Couverture du journal du 03/05/2024 Le nouveau magazine

« Entreprendre, ce n’est pas seulement pour être riche »

Réunis par le Poool x La French Tech Rennes Saint-Malo mi-avril, au Digital Square de Rennes, investisseurs, start-up, acteurs du financement et pouvoirs publics ont échangé lors d’une table ronde “Investissement en start-up : décryptage des nouvelles règles du jeu”. Une rencontre en présence de Paul Midy, député (Renaissance) et ancien entrepreneur, à l’origine du dispositif de soutien aux start-up et PME innovantes, « Jeunes Entreprises ». Cinq points à retenir.

Matthieu Jarry, Juliette Jego, Lucile Bunouf et Paul Midy ©S.Se7Jours

 

 

« Dans un contexte compliqué économiquement, notre combat est de continuer à donner envie d’entreprendre », évoquait, en ouverture, Daniel Gergès, directeur du Poool. Un sujet d’actualité, d’autant que « les start-up et PME innovantes représentent un tiers de notre capacité au plein emploi, et la transition écologique ne se fera pas sans elles », ajoutait le député Paul Midy, à l’origine du dispositif en place depuis le 1er janvier.

 

L’objectif ? Mobiliser 3 milliards d’euros supplémentaires par an pour les start-up et PME innovantes, alors que les levées de fonds ont fondu depuis la mi-2022, « jusqu’à – 40 % ». Des financements qui aideront à créer 200 000 emplois dans les prochaines années.

 

Comment convaincre les investisseurs sans chiffre d’affaires ?

« Nous n’avions aucun chiffre lors de notre première levée de fonds. L’idée était de créer une relation avec les investisseurs mais comprendre les termes des contrats était compliqué », commence Juliette Jego, cofondatrice de Jabi, société proposant un logiciel de résidence service pour les seniors. Comme Jabi, il est compliqué pour de nombreuses start-up de se lancer dans le casse-tête des levées de fonds.

 

L’important, « c’est d’être accompagné. Il y a un réel sujet de préparation à l’exercice. Le vrai investissement est sur les fondateurs, surtout en seed et pré-seed », pour Matthieu Jarry, dirigeant de The Moon Venture, société de capital-risque rennaise.

 

Comment avoir la culture de l’investissement en entreprises ?

En France particulièrement, le sujet de l’investissement dans des entreprises reste divergent. « Il y a un historique assez faible d’initiation à l’investissement. Il faut arrêter de penser que les investisseurs sont seulement dans des logiques de rendement. Certes, investir est un risque, mais investir dans une entreprise crée un cercle vertueux », évoque Lucile Bunouf, cofondatrice d’Asteryos et de la plateforme de crowdfunding MyOptions.

 

Il est ainsi « important de faire des rencontres avec des start-up, savoir dans quoi on se lance, continue Matthieu Jarry. La clé est de définir dès le début le montant que l’on est prêt à perdre en tant qu’investisseur. Mais aussi la diversification : pas de gros montants mais de nombreux petits pour prévenir les éventuelles faillites ».

 

Quels leviers pour aider les entrepreneurs et les investisseurs ?

D’abord, le dispositif « Jeunes entreprises » « au sujet duquel nous attendons un décret d’ici à quelques jours de la part du ministre de l’Économie ouvrant le dispositif aussi aux JEIC (Jeune entreprise innovante, de croissance, ndlr), précise Paul Midy, à l’origine du dispositif. Quand on a un peu d’argent dans ce pays, il y a beaucoup d’incitations fiscales et la moitié vont dans le logement, des investissements sans risque. Grâce à ce dispositif, il y a une nouvelle incitation fiscale pour les JEI. »

 

Attention cependant pour Lucile Bunouf, « faites un rescrit et informez-vous car vous ne relevez pas forcément des statuts JEI ou JEIR ( jeune entreprise innovante de recherche, ndlr). Les conséquences derrière sont compliquées. »

 

L’éducation financière française est-elle au niveau ?

« J’aurais aimé être un peu plus éclairée dans l’entrepreneuriat quand je me suis lancée, c’est une grosse pression, notamment le stress constant de la trésorerie », lance Juliette Jego.

 

Dès le plus jeune âge, l’enjeu de l’éducation financière pose question. Malgré le nombre croissant de start-up, « il faut expliquer ce qu’est l’entrepreneuriat. Une start-up, ce n’est pas une entreprise où l’on joue au baby-foot. Entreprendre c’est compliqué, tout le monde n’est pas prêt à le faire. Ce n’est pas seulement pour être riche », résume Lucile Bunouf. « Il faut que l’on embarque beaucoup plus les jeunes de tous les milieux, plus largement qu’il y ait une véritable éducation financière au plus tôt. La France a du retard à ce sujet », confirme Matthieu Jarry.

Par ailleurs, il faut, « une communication plus approfondie concernant l’entrepreneuriat, aussi percutante que l’émission « Qui veut devenir mon associé ? »», terminent les intervenants.

 

Qu’attendre des prochaines années ?

Une reprise des levées de fonds, après une période de diète, selon le député. « J’espère que la Banque centrale européenne va baisser ses taux pour faire repartir les levées de fonds d’ici à la fin de l’année. » Et d’ajouter que « concernant le dispositif, j’aimerais l’élargir et donner davantage aux sociétés Esus (entreprise solidaire d’utilité sociale, ndlr) à l’avenir ».