Couverture du journal du 26/04/2024 Le nouveau magazine

Convivio, la stratégie fait recette

Plus de 40 ans d’expérience, 275 millions d’euros de chiffre d’affaires, 560 restaurants (scolaires, entreprises...) et 3700 collaborateurs, le groupe familial de restauration collective Convivio est aussi discret que performant. Depuis leur siège implanté à Bédée (35), Grégory et Jocelyn Renou ont repris le flambeau laissé par leur père, poursuivant la dynamique de conquête géographique et menant une politique RSE pragmatique. Un jeu d’équilibriste dans le contexte économique actuel mais qui semble porter ses fruits. Entretien.

À gauche, Jocelyn Renou, directeur général. À droite, Grégory Renou, président. ©thomascrabot.com

À gauche, Jocelyn Renou, directeur général. À droite, Grégory Renou, président. ©thomascrabot.com

7Jours. Comment se porte votre entreprise ?

Grégory Renou. Nous n’avons jamais signé autant de nouveaux contrats, avec une augmentation de 10% de nouveaux clients. Cette réussite est particulièrement marquée dans deux régions, l’Ile-de-France et Rhône-Alpes.

Jocelyn Renou. Face à la concurrence, où des géants tels que Sodexo, Elior et Compass détiennent 85% du marché, notre entreprise a su s’imposer comme une alternative crédible. Confrontés aux crises successives, les petits sont trop petits pour agir. Les gros, sont trop gros pour réagir. Les Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI) ont confirmé leur dynamisme. Nous pouvons nous adapter aussi bien à des marchés individualisés qu’à des contrats plus conséquents. 2023 a été marquée par l’acquisition croissante de gros clients, impliquant entre 1 000 et 3 000 repas quotidiens, souvent des marchés publics. Citons une commune comme Sartrouville (78), 3 600 repas par jour, ainsi que de grandes entreprises telles que Safran à Velizy (78), 1 200 repas quotidiens.

Convivio en chiffres (2023-2024)

Chiffre d’affaires : 275 M€
560 restaurants / 17 cuisines centrales / 3700 collaborateurs /400 000 personnes servies chaque jour
Répartition de l’activité : 52% restauration sur place, 39% restauration livrée, 7% traiteur et restauration touristique, 2% services annexes aux clients (bureau d’études et assistance technique)
Répartition des segments : 64% pour l’enseignement (public et privé), 22% pour les entreprises et les administrations, et 14% pour le secteur médico-social.
20 à 25 % de l’activité réalisée en Ile-de-France
3 brasseries premium : Le Piccadilly et La Taverne de la Marine à Rennes et le Palatium à Laval

7J. La croissance externe est dans l’ADN de votre groupe. Vous avez continué jusqu’à l’alliance avec Mille et Un repas, groupe de restauration collective, basé dans la métropole lyonnaise. Pourquoi ce rapprochement ?

GR. La Bretagne, les Pays de Loire et la Normandie sont des bastions historiques. Nous avons amorcé notre développement dans le Sud-Ouest en 2019; les régions Occitanie et Aquitaine ont beaucoup de potentiel. Pour atteindre une taille nationale, nous devions nous déployer dans l’Est. C’était une nécessité, car l’évolution des exigences des clients, de la réglementation, les demandes des équipes, nous enjoignaient à monter en puissance et seul le changement d’échelle permettait de passer ce cap. L’alliance avec Mille et Un Repas, dont le siège est à Écully, permet de couvrir la moitié Est du pays et de renforcer notre présence dans le Sud-Ouest grâce à son antenne au Pays basque.

JR. Il aurait fallu 25 ans pour se développer seuls. Avec Jean-Frédéric Geolier, fondateur de Mille et Un Repas, nous avons une culture et des valeurs communes. L’entreprise a, comme nous, commencé dans l’enseignement privé. C’était une de nos questions : comment garder les valeurs et la proximité avec les équipes en changeant de taille ? Aujourd’hui, cela fonctionne très bien car chacun conserve son autonomie. Le respect de nos ADN respectifs est un vrai point de réussite.

©Convivio

7J. Le syndicat national de la restauration collective a tiré la sonnette d’alarme en juin sur la santé du secteur, face à la hausse du coût des matières premières et au risque de désengagement des entreprises des marchés publics, rappelant que 80% des marchés publics sont déficitaires. Qu’en pensez-vous ?

Jocelyn Renou ©thomascrabot.com

Jocelyn Renou ©thomascrabot.com

JR. Le prix des marchés publics est un point de complexité, particulièrement depuis une dizaine d’années. Les 24 mois d’inflation ont provoqué un changement de paradigme pour obtenir des produits à un juste coût. En 2022-2023, nous avons engagé des discussions constructives avec nos clients afin de trouver des compromis. Nous avons réussi à trouver un équilibre, et cela ouvre des perspectives prometteuses.

7J. L’activité auprès du médico-social (personnes âgées, handicap…), représente aujourd’hui 14% de votre activité, et devrait, du fait du vieillissement de la population, aller crescendo. Qu’est-ce que cela implique dans votre activité ?

JR. Il s’agit évidemment d’un enjeu d’avenir avec ses défis, à commencer par celui des ressources humaines, travaillant en décalé (soirs et week-ends), pour faire face aux demandes croissantes. Nous travaillons déjà sur des textures modifiées et des régimes particuliers avec nos 30 diététiciennes hygiénistes. C’est un domaine qui nécessite une approche individualisée dans un contexte collectif, avec des contraintes de prix à prendre en compte. Pour le moment, sauf exception, nous n’assurons pas le portage à domicile, mais sommes prestataires pour fournir le repas. C’est le cas avec l’ADMR 35, par exemple.

7J. Dans le contexte de tensions sur les ressources humaines, quelle est votre politique ?

©thomascrabot.com

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GR. Le cliché qu’on ne pourrait pas se faire plaisir en tant que cuisinant colle à la peau de notre profession. Or, la liberté des cuisinants est une des grandes différences que nous travaillons. Nous veillons à ce que les cheffes et chefs soient les patronnes et patrons de leur restaurant, libres du choix des menus et donc des produits, via notre service référencement. En contrepartie, cela implique une responsabilité que ce soit dans l’équilibre alimentaire ou le du budget. Pour les nouveaux collaborateurs, cela demande parfois une adaptation car certains, issus des grands groupes, ont perdu l’habitude de cuisiner.

JR. En 2012, nous avons créé notre propre centre de formation, « QG l’école ». 900 formés depuis sa création.

GR. Nous sommes un groupe familial et nous veillons à garder le lien avec les équipes. C’est un bonheur de voir les évolutions en interne. Je pense à Florence qui est entrée sans qualification et qui est maintenant cheffe gérante d’un restaurant en Normandie.

7J. Egalim, Agec, votre secteur est particulièrement soumis à de nouvelles réglementations. Quel est le bilan ?

JR. Les normes sont parfaitement justifiables du point de vue de la durabilité. Il faut être conscient qu’elles ont un coût, d’autant plus que la réalité de l’inflation est forte, y compris sur des produits dits « conventionnels ». Qui devra assumer ces coûts supplémentaires ? La loi Agec touche particulièrement le portage de repas à domicile, puisqu’elle prévoit des conditionnements réutilisables impliquant deux passages chez les personnes âgées pour récupérer les contenant, les laver, les désinfecter, puis les réinjecter dans le circuit. Sans compter une part de perte. Cela aura inévitablement un impact sur le prix.

7J. Justement, comment procédez-vous pour le sourcing des produits ?

Grégory Renou ©thomascrabot.com

Grégory Renou ©thomascrabot.com

GR. Nous avons notre propre service de référencement, qui développe le sourcing de produits locaux. Et nous travaillons sur les filières d’achat circulaire. Nous avons commencé avec le porc, par un engagement avec deux GAEC bretons sur des niveaux de volume et de qualité, et un accord avec un industriel, Bernard Jean Floc’h, qui transforme et assure la logistique. Cette filière d’achat circulaire, qui garantit de la visibilité à tout le monde, fonctionne bien depuis trois ans. Nous dupliquons avec la filière volaille dès 2024. À ce jour, 70% de la volaille servie en restauration collective est étrangère. Convivio a adhéré, dès 2018, à l’Association de promotion de la Volaille Française, pour assurer aux clients l’origine française des volailles entières proposées dans nos restaurants : nous sommes la seule société de restauration collective à assumer un tel engagement ! Avec notre filière volailles, nous allons un cran plus loin car les producteurs répondent aux exigences de l’European chicken commitment.

7J. Quels sont vos engagements contre le gaspillage alimentaire ?

GR. Fin 2023, 10 sites seront engagés dans la démarche « Zéro Gaspil’ », lancée en 2007 par Mille et Un Repas. Des flux différents, des contenants collectifs… Résultats : le volume de déchets est divisé par 4, + 50% de légumes verts consommés, moins de stress dans le restaurant, moins de vaisselle. Toutes les cases RSE sont cochées. C’est une révolution pour la restauration scolaire sur place, qui fait tomber des dogmes instaurés depuis 50 ans (la chaîne, le contenant individuel, etc) qui limitent le choix de la prestation, de la quantité, du moment et du déplacement. La meilleure approche est la liberté.

 

Bonus

Grégory, vous avez 47 ans, vous êtes l’aîné. Jocelyn, vous avez 39 ans. Qui est vraiment le chef ? Grégory : « Je suis le président mais les lignes sont en train de bouger. Jocelyn a la responsabilité de nombreux sujets transversaux. »
Un trait de caractère de l’un et l’autre ?  Jocelyn sur Grégory « Dynamique ! Grégory est toujours dans l’action et le développement. » Grégory sur Jocelyn : « Exigeant. Jocelyn est dans le détail. Il va en profondeur, là où j’aurais tendance à survoler. »
Un sport ? Grégory : « Je suis supporter du Stade Rennais. Nous avons nous-mêmes joué au foot. » Jocelyn : « Je prépare le marathon de New-York que je vais courir avec mon épouse. »
Un mantra ? « La convivialité. »