Couverture du journal du 03/05/2024 Le nouveau magazine

Keralia : Refonte & ambition

En 2021, le groupe Serafel, fondé en 1971, écrit une nouvelle page en se rebaptisant Keralia. Établi à Louvigné-du-Désert (35), le groupe familial de 140 collaborateurs s'est recentré sur trois métiers : le traitement de l'eau, l'hygiène et l'énergie verte. Cette transformation s'accompagne d'une restructuration autour de cinq marques - Ocene, Sonedes, Okermad, Eneco et Val'id - et d’une évolution de la gouvernance. Keralia, très présent sur le Grand Ouest, active son expansion à l'échelle nationale, tout en préparant des projets d'exportation. Entretien avec Jean-Philippe Crocq, président depuis quatre ans de ce groupe en mutation.

Keralia, présidé par Jean-Philippe Crocq, c'est trois grands métiers - le traitement de l'eau, l'hygiène industrielle et l'environnement - déclinés en cinq marques : Ocene, Sonedes, Okermad, Eneco et Val'id.©Studio Carlito

Chez Keralia, l’accueil est chaleureux. Unik, labrador en formation aux côtés d’un collaborateur de l’entreprise pour devenir Handi’chien, fait cela de bon cœur. Un accent familial qui se poursuit avec la présence dans les murs ce jour-là de Jean-Claude Crocq, fondateur du groupe et père de l’actuel président, Jean-Philippe Crocq. « Je suis président du conseil de surveillance, une manière d’occuper le vieux », plaisante l’octogénaire. En 1971, il pose la première pierre d’un groupe qui réalise aujourd’hui 19 millions d’euros de chiffre d’affaires consolidé et embauche 140 personnes.

Keralia, c’est trois grands métiers – le traitement de l’eau, l’hygiène industrielle et l’environnement – déclinés en cinq marques : Ocene, Sonedes, Okermad, Eneco et Val’id. Le groupe s’est diversifié en transposant son savoir-faire originel des marchés agricoles, au travers de l’aménagement de bâtiments d’élevage, vers les marchés industriels et les collectivités.

Une gouvernance remodelée

Si la famille Crocq est à la tête de la holding Keralia Participations qui détient 60 % du capital du groupe, les associés de Glaz Participation sont entrés au capital en avril 2023. Un besoin en financement de 2 millions d’euros provenant à la fois de la famille Crocq et de Glaz Participation. Cette société réunit trois associés : Lionel Burlot, entrepreneur, Philippe Vitoria, ancien DG de Venetis (56), et Patrice Coïc, expert-comptable.

Jean-Philippe Crocq entouré de Philippe Vitoria et Lionel Burlot de Glaz Participation  ©Studio Carlito

Jean-Philippe Crocq entouré de Philippe Vitoria et Lionel Burlot de Glaz Participation ©Studio Carlito

Pour mettre en œuvre une nouvelle stratégie, la montée au capital de Glaz s’accompagne de l’arrivée opérationnelle de Lionel Burlot et Philippe Vitoria, devenu, depuis, le directeur général de Keralia. « Une refonte nécessaire pour porter une vision claire », explique Jean-Philippe Crocq.

Objectif 2027 : tripler le chiffre d’affaires

L’équipe dirigeante de Keralia nourrit une ambition : devenir, en 2027, un opérateur national, une ETI de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires et de 250 collaborateurs.

Pour cela, « il fallait travailler notre repositionnement, resserrer les capacités d’investissement, pour une question de cohérence stratégique », précise le président du groupe. Une tâche à laquelle il s’attelle dès 2021, le groupe Serafel devient Keralia et cède ses activités BtoC, « très gourmande en trésorerie et manquant de rentabilité ». 

Adaf, première société créée par Jean-Claude Crocq de matériels et équipements pour les bâtiments élevages, fait l’objet d’une cession « à un confrère »« Nous atteindrons l’objectif avec un développement équilibré de nos trois métiers et de la croissance externe autour de 2025, soit une extension géographique en France, soit technologique. Nous sommes à l’écoute de propositions. Nous projetons également d’exporter de façon plus importante que nous le faisons actuellement. Nous visons le petit export – Europe, Maghreb. « 

En 2022, Keralia investit 200 000 € dans l’innovation. « Un an et demi après la réorganisation, nous avions de nouveaux produits qui sortaient. Nous avons rendu l’entreprise agile. »

L’eau, un métier historique

La réorganisation s’opère autour de cinq structures. À commencer par Ocene. Le traitement de l’eau est un métier historique du groupe, d’abord pour les agriculteurs, puis pour les industries. Il pèse pour 50 % de l’activité de Keralia, soit 8 millions d’euros de chiffre d’affaires et plus de 15 000 installations. Une activité qui ne devrait pas connaître la crise au vu de la disponibilité de la ressource et de l’augmentation des épisodes de sécheresse.

Dernière innovation en date, Ekorain permet de récupérer et traiter l’eau de pluie pour l’abreuvement des animaux d’élevage. Soit, un conteneur “prêt à brancher”, qui permet d’obtenir une eau bactériologiquement saine en collectant l’eau de pluie sur les toitures des bâtiments, avant qu’elle ne subisse un traitement d’ultrafiltration. « La récupération d’eau de pluie avec Ekorain permet de couvrir jusqu’à̀ 70 % des besoins en eau sur une exploitation. Nous nous inscrivons pleinement dans le cadre du Plan Eau (53 mesures présentées par le gouvernement en mars 2023, ndlr) », qui a un objectif de -10 % d’eau prélevée d’ici à 2030.

Concrétisation supplémentaire du Plan eau, la publication du décret Reut début 2024, qui prévoit un taux de réutilisation des eaux usées de 10 % dans les industries agroalimentaires, devrait impacter positivement les affaires de Keralia.

La diversification vers les campings et les stations de lavage automobiles

La gamme Ocene s’est élargie pour inclure des solutions de traitement et de stockage adaptées aux besoins des campings et des centres aquatiques. « Beaucoup de directeurs de camping sont d’anciens éleveurs. » Le complexe touristique de Dol-de-Bretagne (35), le Domaine des Ormes, compte parmi les clients.

Autre champ d’application, les stations de lavage de voitures, très consommatrices d’eau. Le lavage de voitures représente jusqu’à 6 % de la consommation d’eau annuelle en France. Ocène propose un système de récupération et traitement des eaux usées. « Jusqu’à 90 % de l’eau utilisée lors d’un cycle de lavage peut être réutilisée. »

Création de Sonedes en 2023

Née de l’alliance entre la société malouine LHM et le département hygiène de Ocene, la filiale de Keralia dédiée à l’hygiène industrielle atteindra 5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2024, soit 30 % de l’activité du groupe. Tunnels de lavage, bras de lavage des convoyeurs, lave-bottes… Sonedes équipe les sites industriels de solutions qui « facilitent le travail des opérateurs, réduisant les TMS, et économisent les ressources. » Zeiss et Safran, voisins fougerais, sont clients.

Dans un autre domaine d’activité, Val’id, une composante historique du groupe, est spécialisée dans le développement de stations de compostage accéléré et de grande envergure. Avec près de 400 sites équipés à travers la France, Val’id se présente comme « le leader du marché ». La société fournit notamment le cœur du système de compostage pour un site à Périgny (17), destiné à desservir l’ensemble de l’agglomération de La Rochelle.

Okermad avec Okwind et See you Sun

Structure en croissance au sein du groupe, Okermad génère 2 millions d’euros en 2023. Pour répondre à la forte croissance de son marché, Okwind fait appel à cette entité de Keralia pour l’installation et la mise en route de ses trackers solaires sur le territoire national auprès des éleveurs, exploitants agricoles et sites industriels désireux de réduire leurs charges et d’augmenter leur indépendance énergétique. 

Fondée en 2009 par Louis Maurice, la société Okwind, implantée à Torcé, connaît une croissance exceptionnelle marquée par une introduction en Bourse en 2022. Elle réalise 42 millions d’euros en 2022 et 82,5 millions en 2023. « L’objectif pour Okwind est de déployer 3 000 trackers par an, nous faisons partie des fournisseurs. »

Cette filiale de Keralia développe, dans le même esprit, un partenariat avec See You Sun, qui installe et exploite des centrales photovoltaïques en ombrières et toitures partout en France. Fondée en 2017 à Cesson-Sévigné, See You Sun a développé un parc de 800 centrales photovoltaïques en exploitation et un portefeuille de 2000 projets en phase de permis de construire.

L’entreprise d’électricité verte compte 30 filiales territoriales, 50 collaborateurs pour 50 millions d’euros de chiffre d’affaires, avec une croissance de 160 % cette année. Elle a d’ailleurs reçu le prix de la croissance responsable aux Oscars d’Ille-et-Vilaine.

Cinq choses à savoir sur Jean-Philippe Crocq

1. Depuis novembre 2021, il remplit la fonction de président de la CCI d’Ille-et-Vilaine, pour un mandat de cinq ans. Quant à un éventuel second mandat : « Je suis actuellement à mi-parcours et je n’ai pas encore pris de décision définitive à ce sujet ».

2. Il a été biberonné à la CCI. Son père, Jean-Claude Crocq, a présidé la CCI de Fougères de 1985 à 1994, puis a été président de la CCI de Région pendant deux mandats, de 1995 à 2003.

3. Ses racines plongent dans le monde du commerce et de l’industrie. Son grand-père maternel était ouvrier dans la chaussure chez JB Martin, tandis que son grand-père paternel était crémier dans le quartier ouvrier de Bonabry à Fougères.

4. Il a une formation d’audioprothésiste.

5. Musicalement, il apprécie particulièrement Rage Against the Machine.