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La ferronnerie d’art à Rennes : une vieille tradition

La ferronnerie d’ornement est un art méconnu. Et pourtant, dans les rues et les monuments de Rennes, le talent des ferronniers d’art force l’admiration : balcons, grilles, rampes d’escalier…

La ferronnerie d’ornement est un art méconnu. Et pourtant, dans les rues et les monuments de Rennes, le talent des ferronniers d’art force l’admiration : balcons, grilles, rampes d’escalier…

À Rennes, la ferronnerie s’épanouit après l’incendie de 1720. Dans la ville haute reconstruite sur les plans de Robelin et de Gabriel, balcons et garde-corps rehaussent les façades des immeubles de granit et de tuffeau. En témoigne le balcon qui surmonte la porte d’entrée du Parlement : des enroulements de fer plat, des arabesques et des volutes se déploient de part et d’autre du monogramme royal, deux « L » entrelacés, rehaussés d’or.

De véritables artistes

À l’Hôtel de Blossac, 6 rue du Chapitre, Jacques Gabriel souligne l’élégance de la rampe d’escalier, d’après un dessin de Vallée, maître-serrurier à Versailles. Il suggère de s’en inspirer pour l’escalier de l’Hôtel de Ville dont il est l’architecte. (ci-dessus)

Parmi les serruriers rennais, un véritable artiste : Jean Guibert. En 1781, il signe la chaire de la basilique Saint-Sauveur de Rennes (ci-contre). Sur la rampe et la cuve : des motifs d’inspiration religieuse très finement ciselés et dorés (vases de piété, évangiles, Trinité, colombe du Saint Esprit, palmes et mascarons rayonnants) ainsi qu’un pélican nourrissant ses petits. Jean Guibert est aussi l’auteur de la grille des fonts baptismaux ornée des symboles eucharistiques (grappes de raisin, épis de blé).

Quand la fonte concurrence la ferronnerie

Sous la Monarchie de Juillet, la fonte concurrence la ferronnerie. Elle se prête à toutes sortes de décors : les grilles de communion de la cathédrale de Rennes (1838), des balcons de style Empire (3 rue de Montfort et 14 rue Le Bastard), des portes cochères avec médaillons Renaissance choisis dans les catalogues de la fonderie parisienne Ducel (7, 9, 11 rue Victor Hugo en 1845, 18 rue de Nemours en 1848).

Au Second Empire, le fer forgé renaît dans la rampe d’escalier de l’Hôtel du Commandement rue de Corbin, alors habité par la Princesse Bacciochi et dans les grilles d’honneur de la Préfecture. Celles du jardin du Thabor, réalisées entre 1873 et 1875 (ci-contre) d’après un dessin de Jean-Baptiste Martenot, sont imitées des grilles du parc Monceau à Paris. Le fer forgé se prête plus tard aux extravagances de l’Art Nouveau (grilles de l’immeuble de l’architecte Charles Couäsnon, place Hoche), puis à la géométrie de l’Art Déco, telles les grilles de la piscine Saint-Georges et celles de la Chambres des métiers forgées par Théodore Briand dans l’esprit des Seiz Breur.

Le bruit du marteau sur le métal chaud

Si la ferronnerie décline après la Seconde Guerre mondiale, elle renaît aujourd’hui dans la création contemporaine et dans la restauration des monuments anciens. À Rennes, l’entreprise Rémi Crézé (« Entreprise du patrimoine vivant ») est réputée pour son excellence. Depuis 1898, cette maison est spécialisée dans la serrurerie, la métallerie et la ferronnerie d’art.

En 2018, Rémi Crézé a reçu à l’hôtel de Blossac, des mains de Michel Roussel, Directeur des Affaires culturelles, la médaille de chevalier des Arts et des Lettres pour son parcours exemplaire de compagnon et de chef d’entreprise. La maison Crézé contribue au rayonnement du patrimoine français en apportant son savoir-faire à de nombreux chantiers des Monuments historiques.

Parmi ses dernières réalisations à Rennes : l’autel et l’ambon de la basilique Saint-Sauveur ; la restauration du kiosque du Thabor ; de la verrière des Galeries Lafayette ; des grilles en fer forgé du Palais de la République. À Paris, l’entreprise Crézé a rénové les ferronneries de l’hôtel de la Marine, de la Place Vendôme, les grilles, les portails et les mascarons dorés du Palais Garnier…

« On reconnait le forgeron au bruit du marteau sur le métal chaud » aime à rappeler Rémi Crézé. Pour lui, « les artisans sont des passeurs de culture par la mémoire du geste. »

 

Entreprise Rémi Crézé, serruriers, métalliers, ferronniers d’art depuis 1898 , 20 rue Jacqueline Auriol , 35136, Saint-Jacques-de-laLande.