremel rappelle aussi le rôle du commissaire aux comptes « qui doit lancer des procédures d’alerte » pour attirer l’attention du chef d’entreprise sur les difficultés compromettant l’activité.
La prévention, c’est gratuit, confidentiel et cela marche.
Un nouveau juge
L’audience de rentrée est aussi l’occasion d’installer un nouveau juge : Brice Vauthier, gérant de la librairie L’Étagère à Paramé (Saint-Malo), engagé dans ses fonctions bénévoles pour « être utile » confie-t-il. L’arrivée de ce nouveau juge, encore en activité professionnelle, doit réjouir le président Taledec qui appelle à « un peu de renouveau. Il faut que les jeunes s’intéressent à cette institution car ce sont les actifs qui influeront sur la marche des tribunaux de commerce. » Marche des tribunaux de commerce qui devrait encore évoluer dans le cadre de l’expérimentation des tribunaux des affaires économiques. De quoi laisser sceptique le président. S’il juge l’idée « intéressante », il s’interroge : « Pourquoi chercher encore à diviser ? Les tribunaux de commerce pouvaient très bien endosser les activités des artisans, des exploitants agricoles et des associations, en formant les juges sans bouleverser l’existant. »