Couverture du journal du 26/04/2024 Le nouveau magazine

[Dossier édition]. L’édition indépendante : une aventure qui a du sens

En marge des grandes maisons d'édition, des passionnés se sont lancés dans l'aventure de l’édition indépendante. Ces artisans du livre ont tous un point commun : une passion pour leur métier et l’envie de faire bouger les lignes de la filière. Rencontre avec 4 éditeurs bretilliens.

Xavier Dollo et Simon Pinel, des éditions Argyll ©DR

Xavier Dollo et Simon Pinel, des éditions Argyll ©DR

Simon Pinel, éditions Argyll

« Avec mes associés, nous voulions une maison d’édition plus éthique : mieux rémunérer les auteurs et des contrats moins contraignants. Nous proposons aux auteurs un forfait décorrélé des droits d’auteurs (500 euros pour le moment), pas un à-valoir ce qui fait que l’auteur n’est jamais débiteur. Les droits d’auteur sont touchés dès le premier exemplaire vendu. 12% pour le papier, 25% pour le web, 50% en direct.
Nous avons une double spécificité. D’abord structurelle : nous sommes une coopérative (une SCIC, ndlr) et avons diversifié nos activités avec une librairie* et un incubateur. À partir de septembre, tous les auteurs auront des parts de la coopérative. Notre particularité est aussi littéraire. Nous publions de la littérature de genre aux thématiques sociale et sociétale : policier, historique, imaginaire. La clarté de la ligne éditoriale est essentielle pour les plus petites structures. Il faut être identifiable. Cela passe également par l’identité graphique. »

Coup de coeur de la rédac’ :

Comment écrire de la fiction ? La Charpente du récit, de Christophe Lambert. À paraître le 31 août.

Et les gens qui ne sont rien, de Christophe Nicolas. Un polar social.

*L’Astrolabe 20 place Lucie et Raymond Aubrac, 35700 Rennes

Céline Lefeuvre, éditions Panthera

Marianne et Cécile des éditions Panthera ©LilianHéliot

Marianne et Cécile des éditions Panthera ©LilianHéliot

« Avec Marianne, mon associée, nous aspirons à dépoussiérer le fonctionnement pyramidal et patriarcal de l’édition. Nous avions envie de faire différemment pour recréer un lien humain qui s’est perdu dans la chaîne du livre. D’avoir une maison d’édition plus collective et participative. Les livres que nous publions épousent les nouvelles façons de faire de la société, abordent l’écologie, la nature… Nos premiers titres sont sortis en janvier. Nous en avons déjà publiés 6 à ce jour, dans nos collections adultes et jeunesse, 4 sont encore à venir pour cette année, dont un reportage illustré sur une pêcheuse algocultrice en Bretagne. Nous sommes diffusées par Harmonia Mundi Livre, un diffuseur indépendant, le plus gros des petits. L’augmentation du prix du papier, qui a pratiquement doublé, a bousculé nos prévisionnels, néanmoins nous pensons pouvoir nous rémunérer toutes les deux début 2024. »

Coup de coeur de la rédac’ :
L’Âme des grappes bleues, de Pauline Dupin-Aymard et Clara Debray, un reportage illustré sur une vigneronne du Sud-Ouest.

Mathieu Renard, Lendroit éditions 

Mathieu Renard, fondateur de Lendroit éditions ©S.se7Jours

Mathieu Renard, fondateur de Lendroit éditions ©S.se7Jours

« Lendroit éditions est une association de loi 1901 créée en 2003 et qui vient de fêter ses 20 ans. (54 000 euros de chiffre d’affaires en 2022 pour 2 employés). C’est une association qui a pour objectif de promouvoir, exposer et produire des éditions d’artistes, de l’art imprimé. Une quinzaine d’artistes sont édités chez nous chaque année, des locaux ou venant du monde entier. Nous sommes les seuls en France à être à la fois libraires, éditeurs et galéristes sur ce champs de l’art contemporain, c’est notre singularité dans le territoire. Nous sommes dans un domaine qui intéresse énormément de monde mais qui reste une niche. Nous sommes donc des structures qui, sans aides publiques, auraient bien du mal à survivre. Une grosse partie de nos missions englobe le travail avec des scolaires, et n’est donc pas rémunérée. Nous avons des ressources propres puisque l’on vend nos productions mais cela ne permet pas d’en vivre économiquement. Notre principal subventionneur est Rennes métropole, puis la Région, la DRAC Bretagne et le département d’Ille-et-Vilaine, et également de mécénat privé. Nous travaillons par exemple avec Art norac, une association de mécènes qui nous aide pour un projet mené dans la rue depuis 2019, nommé 4X3*. Tous les artistes exposés ou édités sont rémunérés sur de la longue durée. Le prix du papier ayant beaucoup augmenté, nous sommes impactés depuis deux ans et cherchons donc une manière de perdurer et de nous renouveler. »

Coup de coeur de la rédac’ :
L’exposition des affiches L’art en 4×3* qu’évoque Mathieu Renard, de grands panneaux visibles avenue Aristide Briand à Rennes. Exposer le travail en grandeur nature pour remplacer la publicité en ville, simple et pourtant ingénieux.

Sylvain Bertrand, Éditions du commun 

Les trois dirigeants-associés, Sylvain Bertrand, Juliette Rousseau et
Benjamin Roux ©DR

Les trois dirigeants-associés, Sylvain Bertrand, Juliette Rousseau et
Benjamin Roux ©DR

« Nous sommes une maison d’éditions de critique sociale et politique créée en 2015 (3 associés-salariés pour 10 auteurs édités à l’année), et nous éditons environ 10 livres par an et 2 revues. Structure portée par une autre association à nos débuts, nous avons pris notre autonomie en 2017. Nous recevons des subventions de Rennes métropole et de la région Bretagne principalement pour notre fonctionnement, allant jusqu’à 20 000 euros avec la Région et 6000 euros avec Rennes métropole. Cela reste une part non négligeable de notre chiffre d’affaires (200 000 euros pour l’année 2022-2023). nous avons lancé notre système d’abonnement en 2018 car nous avons voulu à la fois trouver un système innovant et qui nous permette de savoir un peu en avance combien de livres nous allons vendre et en même temps d’offrir l’opportunité de découvrir des livres que les lecteurs n’auraient pas forcément acheté sans cet abonnement. Cette campagne nous permet à la fois d’avoir une trésorerie pour gérer le flux tendu, notamment avec la hausse du prix du papier et de l’énergie. On a eu deux-trois années qui ont très bien marché grâce à elle, notamment l’année 2020 où nous avons eu près de 450 abonnés. L’année 2022-2023 est une année un peu catastrophique pour le milieu du livre, la hausse des prix du papier a fait prendre 40% à nos livres. Nous décidons pour l’année à venir de faire une offre unique. Nous voulons être transparents sur notre modèle auprès des autres maisons d’édition. »

Coup de coeur de la rédac’ :
Classer nos manières de parler, classer les gens, par Malo Morvan. « La question des classements linguistiques est omniprésente dans nos quotidiens et a des effets sur la manière dont nous intériorisons des jugements sociaux plus ou moins légitimes. Ce livre contribue à les déconstruire. »