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Les avantages de la donation-partage

La donation-partage permet de transmettre et de répartir, de son vivant, tout ou partie de ses biens entre ses héritiers. Elle diffère de la donation simple en ce qu'elle comporte également un partage, lequel ne pourra être remis en question à l'ouverture de la succession du donateur. La donation-partage a donc une double fonction de transmission et de répartition du patrimoine entre les futurs héritiers. Ainsi, elle permettra de prévenir les conflits familiaux liés à la succession, puisque la répartition des biens est décidée en amont par les donateurs, permettant ainsi d’apaiser les éventuelles tensions entre héritiers lors de la succession.

Maître Mathieu Bohuon, membre de la Chambre interdépartementale des notaires de la cour d’appel de Rennes©DR

La donation-partage doit être constatée par un acte authentique (établi par un notaire), réunissant les parents donateurs et leurs enfants ou petits-enfants donataires, constatant ainsi leur acceptation sur les lots qui leur sont attribués.

Quels sont les avantages d’une donation-partage ?

Il faut d’abord distinguer deux types de donation-partage :

  • la donation-partage en pleine-propriété, qui permet à ses bénéficiaires de percevoir immédiatement un patrimoine sans attendre la succession du donateur,
  • la donation-partage en démembrement (donation de la nue-propriété aux enfants) qui permet aux parents donateurs de conserver la jouissance des biens ou leurs revenus locatifs en s’en réservant l’usufruit.

 

La donation-partage offre l’avantage d’attribuer définitivement en nature le bien donné à son bénéficiaire. En effet, elle ne sera pas rapportable au moment de la succession du donateur si chacun des enfants reçoit un lot égalitaire. En pareil cas, le règlement de la succession ne portera plus que sur le patrimoine résiduel au décès.

À l’inverse, un bien ayant fait l’objet d’une donation simple à un futur héritier sera rapportable à la succession : cela signifie que le bien donné fera partie, par principe en valeur, de la masse à partager entre héritiers, après réévaluation au jour du partage !

La donation-partage permet ainsi au donateur de figer définitivement la valeur des biens donnés au jour de l’acte de donation. Cela signifie qu’il n’y aura pas de réévaluation au moment du décès pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible en présence d’héritiers réservataires (enfants).

Cela peut se faire à condition que tous les héritiers réservataires aient reçu un lot dans le partage anticipé et qu’aucune réserve d’usufruit sur une somme d’argent n’ait été prévue. En effet, les biens ayant fait l’objet d’une donation simple sont à l’inverse réévalués au jour du décès pour garantir l’égalité entre héritiers réservataires.

La donation-partage inégalitaire : si tous les descendants ne reçoivent pas un lot d’égale valeur, la donation reste valable mais le donateur doit, dans ce cas, veiller à respecter la part de réserve de chacun. Il peut donc avantager l’un des gratifiés, mais dans la limite de la quotité disponible, en stipulant une partie de la donation hors part successorale.

Qui peut bénéficier de la donation-partage ?

La donation-partage peut être consentie à tout héritier présomptif du donateur, c’est-à-dire à tout héritier qui a une vocation légale à recueillir la succession (enfants) ou par représentation en cas de prédécès d’un enfant.

La participation de tous les enfants à la donation-partage n’est pas une condition de validité de cette dernière, mais son intérêt reste limité. À défaut de faire intervenir tous les héritiers réservataires, elle dégénère effectivement en donation simple rapportable à la succession (avec la conséquence de la revalorisation des biens donnés à la date du partage après décès).

Donation-partage transgénérationnelle

La donation-partage peut être consentie au profit de descendants de générations différentes, qu’ils soient héritiers présomptifs ou non et du vivant du donateur : c’est la donation-partage transgénérationnelle. Ainsi, il est possible de consentir une telle libéralité en associant enfants et petits-enfants, alors même que tous les enfants du donateur sont vivants. L’objectif est de transmettre ses biens aux dernières générations, en « sautant » la génération des enfants.

Pour ce faire, les enfants du donateur doivent tous consentir dans l’acte à la donation-partage. Il est bien sûr possible de gratifier ses petits-enfants par une donation simple mais l’avantage de recourir à la donation-partage est de gratifier ses petits-enfants en lieu et place de son enfant. Ces derniers profiteront ainsi de la part de leur parent de manière anticipée (et à une période plus opportune de leur vie !)

Quels sont les biens pouvant faire l’objet d’une donation-partage ?

Une donation-partage ne peut porter que sur des biens présents appartenant au donateur au jour de l’acte.

Peuvent faire l’objet d’une donation-partage :

  • Les biens propres ou personnels du donateur ;
  • Les biens communs dès lors que le conjoint donateur intervient à l’acte pour donner son consentement sans pour autant se porter codonateur ;
  • Les droits du donateur dans une indivision. La nue-propriété d’un bien (réserve d’usufruit pour le donateur) ou l’usufruit d’un bien.

La nature des biens donnés peut également varier (biens et droits immobiliers, parts sociales, portefeuille de valeurs mobilières, sommes d’argent en pleine propriété).

Incorporation des donations antérieures

Par ailleurs, une donation-partage peut porter en tout ou partie sur des biens qui ont déjà été donnés par le donateur. L’incorporation des donations antérieures consiste à inclure une donation antérieurement consentie par le donateur dans une donation-partage récapitulative rétablissant l’égalité entre enfants. Les enfants déjà gratifiés devront consentir à cette incorporation.

Ainsi, l’aîné qui a reçu, il y a quelques années, un terrain à bâtir, pourra voir sa donation réintégrée à une donation-partage dans laquelle ses frère ou sœur recevraient d’autres biens. Cette incorporation se fera alors avec réactualisation de la valeur du bien donné antérieurement au jour de la donation-partage, permettant ainsi d’éviter de subir une réévaluation de ce bien jusqu’au décès du survivant de ses parents.

Compte tenu de l’évolution des prix de l’immobilier, cela permettrait au donataire gratifié il y a plus de quinze ans de stopper ainsi l’effet désastreux d’une réévaluation au décès des donateurs !

Fiscalité de la donation-partage

Les donations-partages sont soumises aux droits de donation dans les conditions de droit commun, sur la base du barème applicable également aux successions.

Droits de donation

Chaque enfant peut recevoir, de chacun de ses parents, 100 000 euros sans imposition. Cet abattement se renouvelle tous les quinze ans. À cet abattement général, vient s’ajouter un abattement spécifique, qui ne concerne que les dons de sommes d’argent, de 31 865 euros, sous condition que le donateur soit âgé de moins de 80 ans et que le donataire – qui peut être l’enfant, le petit enfant ou l’arrière-petit-enfant (ou à défaut un neveu ou nièce) – soit âgé de plus de 18 ans.

Quant à la donation-partage transgénérationnelle, les droits de donation sont liquidés en fonction du lien de parenté entre le donateur et les descendants allotis : elle donne droit, pour chaque petit-enfant, à un abattement spécifique de 31 865 euros par grand-parent, renouvelable également tous les quinze ans.

À noter que si l’un des donataires est handicapé, il peut bénéficier également d’un abattement de 159 325 euros (cumulatif avec les abattements ci-dessus). Au-delà de cette somme, des droits doivent être versés au Trésor Public, dont le montant est calculé en proportion du montant donné, la principale tranche d’imposition étant taxée au taux de 20 %.

En cas d’incorporation d’une donation antérieure dans une donation-partage, les droits de donation ne sont pas dus sur la valeur incorporée mais un droit de partage de 2,5 % lui sera appliqué.

Avantage de la donation en nue-propriété

La réserve de l’usufruit effectuée par le ou les donateurs va permettre de diminuer la base de taxation des droits de mutation en raison de la valorisation de ce droit conservé par le ou les donateurs. Cette évaluation tient compte de l’âge du ou des donateurs au jour de la donation-partage, en fonction du barème de l’article 669 du Code général des impôts. Par exemple, si le donateur est âgé de moins de 61 ans révolus, son droit d’usufruit est valorisé à 50 % de la valeur du bien, réduisant ainsi de moitié le montant taxable du bien donné. Certes le donataire doit subir l’usufruit de son auteur, mais ce bien sera dès à présent sorti du patrimoine du donateur lors du calcul final des droits de succession.

Rappelons également que, si aucun décès n’intervient dans les quinze ans qui suivent la donation-partage, un nouvel abattement de 100 000 euros sera généré !

Le cas de la donation-partage de bien indivis sans réincorporations

La donation-partage est uniquement soumise aux droits de donation et non aux droits de partage, car elle ne forme qu’une seule et même opération.

Toutefois, l’avantage principal de la donation-partage, consistant à figer la valeur des biens donnés au jour de la donation-partage, peut disparaître en cas de requalification en donation simple, y compris à l’occasion d’une donation mixte portant à la fois attribution en pleine propriété et attribution en indivision.

En conclusion, il est indispensable de consulter votre notaire afin de réaliser une étude approfondie de votre situation patrimoniale et familiale, afin de juger de l’opportunité d’une telle transmission anticipée de vos biens.

Par Maître Mathieu Bohuon, membre de la Chambre interdépartementale des notaires de la cour d’appel de Rennes

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