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Cadeaux de noël : que faut-il déclarer au fisc ?

Les fêtes de fin d’année et les cadeaux échangés au pied du sapin approchent. Quoi de plus naturel que de remettre un chèque à ses enfants à cette occasion ? Mais alors, faut-il déclarer les cadeaux que l’on offre ? Pour éviter que l’administration fiscale ne s’en mêle, mieux vaut respecter certaines règles. Revue de détail par Maître Aude de Ratuld-Labia, premier syndic à la Chambre des notaires d’Ille-et-Vilaine.

Me Aude de Ratuld-Labia, premier syndic à la Chambre des notaires d'Ille-et-Vilaine, noel

Me Aude de Ratuld-Labia, premier syndic à la Chambre des notaires d'Ille-et-Vilaine ©DR

Le cadeau dans le cadre d’un évènement particulier

Vous pouvez faire un cadeau à l’occasion d’un évènement particulier, comme Noël, un anniversaire, des fiançailles, un mariage, la conclusion d’un PACS, un baptême, ou encore la réussite à un examen, sans que cette faveur soit considérée comme une donation. Le Code civil définit et qualifie ce type de cadeau comme un « présent d’usage ». Il n’a pas à être déclaré à l’administration fiscale, n’est pas imposable et ne sera pas rapportable à la succession du donateur.

La loi ne prévoit aucun seuil pour l’exonération de fiscalité, mais elle précise toutefois que la valeur du présent d’usage doit être modique par rapport à la fortune du donateur (celui qui donne) à la date où le présent est consenti. L’administration fiscale appréciera donc au cas par cas, selon le contexte économique du donateur.

Du cadeau à la donation

Lorsque vous souhaitez faire un cadeau, l’occasion de donner est primordiale. Si vous souhaitez faire un cadeau important en dehors de tout évènement particulier, il n’entrera plus dans la catégorie « présent d’usage » et risque alors d’être requalifié en donation.

À titre d’exemple, la remise par une personne à son fils et sa belle-fille de 16 chèques en 16 mois avant son décès ne peut être qualifiée de présent d’usage. Les sommes étaient modiques par rapport à la fortune du donateur, toutefois le juge a considéré qu’il manquait le caractère occasionnel pour qualifier ces versements de présents d’usage.

Rien ne vous interdit d’offrir, mais il sera alors préférable d’effectuer une déclaration.

Pour cela, le donataire (celui qui reçoit le don) doit remplir le « formulaire 2735 », ou « déclaration de dons manuels et de sommes d’argent », document à déposer au centre des impôts dans le mois suivant le don. La télédéclaration est également disponible via le site « impots.gouv.fr ».

Le fait de déclarer le don n’implique pas nécessairement le paiement de droits de donation. S’il s’agit d’une somme d’argent, celui qui l’a reçue pourra ainsi facilement justifier de l’origine de ce capital en cas de contrôle fiscal. Si le cadeau est un objet (œuvre d’art, meuble…), cette déclaration permettra également de prouver que la personne à qui vous l’offrez en est le propriétaire. Cela peut s’avérer utile par exemple en cas de divorce, lors de la séparation de biens.

Le regard de Maître de Ratuld-Labia

Si vous souhaitez gâter vos proches, le montant de votre cadeau sera qualifié de présent d’usage ou de donation fiscalisée en fonction de votre patrimoine et de vos revenus. À titre d’exemple, Sacha Guitry avait donné à l’une de ses épouses successives un bijou de grande valeur. Il prétendit vouloir le reprendre à l’occasion du divorce. Le bijou avait une grande valeur, mais Sacha Guitry avait d’importants revenus et un train de vie somptueux. Le juge considéra qu’il s’agissait d’un présent d’usage, l’épouse conserva le bijou.

Fiscalité : quelles exonérations ?

Rassurez-vous, le don échappe souvent à toute taxation, car plusieurs exonérations de droits de mutation existent. Les donations sont soumises à l’impôt selon un barème établi, après déduction d’un abattement, qui dépend du lien de parenté entre le donateur et le donataire. Ainsi, si vous donnez à vos enfants, l’abattement (c’est-à-dire le montant que l’administration ne soumettra pas à l’impôt) est beaucoup plus important que si vous donnez à quelqu’un avec qui vous n’avez aucun lien de parenté (par exemple, votre concubin non pacsé sera taxé à 60 %).

L’abattement s’applique aux donations consenties par un même donateur à un même donataire sur une période de 15 ans. Si ces montants ne sont pas dépassés. Il n’y aura donc aucun droit de donation à régler.

A noter : Abattement cumulable spécifique de don de somme d’argent. Il est également possible de consentir un don familial de sommes d’argent, exonéré de droits de donation dans la limite de 31 865 € tous les 15 ans, à condition que le donateur soit âgé de moins de 80 ans et que le donataire soit majeur ou émancipé. Lorsque cette somme non soumise à l’impôt est dépassée, un impôt sera dû. Ce donc, s’il n’est pas constaté dans un acte, devra être enregistré dans le mois de la remise des fonds.

Abattements fiscaux sur les dons

  • Jusqu’à 100 000 € par enfant,
  • 31 865 € par petit-enfant,
  • 5 310 € par arrière petit-enfant,
  • 15 932 € entre frère ou sœur,
  • 7 967 € pour un neveu ou une nièce,
  • 80 724 € entre époux ou partenaire de Pacs.

A savoir, une personne handicapée a droit à un abattement spécifique de 159 325 € qui se cumule avec un autre abattement.

Succession : quelles conséquences ?

Contrairement aux donations, il n’est pas tenu compte des présents d’usage lors du règlement de la succession quand bien même ils prendraient de la valeur (Exemple : un tableau dont la cote a augmenté).

Mais attention, ce n’est pas parce que l’opération n’est pas fiscalement taxable qu’elle ne pourra pas générer de futurs conflits familiaux.

À l’ouverture de la succession, les héritiers pourraient s’interroger sur la nature de la somme d’argent ou des cadeaux reçus par l’un d’eux. S’agit-il d’un présent d’usage, d’un prêt qui doit être remboursé ou d’une donation dont il sera tenu compte dans le règlement de la succession ?

La découverte d’un ou plusieurs dons manuels entraîne chez ceux qui n’ont pas été gratifiés des frustrations importantes qui peuvent aller bien au-delà des considérations matérielles.

L’administration fiscale pourra aussi s’interroger sur la réalité du cadeau. En cas de requalification, il pourrait y avoir une taxation accompagnée d’éventuelles pénalités de retard.

Tant à l’égard de l’administration, qu’à l’égard de la famille, il est toujours possible de régulariser cette situation après coup si « le présent d’usage » n’en était pas réellement un.

Il est envisageable de faire constater le don par un notaire. Le cadeau pourra également être intégré dans une donation-partage qui permettra de rétablir l’égalité entre les enfants.

 

Bon à savoir

L’évaluation du présent d’usage s’effectue au jour de la remise du cadeau. Si jamais le tableau que vous avez offert à votre sœur venait à prendre de la valeur après quelques années, la qualification de présent d’usage ne sera pas remise en cause. Vous ne pourrez pas non plus obtenir la restitution du tableau.

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